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Liban - Reportage

« On a finalement compris que ce qu’on fait pour les Syriens avantage les Libanais »

À Deir el-Ahmar, les projets de développement de l'Union européenne profitent à tout le monde.

Le tri des pommes de terre dans le hangar agrandi.

Elles sont une vingtaine de jeunes filles syriennes qui travaillent d'arrache-pied dans un immense hangar plein à craquer de pommes de terre. Le centre ressemble à une ruche d'abeilles où des camions déchargent leur cargaison. À l'intérieur, les ouvriers s'affairent à trier, puis à emballer et à stocker des tonnes de tubercules, avant de les embarquer dans d'autres camions qui attendent.
« Tout ceci est le résultat de l'agrandissement du centre appartenant à l'Union des coopératives de Deir el-Ahmar », affirme Michel Rahmé, homme d'affaires et exportateur de pommes de terre.

Cette initiative est le fruit d'un projet financé par l'Union européenne pour « réduire l'impact de la crise syrienne sur la population libanaise à travers le renforcement des coopératives de Deir el-Ahmar ».
Le but de ce projet est de construire un centre pour le conditionnement des pommes de terre. Avec d'autres financements, l'Union des coopératives de Deir el-Ahmar (qui en comprend 14) a acheté les équipements nécessaires pour faire les emballages, le tri, etc., affirme Claudio Errighi, responsable du projet chez ICU.
Le centre comprenait un petit hangar et des frigos pour entreposer des pommes. Actuellement, des pommes de terre peuvent y être stockées grâce à ce projet.

Selon Sobhi Khoury, président de l'Union des coopératives à Deir el-Ahmar, « le bâtiment a été agrandi pour recevoir de plus grandes quantités de pommes de terre. De 32 m², la superficie du bâtiment est passée à 465 m² avec 5 chambres froides. Quatre pour le stockage commercial et une pour une utilisation personnelle des fermiers ». L'élargissement du hangar a permis d'accroître la production, poursuit M. Khoury, expliquant que « la production est passée de 3 700 tonnes en 2013 à 7 000 tonnes en 2014 ».
L'Union est assez active dans la région, admet de son côté M. Errighi. Elle exporte 25 tonnes par jour dans les pays arabes du Golfe. Toutefois, elle n'exporte pas en Europe, car l'UE exige une certification de traçabilité. Les Européens sont en train de former des experts dans ce but précis, mais c'est dans le cadre d'un autre projet, ajoute-t-il. « On a finalement compris que ce qu'on fait pour les Syriens avantage les Libanais », ajoute-t-il.

(Pour mémoire : Nouveau don de l'UE aux réfugiés syriens du Liban)

 

Stockage de l'eau
L'agrandissement du centre s'est avéré également bénéfique pour le secteur privé qui bénéficie largement des facilités fournies grâce à ce projet, explique pour sa part May Traboulsi, de la coopérative « Atayeb al-Rif ». Michel Rahmé confirme : « En agrandissant l'entrepôt, nous avons pu séparer les réserves des pommes et des patates, ce qui rend le travail plus propre, plus facile et plus rapide. Le volume de production a doublé. On emploie plus de travailleurs, donc nous économisons du temps. Le contrôle de qualité est également présent. 75 % de notre production est exportée à Dubaï, à Mascate, à Doha, Djeddah et Amman. La qualité exportée dans ces villes est la meilleure sur le marché. »

Bien que le projet soit de courte durée (il a débuté en février 2014 et doit prendre fin en janvier 2015), il présente une vision globale du processus agricole, du début jusqu'à la fin. Dans un deuxième temps, celui-ci va ainsi permettre d'augmenter le stockage de l'eau chez les agriculteurs limitrophes.
Khalil est un fermier de la région de Zrazir, une région dont les saisons sont assez contrastées : des pluies en hiver, mais un temps sec et aride en été. « Nous emmagasinons l'eau de pluie pendant l'hiver dans des citernes à ciel ouvert, que nous utilisons en été pour irriguer nos terres. Or nous perdons près de 40 % de cette eau, soit par évaporation, soit par les moyens rudimentaires d'irrigation », explique-t-il.
Ce projet a aidé les fermiers à cerner le problème pour trouver les solutions adéquates, explique Carole Hachem, de la fondation ICU. Des canaux d'irrigation étanches ont été ainsi construits et des toits ont été confectionnés pour couvrir les citernes durant les périodes chaudes.

