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Liban - Société

Un an après l’approbation de la loi sur la violence domestique, Kafa dresse un bilan mitigé

L'ONG a réuni dans un document trente décisions de protection judiciaire émises en 2014, mettant l'accent sur les problèmes rencontrés dans l'application de la loi 293. Le document sera présenté, aujourd'hui, au cours d'une conférence de presse à la Maison de l'avocat.

Tamara Harisi : « Je conseille à toutes les femmes victimes de violence de ne pas se taire et de recourir à la loi pour se protéger avant qu’il ne soit trop tard. »

« Il n'est pas normal qu'une femme soit battue, quelle que soit sa faute. Que serait-ce si elle est innocente ? » Tamara Harisi, jeune femme de 22 ans, est l'une de ces nombreuses victimes de violence domestique dont l'histoire a défrayé la chronique.
Mariée en dehors du consentement parental à l'âge de 19 ans, cette jeune femme a côtoyé la mort en juin dernier, lorsque son mari, Hassan Ftouni, de douze ans son aîné, a essayé de la brûler vive après lui avoir asséné auparavant « des coups bien mérités » et essayé de lui crever les yeux. Jaloux, il ne laissait pas passer une occasion de l'accuser d'adultère, ce qui, bien entendu, était un prétexte pour la frapper. Puis il revenait s'excuser. Et le lendemain, tout recommençait.
Issue d'une famille aisée, Tamara Harisi avait tout abandonné pour le suivre. « J'étais folle amoureuse de lui, confie-t-elle à L'Orient-Le Jour. Je supportais la maltraitance qu'il me faisait subir et lui pardonnais tout parce que je l'aimais. » Mais au bout d'un an et demi de vie commune caractérisée par l'« humiliation » et « des conditions de vie misérables », la jeune femme a décidé de fuir le domicile conjugal, emmenant avec elle sa fille, Madison, alors âgée de six mois. Après une hospitalisation de quarante heures, elle confie son dossier à Kafa.
Tamara Harisi a ainsi réussi à obtenir une décision judicaire de protection pour sa fille et pour elle. « Cette décision m'a beaucoup aidée, confie-t-elle. Il ne pouvait plus m'approcher ni me faire du mal. Maintenant, c'est ma fille (aujourd'hui âgée de 16 mois) qui souffre. Conformément au code du statut personnel, il a le droit de l'avoir les week-ends. Chez mes parents, elle est bien traitée. Chez lui, elle vit dans la misère. Elle dort dans la même chambre que ses copains à lui. Il ne lui donne pas à manger. Ma fille, de caractère joyeux, a peur de son père. Cela fait un mois qu'il ne l'a pas prise. À chaque fois, je lui invente une excuse pour la garder avec moi. Je ne peux pas la voir souffrir. »
À toutes les femmes qui se trouvent dans sa situation, Tamara Harisi conseille « de ne pas se taire » et de « recourir à la loi pour se protéger, avant qu'il ne soit trop tard et pour éviter de subir le même sort ».

« Différences dans l'interprétation de la loi »
« La décision de protection judiciaire dont avait bénéficié Tamara était fondée sur la jurisprudence, explique Leila Awada, avocate et membre de Kafa. Elle a d'ailleurs servi de moyen de pression pour que Tamara obtienne le divorce. Son mari avait été condamné à neuf mois d'emprisonnement et à verser une amende de 20 millions de LL pour les coups et blessures qu'il lui avait infligés. Il ne lui a accordé le divorce que lorsqu'elle a accepté de renoncer à ses droits ».
Malheureusement, ce n'est pas le cas de toutes les décisions de protection judiciaire qui ont été émises. À ce jour, quelque quarante-huit décisions ont été publiées, dont trente en 2014. Ces dernières font l'objet du document qui sera présenté aujourd'hui au cours d'une conférence de presse qui sera tenue à la Maison de l'avocat.
« Toutes ces décisions sont en faveur des femmes, insiste Leila Awada. Donc, l'un des principaux problèmes consiste ainsi à modifier le titre de la loi pour qu'elle englobe uniquement la femme, la pratique ayant montré que c'est elle la principale victime de la violence. »
Rappelant que malgré les remarques que Kafa avait faites concernant la mouture finale du texte, « nous avons décidé de l'appliquer de la meilleure façon possible », Leila Awada souligne que « la première décision de protection judiciaire émise a été exemplaire, notamment au niveau de la coopération entre le parquet et le juge des référés », explique-t-elle.
Mais une fois n'est pas coutume. L'avocate explique ainsi qu'au nombre des principaux problèmes rencontrés sur le terrain, figurent notamment les procédures souvent « longues et complexes » qui font retarder l'octroi de la décision de protection judiciaire, mais aussi le fait de ne pas englober dans cette décision les enfants qui ne sont pas sous la garde légale de la mère, « d'autant que certains magistrats se conforment au texte, tous ne faisant pas jurisprudence »...
« Une simple lecture des décisions de protection judicaire montre les différences dans l'interprétation de la loi, voire dans la conception qu'ont les magistrats de la violence domestique exercée contre la femme », constate Leila Awada. Et de préciser : « Le but de ce document est de rapprocher les points de vue et de discuter avec les magistrats de ces problèmes ainsi que des moyens de les contourner en attendant l'amendement de la loi. Ce projet est au cœur de notre prochaine bataille. »

« Il n'est pas normal qu'une femme soit battue, quelle que soit sa faute. Que serait-ce si elle est innocente ? » Tamara Harisi, jeune femme de 22 ans, est l'une de ces nombreuses victimes de violence domestique dont l'histoire a défrayé la chronique.Mariée en dehors du consentement parental à l'âge de 19 ans, cette jeune femme a côtoyé la mort en juin dernier, lorsque son mari, Hassan...

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