Les vingt-quatre heures libanaises de M. Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, auront permis non seulement de mettre, enfin, sur les rails l'accord franco-saoudien (DONAS) relatif à la fourniture d'armes et de matériels modernes à l'armée libanaise pour trois milliards de dollars mais de consolider le cadre politique de cet accord par un engagement franco-saoudien à caractère irréversible en faveur du Liban.
Les discours et entretiens du ministre français avec les présidents Nabih Berry et Tammam Salam, hier, ainsi qu'avec son homologue libanais, Samir Mokbel, ont donné plus qu'une impression que les obstacles et autres difficultés surgis ces douze derniers mois sont désormais derrière nous. Ils ont créé un climat de confiance inédit basé sur un réalisme doublé d'une fermeté porteuse d'espoirs.
De toutes les allocutions prononcées par M. Le Drian, c'est probablement les deux discours d'hier après-midi qui auront résumé la ferme volonté française de valoriser l'accord pour moderniser et structurer les forces armées libanaises dans le cadre d'un véritable partenariat qui tient compte de la situation au Liban et dans la région.
Il faut rappeler à cet égard que M. Le Drian s'était rendu en Jordanie avant d'arriver au Liban, ce qui lui a permis de mesurer la gravité des dangers de l'extrémisme sur les plans politique, humanitaire et militaire.
Devant le contingent français de la Finul, basé à Deir Kifa, le ministre a rendu hommage tant au courage de ses soldats qu'à l'esprit exemplaire qui régit les relations entre les militaires français et libanais, ce qui permet, estime-t-il, d'entretenir un climat salutaire et rassurant pour les habitants de la région.
M. Le Drian n'a pas pour autant voulu minimiser la gravité du chaos qui règne sur l'ensemble de la région du fait des organisations terroristes et qui pourrait atteindre le Liban à tout moment dans toutes les régions.
« Le Liban et nous faisons face aux mêmes dangers et à un ennemi commun, a déclaré le ministre français de la Défense. Dans notre pays et au Levant, a-t-il expliqué aux soldats, ce combat est aussi celui de pays arabes et occidentaux qui établissent en ce moment une stratégie commune qui seule pourra éviter le pire dans la zone et aussi en Europe. »
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Plus tard, à la Résidence des Pins, et après avoir rendu visite au président Tammam Salam et auparavant (dans la matinée) à Nabih Berry, le ministre français a pris la parole au cours d'une réception donnée par l'ambassadeur de France, M. Patrice Paoli, pour faire le point de sa visite et la placer dans son contexte politique, libanais et régional. Il a estimé que tout effort de sauver le Liban et de le renforcer militairement passe par une réactivation des institutions étatiques, en commençant par l'élection d'un président de la République. Abordant la situation en Syrie, M. Le Drian a expliqué pourquoi son pays a pris position contre le régime de Damas. Il a rappelé qu'il n'y a qu'une solution politique qui pourra sauver la Syrie et mettre le Liban à l'abri des dangers qui le menacent et ce, malgré le drame atroce qui se joue en Syrie.
Il a néanmoins affirmé que la France et ses alliés sont déterminés à frapper durement les forces du mal qui menacent le Moyen-Orient et dont le seul but est de semer le chaos. « En Irak et au Liban, notre choix est d'agir par l'entremise des forces locales », a poursuivi le ministre qui a dit que le Liban et l'Irak peuvent compter sur la France et que c'est dans ce contexte qu'intervient cette aide militaire saoudo-française au Liban.
Après avoir martelé que la stabilité et l'indépendance du Liban ne peuvent être assurées qu'avec une armée forte et bien équipée, le ministre français de la Défense a étendu son propos au Yémen, condamnant les forces qui interviennent dans ce pays et invitant les États de la région à mettre au point une stratégie commune pour rétablir la paix dans ce pays, en partenariat avec la France et d'autres pays amis.
Revenant au Liban, M. Le Drian a rappelé que le peuple libanais a déjà souffert de la guerre mais qu'il est capable de rétablir l'unité de son pays par la cohésion et l'élimination des problèmes à caractère communautaire. Il s'est déclaré convaincu que ce faisant, le pays du Cèdre pourra porter un message d'espoir pour toute la région et y réduire les tensions confessionnelles.
« L'enjeu est de taille mais notre confiance est inébranlable », a conclu le ministre qui a clôturé son séjour libanais par un briefing de presse avec un nombre restreint de journalistes.
Il y a évoqué divers sujets portant non seulement sur le Liban mais sur toute la région.
À une question sur la capacité de l'armée libanaise à faire face aux dangers qui la guettent, notamment au nord-est du pays avec les moyens dont elle dispose actuellement, M. Le Drian a répondu que cette armée est parfaitement capable de se défendre et de défendre ses frontières, même dans le cas d'un « Qalamoun II », a-t-il ajouté. Il a enfin estimé qu'une « grande conflagration au Liban n'est pas probable », appelant toutefois à agir très vite au plan politique pour renforcer le front intérieur.
Pour ce qui est de la concrétisation de l'aide militaire au Liban par une première livraison de matériel, hier, sur le tarmac de la base militaire de Khaldé – objet de la visite du ministre français au Liban – elle s'est déroulée lors d'une cérémonie à laquelle ont pris part les ministres français et libanais de la Défense, qui ont prononcé des discours de circonstance, le commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi, des officiels civils et militaires des deux pays. Face à la tribune, les 48 fusées Milan étaient disposées et une présentation technique a été effectuée.
Des précisions ont été officiellement fournies sur la nature du matériel et de l'armement qui seront fournis à l'armée et sur la chronologie des livraisons.
Dans le domaine terrestre, des véhicules de combat, des moyens de transport, des pièces d'artillerie, des moyens de défense sol-air de très courte portée ainsi que des missiles Milan seront fournis.
Au chapitre de l'aéromobilité, 6 hélicoptères Cougar seront également livrés à l'armée.
Dans le domaine naval, une flotte de 4 patrouilleurs rapides dotés de moyens d'autodéfense et de canons de 76 mm viendront renforcer les capacités de l'armée.
Pour ce qui est de la surveillance et de la protection, des moyens de surveillance maritime et aérienne et des systèmes de télécommunications stratégiques et tactiques seront assurés.
Enfin, pour la lutte antiterroriste, des moyens légers superperformants sont prévus. La prochaine livraison de matériel aura lieu dans un mois environ et comportera des caméras thermiques, des instruments de vision nocturne et des munitions diverses.
Pour mémoire
2015, année de l'armement de la troupe et des visites express de responsables occidentaux