Rechercher
Rechercher

Culture - Rencontre

Khatchadourian, l’Arménie dans le sang

Elle a intitulé son second opus « Titernig » (Papillon), imaginé comme une métamorphose après un retour au cocon. En attendant la sortie, demain, dans les bacs*, la chanteuse survole sa musique, ses origines et son militantisme en faveur de la reconnaissance du génocide arménien.

Eileen Khatchadourian présente aujourd’hui un album très personnel.

Dans le salon qui lui sert d'espace de travail, près d'une sérigraphie de Marilyn Monroe, trône la robe bleue qu'elle portait à son tout premier spectacle. En face, une douzaine de couvre-chefs de toutes les formes et couleurs sont accrochés à un mur tout blanc. Costumes de scène, aussi ?
« Non, répond Eileen Khatchadourian en souriant. C'est juste que j'aime beaucoup les chapeaux. »
On l'aura compris, la chanteuse mêle joyeusement détails personnels et vie professionnelle. Sur la table basse qui lui sert de bureau, se trouve un livre à la couverture noire et bordeaux écorné par l'usure. Recueil de poèmes arméniens, prêté par un ami il y a dix ans, devenu depuis source d'inspiration précieuse pour l'artiste. Car pour elle, le choix des mots est autant un engagement artistique que militant.
Sept ans après la sortie de son premier album, Eileen Khatchadourian (elle s'est, depuis, délaissée de son prénom et signe « Khatchadourian ») présente aujourd'hui un second opus très personnel, enregistré à Londres dans le mythique Abbey Road Studio. Fruit de 6 années de recherches, Titernig est une « symbiose de styles musicaux différents où les sons bruts vont à la rencontre d'autres sons plus suaves, plus doux ».

 

 

 

 

Poétique/politique
Au total, neuf titres – six en arménien et trois en anglais. Certains inspirés des chants, poèmes et hymnes du répertoire traditionnel arménien, d'autres de l'écriture de Khatchadourian. On y retrouve une artiste qui chante pour crier ses origines, à l'heure où le monde entier commémore le centenaire du génocide de ses ancêtres.
Elle raconte comment son grand-père paternel a survécu à « la marche de la mort, cette horrible méthode d'élimination de masse durant laquelle femmes, enfants et personnes âgées devaient traverser à pied les déserts de Syrie, où ils étaient tués par des soldats ottomans... ou par l'épuisement ». « Lorsqu'il est finalement arrivé à Alep, mon grand-père était orphelin », dit-elle.
Aujourd'hui composante essentielle de son identité, son « arménité » n'était pourtant pas une évidence. Née à Beyrouth trois ans après le début de la guerre libanaise, elle vivra une grande partie de sa jeunesse en transit, entre une capitale aux effluves de soufre et une île – Chypre – aux odeurs de fleurs. Cette dernière constituant une sortie de secours bien que balafrée, elle aussi, par une ligne verte trop familière.
Avant ses vingt ans, Khatchadourian connaîtra les exils au Canada, en Belgique et surtout en France. Si elle n'oublie pas le pays du Cèdre, qu'elle décrit comme un « aimant irrépressible », ses origines arméniennes sont alors « plus de l'ordre du fardeau que de la fierté ». « Petite, j'avais honte d'être arménienne. Quand on me demandait ma nationalité, je répondais "française", avoue-t-elle. Mais quand j'ai perdu ma grand-mère maternelle, quelque chose en moi s'est brisé. Pour récréer ce lien perdu, j'ai commencé à m'intéresser à l'Arménie et au génocide (...) Ce patriotisme est né en moi lors de ma résidence en France. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à chanter en arménien. »

 

« In Memoriam », à Istanbul
L'artiste, qui fredonne depuis l'âge de cinq ans, s'appropriera au fil des années son héritage culturel, privilégiant la langue d'un pays qu'elle connaît peu mais qui incarne son militantisme en faveur de la reconnaissance du génocide arménien, « accepté officiellement comme tel par 24 pays à travers le monde, alors que d'autres nations reconnaissent le massacre tout en refusant d'employer le mot génocide ».
Ce 22 avril, Khatchadourian participera au concert In Memoriam aux côtés de 14 autres artistes de la diaspora arménienne pour commémorer le centenaire du génocide. Un événement qui aura lieu, contre toute attente, à Istanbul, capitale d'un État qui refuse toujours d'assumer son histoire. Elle y interprétera un morceau écrit spécialement pour l'occasion. « J'espère que cette chanson jouera un rôle, dit-elle. J'ai l'impression d'avoir une mission, celle de rendre la musique arménienne accessible aux étrangers et même aux jeunes Arméniens, qui souvent ne la connaissent pas. »
Sur sa poitrine, discret mais porté avec fierté, un myosotis de zircon et d'argent, une fleur violette à cinq pétales que l'on surnomme aussi « Ne m'oubliez pas ».

 

Concert de lancement de « Titernig » demain, vendredi 17 avril, à 20h30, à Station, Jisr el-Wati.

Dans le salon qui lui sert d'espace de travail, près d'une sérigraphie de Marilyn Monroe, trône la robe bleue qu'elle portait à son tout premier spectacle. En face, une douzaine de couvre-chefs de toutes les formes et couleurs sont accrochés à un mur tout blanc. Costumes de scène, aussi ?« Non, répond Eileen Khatchadourian en souriant. C'est juste que j'aime beaucoup les chapeaux. »On...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut