(...) « Ici Yokohama... Ici Yokohama... La marchandise est arrivée par bateau... »
« Elle était bête à manger du foin. Hou là hou là là... »
Quand plusieurs Beyrouthins ont entendu ces incohérences, hier, à neuf heures du matin, en ouvrant leur poste de radio, sur ondes moyennes entre 300 et 350 mètres (les deux stations d'émission de Radio-Liban), ils en furent passablement étonnés. Avec raison : ce n'est pas tous les jours que Yokohama (!) diffuse – si nettement – du Marc Aryan... Mais cela n'était rien auprès de ce qui suivait : un véritable soliloque sur le plus grand des poètes arabes : « Al-Moutanabbi », ponctué de « Fais attention », de « Je répète », de « Tu as compris, Zouzou ? », tout cela dans le plus pur arabe. À onze heures, « l'émission » se terminait. Les curieux – grâces leur soient rendues – soupçonnant anguille sous roche, se remirent à l'écoute l'après-midi, et, vers 14h58, entendirent ceci (...) :
« (...) Appel dans 7 minutes à 3h15. Je répète. Prépare-toi, nous commençons dans 7 minutes. (...) On attend encore les réponses (...) Questioné arrivata. Nous sommes dans l'embarras du choix. Nous prenons le premier. Corneille. »
Suivait un exposé (en langue française, cette fois) sur Corneille et la vertu cornélienne, émaillé de « Stop », d'expressions arabes, d'encouragements (« Ne t'en fais pas, Zouzou » ), de citations (...), de sarcasmes (...).
L'enquête
L'« émission » s'interrompit brusquement à 16h03, et le scandale commençait. La plus sensationnelle fraude du baccalauréat 1966 allait être découverte (...). À l'école Nouvelle des Jeunes Filles (...), l'attention des inspecteurs fut attirée par un candidat qui avait l'air de sortir tout droit de Verdun : immense bandage autour de la tête, mercurochrome partout. On lui prend sa copie, on la compare avec le texte transcrit par auditeur improvisé : la similitude est parfaite.
Le pot-aux-roses est découvert. (...) Amené au poste de police, il commence par nier farouchement, puis ôte son bandage et exhibe un minuscule poste récepteur (...).
J.K. est passible d'une peine allant de six mois à trois ans d'emprisonnement, pour fraude et possession de poste émetteur-récepteur clandestin (...).
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