La scène se passe sur les rives du lac Léman. Là, entre Montreux et Nyon, dans ce décor idyllique où Charles-Ferdinand Ramuz, le Flaubert suisse, traitait jadis de circonstances de la vie, un contrat de mariage s'est négocié âprement.
Le prétendant, héritier d'un empire plusieurs fois millénaire qui n'a jamais cessé de considérer son ponant comme une proie et son levant comme des arrières, discute des clauses du contrat avec les maîtres du monde. La fiancée – le monde arabe – est confinée, elle, à la maison, dans tous ses états.
Officiellement, il est vrai, la République des mollahs et ses interlocuteurs internationaux parlent de nucléaire, d'uranium enrichi, de centrifugeuses... autrement dit d'un arbre que l'Iran n'a nulle objection à voir abattre, à condition que lui soit concédée la forêt qui se cache derrière : la levée des sanctions, bien sûr, mais aussi... la main de la belle (elle ne l'est vraiment pas en ce moment !).
Mais que peuvent donc faire les grandes puissances pour satisfaire à la fois les exigences de Téhéran et celles du trublion israélien qui, fort de sa récente victoire électorale, s'agite lui aussi dans son coin pour les amener à prendre en compte ses intérêts ? À vrai dire pas grand-chose, tant que la fiancée elle-même continuera à se dérober.
Irak, Syrie, Yémen et Liban : quatre pays, parmi d'autres, que Téhéran-Persépolis-Ctésiphon s'efforce manifestement de réduire aujourd'hui à l'état de marches de son empire, avec le sceau reconnaissant des grandes puissances. Mais est-ce déjà le cas, comme le prétendent certains stratèges iraniens et un nombre grandissant de leurs porte-voix dans ces « provinces » reculées ? Ne vont-ils pas un peu trop vite en besogne ?
Nul ne peut nier l'influence dont jouit l'Iran à l'heure actuelle dans ces quatre pays, quoique de manière inégale. Son pouvoir de blocage et de nuisance, son ascendant sur une partie des élites politiques, son capital de sympathie auprès de certaines couches de la population sont manifestes. Mais la contestation anti-iranienne, sous toutes ses formes, pacifique, militaire ou terroriste, y est tout aussi réelle, jusqu'à nouvel ordre.
En 1976, la Syrie de Hafez el-Assad obtint le feu vert international pour asseoir son hégémonie au Liban. La « pax syriana » ne heurtait guère, à l'époque, les intérêts d'Israël et des États-Unis, bien au contraire. Mais ce n'est pas seulement à cause de cela que sa légitimation par les puissances fut possible. C'est aussi en raison, d'une part, de l'effondrement rapide de l'OLP face à l'avance des troupes syriennes et, d'autre part, de l'absence de toute perspective crédible de gouvernement libanais indépendant.
Il n'y a guère encore, à ce stade, de « pax persana ». Dans trois des quatre pays cités, l'enfer est aujourd'hui ramené sur terre. Quant au quatrième, le Liban, s'il se porte un peu mieux, le mérite n'en revient ni à Téhéran ni à ses amis locaux, et encore moins aux amis de ses amis. C'est le refus net des sunnites libanais de se laisser tenter par le monstre jihadiste qui, pour l'heure, sauve ce pays.
S'il veut gagner la reconnaissance de son rôle au Moyen-Orient, l'Iran ne peut se contenter de se prévaloir de sa capacité à y intervenir. Il lui faut encore faire preuve d'un pouvoir de pacification des contrées où il intervient.
Et il devrait se hâter, car du train où vont les choses, la dot de la mariée sera bientôt rachitique.
La mariée était en noir
OLJ / Par Élie FAYAD, le 03 avril 2015 à 00h00
commentaires (4)
L'AVENIR APPARTIENT AUX HARDIS !!! LES MARIAGES PEUVENT ÊTRE RÉSILIÉS... HARDI LE PRÉTENDANT... PLUS QUE TIMIDE LA MARIÉE...
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 26, le 04 avril 2015