Selon certains analystes, la victoire spectaculaire du Likoud et de Benjamin Netanyahu aux élections législatives israéliennes augmenterait les risques d'une nouvelle agression israélienne contre le Liban, ne serait-ce que pour redistribuer les cartes régionales et pour entraver la conclusion d'un accord entre l'Iran et la communauté internationale. La thèse est en train de faire son chemin dans les esprits, sachant que les relations entre Netanyahu et le président américain Barack Obama sont plus que mauvaises et que le premier souhaite tout faire pour mettre en difficulté le second, dont le mandat s'achève officiellement en janvier 2017.
Toutefois, les sources proches du Hezbollah n'accordent pas beaucoup d'importance à la possibilité d'une nouvelle guerre avec Israël. Tout en affirmant qu'il faut s'attendre à tout de la part des Israéliens et qu'effectivement des problèmes sécuritaires et des attentats sont à envisager, ils estiment que les Israéliens ne peuvent pas se lancer dans une nouvelle guerre contre le Liban. Selon les sources proches du Hezbollah, la principale raison qui empêche la guerre est la riposte du Hezbollah à l'agression dont il a fait l'objet à Kuneitra, lorsque cinq de ses cadres ont été tués par les Israéliens, en plus d'un général iranien.
Les sources du Hezbollah reviennent sur les circonstances de cette attaque, précisant qu'il y avait une sorte de modus vivendi entre les Israéliens d'un côté, le Hezbollah et l'armée syrienne de l'autre, les deux camps ne souhaitant pas l'ouverture d'un nouveau front au Golan pour des raisons diverses. C'est donc sans se cacher que les cadres du Hezbollah se déplaçaient dans la région proche du Golan occupé, dans le but de préparer une opération préventive contre les combattants d'al- Nosra et de l'Armée libre de Syrie postés dans ce secteur, qui mettaient les dernières touches à une vaste offensive contre la capitale syrienne, Damas. En frappant le convoi du Hezbollah qui était identifiable, puisqu'il ne se cachait pas, les Israéliens ont brisé le statu quo qui prévalait. Ils ont lancé cette attaque en pensant que la marge de riposte du Hezbollah est limitée, car il ne veut pas d'une guerre contre Israël, étant trop occupé en Syrie. Selon les Israéliens, si le Hezbollah choisit de riposter, il se contentera d'une petite opération symbolique, ce qui ne pourrait que le décrédibiliser.
Les sources du Hezbollah précisent que le parti a rapidement saisi la complexité de la situation et la décision de riposter a été aussitôt prise. Toutefois des débats ont eu lieu sur l'ampleur de la riposte et les moyens de la réaliser. Pour le commandement du Hezbollah qui s'est réuni en session continue pendant cette période, il s'agissait d'envoyer plusieurs messages qui se résumaient ainsi : d'abord, il n'est pas question de laisser Israël maître de la décision et de l'initiative au Sud-Liban et dans le Golan. Autrement dit, il n'est pas possible de laisser les Israéliens décider de frapper lorsqu'ils le souhaitent en toute impunité. Deuxièmement, il fallait montrer aux Israéliens que le front du Golan pourrait être ouvert, lorsque la Résistance dans son sens large le déciderait. Troisièmement, le Hezbollah riposte où et quand il veut, et il est en mesure d'agir rapidement. Enfin, s'il est vrai que le Hezbollah ne souhaite pas l'ouverture d'une nouvelle guerre, il ne la craint pas non plus et il est prêt à prendre le risque de la laisser éclater pour riposter comme il le faut à une attaque dont il est victime.
Une fois ces considérations validées, le Hezbollah a commencé à étudier l'opération qui pourrait permettre d'envoyer clairement ces messages aux Israéliens. L'attaque israélienne avait eu lieu un dimanche et le Hezbollah a commencé à laisser entendre que son secrétaire général devrait prendre la parole d'abord vendredi, puis dimanche pour maintenir les Israéliens en haleine. Il leur envoyait ainsi des indications claires sur l'imminence de la riposte et en même temps, il a décrété ouvertement une mobilisation générale tout le long de la frontière avec Israël, pour permettre aux radars israéliens de la déceler. Des rampes de missiles ont été installées et tout a été fait pour alerter les Israéliens. Pendant deux ou trois jours, la tension était donc maximale. Le Hezbollah a choisi de riposter dans les fermes de Chebaa pour différentes considérations. Il aurait pu toutefois choisir une zone boisée où il est plus facile de se cacher. Au contraire, il a choisi une zone découverte, rocheuse, où les radars israéliens fonctionnent à plein rendement et où le dispositif de surveillance est particulièrement sophistiqué. L'opération a donc été menée de plein jour. Le convoi israélien visé était formé de neuf véhicules. Mais les combattants du Hezbollah n'en ont visé qu'un au début qui contenait cinq soldats qui sont tous morts. Il a ensuite laissé le temps aux passagers des autres véhicules de s'enfuir avant de les bombarder, car il voulait faire autant de morts que l'agression israélienne. Ensuite, il a empêché l'arrivée des secours pendant 45 minutes, par sa puissance de feu. Il a ainsi montré aux Israéliens qu'il peut mener une attaque à la même heure que celle qui avait visé son convoi à Kuneitra, dans une zone sous haute surveillance, avec exactement le même nombre de victimes. Les combattants sont ainsi restés sur place le temps nécessaire, avant de se retirer sains et saufs, la mission accomplie.
Même si les Libanais ne sont pas très sensibles à ce genre de détails, les Israéliens, eux, ont compris les messages qui leur étaient adressés. Il est clair que le Hezbollah a non seulement montré une grande capacité à réagir, mais aussi beaucoup de professionnalisme, de précision et d'audace. Le secrétaire général du Hezbollah a finalement pris la parole vendredi, deux jours après l'opération, et il a couronné cette action en disant que c'est le Hezbollah qui fixe désormais les règles de la confrontation. D'ailleurs, deux jours plus tard, l'offensive de l'armée syrienne aidée par le Hezbollah dans le rif de Damas, à Deraa et à Kuneitra a été lancée... Pour toutes ces raisons, les sources proches du Hezbollah estiment que la victoire de Netanyahu ne change rien au rapport de forces sur le terrain.
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commentaires (7)
Où sont les intérêts du Liban dans cette salade ? Ou bien, tous ces gens-là considèrent que notre Patrie ne fait plus partie de l'ONU ?
Un Libanais
14 h 38, le 21 mars 2015