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À La Une - Centenaire du génocide arménien

Melkon Hagopian, 77 ans, un passionné de bijoux

 

 

Assis devant sa table de travail, les lunettes de protection sur le nez, Melkon Hagopian sertit une bague de diamants. À travers les fenêtres de l'atelier de Bourj Hammoud, le soleil perce. Le vieil homme est dans son élément. À 77 ans, ce Libanais d'origine arménienne n'envisage pas de prendre sa retraite. Tous les jours, le voilà devant son établi. « J'ai encore des idées de créations pour tenir jusqu'à mes 150 ans », lance-t-il, jovial.


C'est à 16 ans que Melkon Hagopian a appris le métier en tant qu'apprenti avec des artisans bijoutiers arméniens venus d'Istanbul. « Avant la guerre civile, les ouvriers de l'or étaient tous arméniens au Liban, précise Razmig Hagopian, son fils aîné. Les survivants du génocide n'ayant plus que leurs mains pour travailler, ils se sont retrouvés artisans, ouvriers, d'autant que certains exerçaient déjà ces professions en Arménie. Après la guerre civile, beaucoup d'Arméniens ont pris le chemin de l'exil, et le travail de l'or, au Liban, n'a plus été leur exclusivité. »
Melkon Hagopian, lui, n'est jamais parti. « Je serai le dernier de la famille à quitter le Liban », avait-il coutume de répéter à ses enfants, à chaque départ d'un proche. Son atelier et sa passion du bijou sont peut-être ce qui l'a retenu au Liban.


Le joaillier a cependant dû déménager à cause des combats. Il a arrêté ses activités de Bab Idriss, à deux pas du souk des Bijoutiers du centre-ville, où il avait ouvert son propre atelier pourvu d'une vitrine pour exposer ses créations, et s'est replié sur Bourj Hammoud en 1976. Avec la guerre civile, le bijoutier perd tout et doit recommencer à zéro. Ce qu'il conserve, c'est son savoir-faire et sa créativité. « Il est même arrivé qu'on déplace l'atelier au-dessus de notre appartement, tellement les moindres déplacements en ville étaient dangereux », se souvient Razmig.


« Mon père est né au Liban, je suis né au Liban. J'ai appris l'histoire de l'Arménie, mais aussi celle du Liban. Je suis un Libanais d'origine arménienne », soutient le joaillier, qui n'envisage pas de partir. Pour autant, la blessure du génocide reste vive pour ce descendant de survivants. « On nous transmet cette souffrance, c'est dans nos racines », dit-il. Son grand-père avait 29 ans lors des massacres. « C'est un vrai rescapé, le seul de sa famille. Garabed était le dernier d'une longue file qu'on conduisait à l'exécution, raconte Razmig. Il a fait semblant d'être menotté et a pu s'enfuir, malgré une blessure par balle à la jambe. Il est arrivé à pied au Liban » et s'est construit une vie à partir de rien.
Si sa vie s'est totalement faite au Liban, Melkon Hagopian entretient un lien solide avec le pays de ses ancêtres. Il participe à un projet de lutte contre l'exode rural en Arménie. Un projet qui touche certains villages et consiste à offrir une vache à chaque Arménienne ayant plus de trois enfants.


Aujourd'hui, la joaillerie Hagopian possède son atelier et une boutique à Bourj Hammoud, ainsi que deux magasins dans des centres commerciaux à Achrafieh et Dbayé. Razmig Hagopian et son frère cadet, Garin, travaillent aux côtés de leur père depuis 1996. « Cela s'est fait naturellement », dit Razmig. Enfants, l'atelier était leur terrain de jeu. « Je me souviens, on passait nos samedis à l'atelier. Le samedi était le jour de paye pour les ouvriers, et je touchais moi aussi le salaire pour ma journée de travail », se rappelle Garin, aussi brun que son frère est roux.


Le travail s'est toujours fait en famille, et le métier se transmet d'une génération à l'autre. Les deux frères ont fait des études pour acquérir de nouvelles connaissances : Razmig, des études de gemmologie et de stylisme à Paris ; Garin, de management des affaires et de dessin à Florence. La conception des bijoux, bagues, parures, boucles d'oreilles et autres broches se fait dans l'atelier de A à Z. Les croquis aussi, minutieusement conservés dans un classeur, jusqu'au polissage et la vente.
Dans un coffre-fort de la boutique sont gardées les broches de Melkon, qui, parce qu'elles sont uniques, ne sont pas à vendre. « Mon père est davantage intéressé par la personne qui achète son bijou que par le prix auquel on l'a vendu », glisse Garin. Peut-être que plus tard, son propre fils, aujourd'hui âgé de six ans, reprendra le flambeau, « mais je le laisserai libre de décider ! » En attendant, lui aussi passe ses samedis à jouer dans l'atelier.

 

Notre supplément spécial centenaire du génocide arménien, "De la douleur à la renaissance" est disponible ici et dans les kiosques au Liban

 

Au sommaire, notamment

-Les petits-enfants du génocide

-Le cri du coeur d'un Arménien "comme les autres"

-Les artisans résistent aux importations chinoises

-Les Hadidian et l'histoire de la joaillerie au Liban

-Rencontre avec Paul Haidostian, président de l'Université Haigazian

et bien d'autres articles, interviews et reportages encore.

 
 
Assis devant sa table de travail, les lunettes de protection sur le nez, Melkon Hagopian sertit une bague de diamants. À travers les fenêtres de l'atelier de Bourj Hammoud, le soleil perce. Le vieil homme est dans son élément. À 77 ans, ce Libanais d'origine arménienne n'envisage pas de prendre sa retraite. Tous les jours, le voilà devant son établi. « J'ai encore des idées de...

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