Les audiences ont repris hier au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) à La Haye avec une nouvelle série de témoignages prévus, « non politiques » cette fois-ci. Hier, un sous-officier des Forces de sécurité intérieure, qui faisait partie du convoi de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, le jour de l'assassinat, a été appelé à la barre pour décrire notamment la scène du crime et les moments qui ont précédé et suivi l'explosion à laquelle il a survécu, non sans garder des séquelles physiques et morales.
Bénéficiant de mesures de protection – floutage, altération de la voix –, le témoin a créé la surprise en racontant un épisode inédit dont il a témoigné alors qu'il était affecté au convoi de sécurité de l'ancien Premier ministre. Le sous-officier, dont la voix trahissait une émotion certaine malgré la distorsion sonore, a raconté devant la cour comment deux semaines avant l'attentat du 14 février 2005, et alors qu'il se trouvait à l'entrée de la résidence de Koraytem, l'ancien chef des SR syriens, Rustom Ghazalé, est venu en trombe chez Hariri et l'a menacé d'enlever sa fille Hind.
« Il est venu menacer l'ancien Premier ministre. La situation était très difficile pour nous », a confié le témoin, soulignant que l'officier syrien était accompagné d'un convoi composé de membres des SR. « Ils sont descendus du convoi. Ils avaient une attitude agressive comme s'ils venaient pour tuer Rafic Hariri ou le kidnapper. Nous étions à la porte du palais et avons entendu de la bouche de l'un des gardes qu'ils ont dit à Hariri qu'ils enlèveraient sa fille Hind s'il venait à faire un faux pas, une erreur quelconque. Un certain chaos régnait au palais et la situation était extrêmement tendue », a-t-il dit.
(Pour mémoire : « Ils ne pourront pas m'intimider », avait dit Rafic Hariri à propos du Hezbollah )
Autre surprise créée par le témoin, sa version de l'incident de l'épaule cassée de Rafic Hariri, quelques semaines avant son assassinat. À ce propos, il a raconté comment le jour où l'ancien Premier ministre se trouvait chez Rustom Ghazalé, à Anjar, il en était sorti avec l'épaule brisée. « C'était le garde du corps de Ghazalé qui l'avait frappé avec son revolver. C'est ce que nous avait raconté Abou Tarek (le garde du corps de Hariri) alors que nous nous dirigions vers l'hôpital de l'Université américaine. Abou Tarek avait les larmes aux yeux », a poursuivi le témoin.
Après l'AUH, où l'ancien Premier ministre a reçu les soins nécessaires, poursuit le sous-officier, Rafic Hariri a pris l'avion pour la Sardaigne. Cette version, qui rejoint les rumeurs populaires entendues à cette époque au sujet de cet incident, diffère toutefois de celle livrée par d'autres témoins qui avaient affirmé devant le TSL que l'ancien Premier ministre s'était brisé l'épaule en Sardaigne.
(Pour mémoire : Hani Hammoud devant le TSL : Le Hezbollah avait mis en garde Rafic Hariri contre son attitude antisyrienne)
Ces deux incidents « inédits » que le témoin n'avait vraisemblablement pas confiés aux enquêteurs au préalable à cause de « problèmes de mémoire », comme il dit, ont été servis à la défense sur un plateau d'argent.
Ainsi, John Jones, le conseil de l'un des cinq accusés Moustapha Badreddine, a tenté un forcing en direction du témoin, mettant en cause la crédibilité de son histoire. L'avocat, qui a été jusqu'à traiter le témoin d' « amnésique », a insisté pour savoir comment il s'est souvenu de ces détails importants relatifs à Rustom Ghazalé seulement aujourd'hui. Comment se fait-il qu'il n'en avait rien dit devant les enquêteurs internationaux après l'assassinat ? « Est-ce parce que Rustom Ghazalé est aujourd'hui décédé et qu'il n'est pas possible de vérifier ces allégations ? » a demandé l'avocat.
« Pas du tout », a répondu le témoin en insistant sur sa version initiale, à savoir qu'il venait juste de s'en souvenir.
Et de finir par expliquer à quel point lui et ses collègues « avaient peur » après l'assassinat pour leurs familles respectives, peur d'être tués. « J'avais peur, j'ai une famille. J'avais même peur de venir ici », a-t-il dit sur un ton troublé.
Le sous-officier, qui a décrit les scènes tragiques qu'il a vues sur le lieu du crime sitôt après la déflagration, a raconté comment l'ancien directeur des Forces de sécurité intérieure, le général Ali Hajj, était venu sur place pour lui demander si Wissam el-Hassan, le chef de sécurité de Rafic Hariri à l'époque, était mort. « Je lui ai répondu : Rafic Hariri est mort, Rafic Hariri est mort », dit-il.
Le témoin sera de nouveau interrogé aujourd'hui par la défense. Il sera en principe suivi le jour même d'un autre témoin bénéficiant également de mesures de protection.
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commentaires (2)
LE TSL S'EST-IL TRANSFORMÉ EN BAL MASQUÉ ?
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
12 h 56, le 03 juin 2015