Jean-Marie Le Pen suspendu : quel impact sur le FN?

Existera-t-il un avant et un après Jean-Marie Le Pen père pour le Front national ? Convoqué par Marine Le Pen, le bureau exécutif du Front national (FN) a suspendu, lundi, Jean-Marie Le Pen. La plus haute instance du parti d'extrême droite a également décidé de convoquer dans les trois mois une assemblée générale pour modifier les statuts du parti et lui retirer sa présidence d'honneur. Auteur en avril d'une série de provocations sur la Shoah ou l'immigration, le patriarche, 86 ans, mettait à mal les efforts de "dédiabolisation" de la formation initiés par sa fille. Après 43 années de bataille politique, cette mise à l'écart du vieux leader du parti d'extrême droite français semble acter la fin d'une ère au FN.

Q-Quel impact peut avoir la mise à l'écart de Jean-Marie Le Pen sur l'électorat du FN ?

R-Jean-Marie Le Pen dit apporter une touche de subversion au parti. Il est vrai qu'avec un Le Pen père hors-jeu, l'image du FN perd de sa radicalité, c'est tout l'enjeu de cette suspension. Alors on peut imaginer qu'une partie de l'électorat d'extrême droite traditionnel se détourne du FN en voyant que Jean-Marie Le Pen est mis sur la touche. Mais dans le fond, ce qui fait la dynamique électorale du FN  (l'immigration, la sécurité, l'Europe, ...) reste inchangé. Il n'y a pas de rupture idéologique très forte, le projet politique du parti reste radical. Tout comme son père, Marine Le Pen continue de se poser en adversaire du système. Mais à la différence de Jean-Marie Le Pen, elle a trouvé un point d'équilibre entre la radicalité des idées et la normalisation du discours. Je crois qu'en terme d'électorat, la dédiabolisation de la fille amène beaucoup plus de votes que la radicalité du père.

Q-Quel est l'impact de cette saga familiale sur l'image du parti?

R-Cette dernière histoire (la suspension de J.-M. Le Pen) est une crise à double tranchant pour le parti. En prenant une position forte contre son père, Marine Le Pen ancre l'idée que son parti se dédiabolise, elle montre qu'elle fait le ménage et n'hésite pas à évacuer les éléments les plus extrêmes, même lorsqu'il s'agit de son père. En cela, la suspension de Jean-Marie Le Pen est plutôt positive pour sa fille et l'image du FN. En même temps, on ne peut que constater que le parti traverse une période de turbulences, avec des affaires qui viennent ternir son image (compte caché de Jean-Marie Le Pen en Suisse, soupçon de financement illégal de la campagne des législatives 2012...). Cette crise ouverte, ce psychodrame familial et politique au sein du FN, vient renforcer l'image d'un parti tourmenté, aussi tourmenté que les autres partis français. Et si Jean-Marie Le Pen continue de dénigrer sa fille comme il le fait, on peut imaginer que l'image du parti sera un peu plus ternie encore.

 
Q-Comment cette suspension s'inscrit-elle dans la dédiabolisation du parti ?

R-Il faut être très prudent. Aujourd'hui, il ne faut pas oublier que la dédiabolisation est surtout en façade : sur l'essentiel du projet politique, Marine Le Pen n'a rien changé. Ce qui se termine aujourd'hui, c'est la transition du leadership de Jean-Marie Le Pen. Cette transition est inévitable, elle a aussi lieu dans les partis populistes d'extrême droite d'autre pays en Europe, le FPÖ en Autriche, la Ligue du Nord en Italie, etc... Le FN abandonne-t-il pour autant son projet radical et populiste ? Non. En fait, on est plutôt au tout début du processus de dédiabolisation, qui consiste à changer l'habillage du parti. Par ailleurs, le positionnement du parti dans la politique française reste le même : dans cette nouvelle histoire, Marine Le Pen reste isolée et continue à renvoyer dos à dos le PS et l'UMP.

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