Un troisième volet du projet consiste à former des agriculteurs libanais et syriens. Le point fort de ces sessions est que « les thèmes ont été choisis par les agriculteurs eux-mêmes, selon leurs besoins et leurs manques. En fonction de leur demande, nous avons préparé les formations adéquates. Le projet prévoyait initialement 30 sessions, mais on en a finalement organisé 38 », explique-t-elle. « L'impact de ces formations a été tellement positif que les coopératives ont décidé dès la fin du projet d'embaucher un des experts qui a donné la formation, afin de poursuivre celle-ci à leur propre compte », explique à son tour Khalil.

Rappelons par ailleurs que le flux des réfugiés syriens au Liban a créé de nombreux problèmes avec les communautés hôtes. Entre autres, à cause de l'état d'urgence, un grand nombre de pays et d'ONG ont envoyé une aide massive aux réfugiés syriens dans le besoin, ce qui a irrité les Libanais qui ont été largement affectés et déstabilisés sur le plan économique et sécuritaire par la présence en surnombre de populations déplacées du pays voisin, sur le territoire libanais.
« Depuis l'afflux des réfugiés syriens au Liban, une importante aide a été assurée directement à ces derniers pour les soutenir, il est vrai, mais l'intérêt de ce projet est qu'il soutient également les Libanais, qui représentent le peuple hôte », explique Carole Hachem.

(Pour mémoire : Réfugiés : 118 millions de dollars d'aides US au Liban)


Formations à l'hygiène

Le but de ces formations est d'assurer du travail aux Syriens dans le secteur agricole, ce qui n'est pas une difficulté en soi, puisque les Libanais utilisent souvent la main-d'œuvre syrienne dans les récoltes. « Nous avons donc cherché à développer leurs connaissances dans plusieurs domaines et améliorer dans le même temps leur productivité pour les intégrer de la meilleure façon possible dans les coopératives », explique M. Errighi, en précisant que les agriculteurs libanais ont été aussi formés. Des formations théoriques (pour utiliser les pesticides, par exemple) et pratiques (pour la taille des oliviers, des pommes et des vignes) leur ont été ainsi dispensées.

Près de 1 000 personnes ont bénéficié de cette formation, dont 400 Syriens et 600 Libanais. « Les sessions ont été faites séparément, parce que les niveaux d'éducation et de connaissance des participants des deux nationalités sont différents. Par contre, des formations à l'hygiène et aux précautions sanitaires à prendre ont été données aux femmes libanaises et syriennes ensemble », affirme Carole Hachem.

Supervisant le travail à l'intérieur du hangar, Michel Rahmé explique : « Les Libanais profitent de l'agrandissement du site et des investissements qui augmentent, alors que les Syriens profitent de davantage de travail, donc de plus de rentrées financières, d'un logement, etc. »
« Il faut noter aussi que plus de travail dans les champs ou dans le centre implique plus d'emplois pour les ouvriers syriens de la région qui sont les premiers bénéficiaires », renchérit Hanna Habchi. « Du coup, enchaîne Sobhi Khoury, le Syrien devient partie intégrante du cercle économique local au lieu d'y être un fardeau. Non seulement il travaille pour le compte des Libanais, mais il va également dépenser son argent dans la supérette du coin, qui appartient à un Libanais... ».

 

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commentaires (2)

LES MALHEURS DES UNS... FONT LES BONHEURS DES AUTRES... C'EST UNE DES LOIS DE LA NATURE !!!

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 31, le 14 mai 2015

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Commentaires (2)

  • LES MALHEURS DES UNS... FONT LES BONHEURS DES AUTRES... C'EST UNE DES LOIS DE LA NATURE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 31, le 14 mai 2015

  • Oui, le problème, justement, est que tous ces programmes soutiennent "également les Libanais", c'est là que ce situe le piège que beaucoup ne semblent pas voir. Les Libanais bénéficieraient-ils de tous ces programmes (malgré l'existence le besoin avant la crise syrienne) sans la présence des réfugiés syriens? On nous fait taire en formant 600 Libanais et 400 Syriens, encore heureux que ces chiffres ne soient pas inversés... La carotte (les projets de soutien) et le bâton (vous les acceptez sans dire un mot)... Continuons comme ça, on est sur la bonne voie de se faire bouffer, en trouvant génial qu'on nous jette quelques cacahuètes en appât... C'est déjà au 3/4 fait, de toute façon.

    NAUFAL SORAYA

    09 h 19, le 14 mai 2015

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