Rechercher
Rechercher

Culture - Disparition

Une étoile du Bolchoï est montée au ciel

Avec ses yeux espiègles qui ne vieillissaient pas, son sourire triomphant et son allure royale, Maïa Plissetskaïa n'a jamais cessé d'éblouir le public... jusqu'à sa mort.

Maïa Plissetskaïa à Paris, le 19 avril 1972.

La danseuse russe Maïa Plissetskaïa (1925-2015) a défié le temps et les mœurs de son époque, scandalisant le régime soviétique avec des interprétations érotiques, se passionnant pour les chorégraphies modernes à l'âge où ses collègues étaient déjà à la retraite.
Mariée au compositeur russe Rodion Chtchedrine, Maïa Plissetskaïa est décédée au cours du week-end écoulé en Allemagne d'une crise cardiaque, mais sera enterrée en Russie, selon le directeur du Bolchoï, Vladimir Ourine.
Pour ses 80 ans, en 2005, elle avait interprété au Kremlin Ave Maïa que lui avait dédié le chorégraphe français Maurice Béjart, couronnant un gala féerique avec des danseurs classiques venus du monde entier, les moines de Shaolin, l'Ensemble de l'armée russe Alexandrov et le roi du flamenco Joaquin Cortes.
Un hommage inédit qui résumait bien la carrière et le caractère de la « Prima ballerina assoluta », une distinction suprême que le Bolchoï n'a décernée que deux fois dans son histoire.
« Maïa Plissetskaïa a assimilé la grande tradition, l'a digérée et retraitée, ce qui lui a permis de gagner la liberté. Quoi qu'elle danse, je sens en elle une force vitale énorme, la sensualité, mais avant tout la modernité », a dit d'elle Maurice Béjart. Pour le célèbre chorégraphe décédé en 2007, Maïa Plissetskaïa était la « dernière légende vivante de la danse ».
« L'essentiel est d'être une artiste et de comprendre pourquoi tu es sur scène. Il ne suffit pas de bien lever la jambe », assurait la danseuse pour expliquer le secret de son succès.

Fille d'un « ennemi du peuple »
Née le 20 novembre 1925 à Moscou, Maïa Plissetskaïa a connu le sort tragique de millions de Soviétiques. Son père, ingénieur, est fusillé sous Staline en 1938 et sa mère, actrice de cinéma, est envoyée dans un camp au Kazakhstan, comme « membre de la famille d'un traître à la patrie ».
De facto orpheline, la petite Maïa, « fille d'un ennemi du peuple », est recueillie par sa tante, ballerine, et son oncle, professeur de danse. Elle se sent « heureuse » parce qu'elle apprend à danser. Elle adore la danse espagnole « si différente de ce qui nous entourait », écrira-t-elle dans ses Mémoires.
Plissetskaïa entre au Bolchoï en 1943 où elle dansera pendant presque 50 ans.
Elle s'impose immédiatement. Mais tout en affichant une parfaite formation académique, elle pimente ses interprétations de défi et de sensualité inimaginables dans la danse soviétique.
Un soir, Joseph Staline décide de célébrer son anniversaire au Bolchoï. « J'avais peur. J'étais morte de trac et le parquet était une véritable patinoire. Je scrutais sans cesse le public, cherchant qui était responsable du malheur de ma famille », se souvient-elle dans ses Mémoires.
Elle restera jusqu'à ses dernières années méfiante face au pouvoir soviétique, exprimant en 2000 son « aversion » face à la décision du président Vladimir Poutine de rétablir l'hymne stalinien avec de nouvelles paroles.

Une danseuse « sans égale »
Ballerine confirmée et brillante dans les grands classiques, comme le Lac des cygnes ou Don Quichotte, Maïa Plissetskaïa rêve de Balanchine et de Béjart, « inaccessibles » parce qu'hostiles à la tradition du « réalisme socialiste ».
La danseuse commence à réaliser son rêve en 1967 grâce à une rencontre à Moscou avec le chorégraphe cubain Alberto Alonso, autorisé à créer pour elle Carmen-suite parce qu'il venait d'un pays communiste. Sa gitane, dont tout le corps jusqu'aux pointes crie la séduction, fait scandale. Le pouvoir est paniqué.
« C'était la guerre. On m'a accusée d'avoir trahi la danse classique. Le ministre de la Culture a dit que Carmen mourrait. Je savais que je mourrai moi, mais que Carmen vivrait », aimait répéter Plissetskaïa.
Svetlana Zakharova, la vedette ultratechnique du Bolchoï, et la « divine » Ouliana Lopatkina du Mariinski de Saint-Pétersbourg ont essayé de reprendre ce rôle ces dernières années, mais n'ont pu que confirmer que Plissetskaïa n'avait « pas d'égale » dans la danse russe, selon les critiques et amateurs de la danse.
Après Carmen, que la pudibonde société soviétique a eu du mal à digérer, viendront d'autres provocations de Maïa, des chorégraphies érotiques de Béjart ou de Roland Petit et des ballets que son mari, le compositeur Rodion Chtchedrine, avait créés d'après des œuvres de classiques russes.
Ces derniers ballets ont aussi valu à l'étoile de vives critiques des milieux conservateurs pour lesquels Anna Karénine de Tolstoï et La Dame au petit chien de Tchekhov ne sont pas faits pour être dansés.
« Maïa est la plus haute technologie de la nature et son principe fondamental est le mouvement éternel », a dit d'elle le couturier français Pierre Cardin qui l'avait habillée sur scène et dans la vie.
(Source : AFP)

La danseuse russe Maïa Plissetskaïa (1925-2015) a défié le temps et les mœurs de son époque, scandalisant le régime soviétique avec des interprétations érotiques, se passionnant pour les chorégraphies modernes à l'âge où ses collègues étaient déjà à la retraite.Mariée au compositeur russe Rodion Chtchedrine, Maïa Plissetskaïa est décédée au cours du week-end...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut