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Économie - Litiges

Pourquoi la médiation peine à s’imposer auprès des entreprises libanaises

Le centre de médiation de la Chambre de commerce de Beyrouth a organisé tout au long de la semaine un séminaire consacré à la promotion de la médiation. Plusieurs acteurs de l'économie locale y ont été conviés pour s'instruire de cette technique alternative de gestion des conflits commerciaux.

De gauche à droite, Salah Osseirane, Mohammad Choucair, Achraf Rifi et Georges Jreige, lors de l’inauguration de la semaine de la médiation le 1er juin. Crédit : D.R.

Contrats ou baux commerciaux non respectés, conflits entre actionnaires, dettes non payées... Autant de sources de discorde inhérentes à l'activité commerciale des entreprises et finissant généralement devant les tribunaux. Mais, « dans un pays où un jugement en première instance peut prendre plus de deux ans, la médiation pourrait s'imposer comme une alternative viable de résolution des conflits », résume Me Dala Ghandour, avocate et consultante auprès du centre libanais de médiation de la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB). Créé en 2012 en collaboration avec la Société financière internationale (groupe Banque mondiale), ce centre a organisé, cette semaine, un séminaire destiné à convaincre les agents économiques de l'intérêt d'opter, dans certains cas, pour la médiation plutôt que la voie judiciaire ou l'arbitrage.

Contrairement à ce dernier, qui constitue également un mode de règlement extrajudiciaire en vogue dans les pays anglo-saxons, la tierce personne intervenant dans le litige ne le tranche pas au nom des parties. Le consensus est en effet le maître mot de la médiation qui, pour être enclenchée, nécessite le consentement des deux parties. Celles-ci font appel à un médiateur choisi de concert qu'elles rémunèrent à l'heure (en sus des frais administratifs) et à parts égales. Au cours de la procédure, les parties en conflit lui exposent séparément leur version des faits et les mesures qu'elles voudraient voir appliquées. Dans un second temps, il les réunit pour une négociation et éventuellement aboutir à un compromis qui n'aura pas force exécutoire.

« Le processus n'aboutit pas à une situation de domination d'une partie sur l'autre. L'issue doit idéalement répondre aux intérêts des deux protagonistes, de sorte qu'aucun d'entre eux ne soit tenté de rompre l'accord final », explique Dala Ghandour. La médiation est également vantée pour sa capacité à obtenir rapidement des solutions sans coût exorbitant pour les entreprises. « Les frais d'avocat sont parfois très élevés en cas de procès ou d'arbitrage, et l'affaire peut souvent traîner pendant des années. La médiation, elle, ne prend parfois qu'une journée », plaide Dala Ghandour. Le centre de médiation de la CCIAB recommande toutefois aux entreprises susceptibles de rencontrer des conflits importants – entreprises de construction, d'industrie lourde ou celles qui sont fortement endettées – de recourir à une démarche hybride dite de « medarb », qui consiste à prévoir un recours ultérieur à l'arbitrage si la médiation s'avère inopérante.

Obstacles culturels
Si la médiation commerciale a déjà fait son apparition au Liban il y a une dizaine d'années, à travers la création du Centre professionnel de médiation (CPM) et de sa filiale à Tripoli, elle n'est régie par aucune loi spécifique. Alors que le code ottoman « majalla » différenciait déjà la médiation « wasata » de la conciliation « solh », la législation actuellement en vigueur ne reconnaît que la conciliation, dont elle confie la responsabilité au juge (articles 375 et 460 du code de procédure civile) ou à un conciliateur légal dans les conflits collectifs du travail.

Par conséquent, la médiation demeure balbutiante au Liban. « Ce dispositif a également mis du temps à s'ancrer dans les pratiques des pays occidentaux depuis son apparition dans les années 1980 », explique Johanna Hawari-Bourjeily, directrice et fondatrice du CPM. « Les juges et l'ensemble des professions judiciaires n'ont pas voulu voir émerger un système pouvant constituer une menace pour leur activité », veut néanmoins croire Michel Salem, directeur général de la compagnie de construction D.G. Jones & Partners, qui confie n'avoir jamais recours à ce mécanisme. Un point de vue contesté par Henri E. Najm, fondateur du cabinet d'avocats Najm Law Firm, qui estime au contraire que les avocats seront de plus en plus amenés à se tourner vers la médiation pour mieux protéger leurs clients face à des partenaires étrangers rompus à cette pratique. « Ils touchent l'essentiel de leurs honoraires à l'issue du conflit et ont tout intérêt à se tourner vers cette procédure plus expéditive », ajoute-t-il.

Un autre facteur explicatif du peu d'engouement pour cette procédure réside peut-être aussi dans le fait que les employés des petites sociétés familiales, qui n'ont pas les moyens de supporter des honoraires d'avocat, font souvent appel à l'entremise d'un curé ou d'une autre autorité pour régler leurs litiges de manière informelle. Les entreprises de plus grande taille pourraient, elles, davantage s'intéresser à une véritable médiation, a fortiori si le système juridique les incitait à le faire. C'est justement l'esprit d'une proposition de loi sur la « médiation judiciaire » déposée en 2009. Elle stipule que « sous réserve du respect des dispositions des articles 375 et 460 du code de procédure civile et à tout moment de la procédure, le juge ou le tribunal saisi d'un litige peut, soit d'office, soit à la demande d'une des parties, proposer de recourir à la médiation afin de régler un différend ». Las, « le texte est toujours dans les tiroirs du Parlement et ne devrait pas être adopté de sitôt », déplore Me Ghandour.

 

Pour mémoire
Le CPM à la compétition de médiation commerciale à Paris

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