Très vite, le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu est ressorti grand vainqueur des législatives israéliennes. Très vite également, il est apparu que cette « surprise » n'en pas réellement une.
« C'est une demi-surprise, au moins au niveau des sondages qui donnaient l'avantage au travailliste Isaac Herzog » et à son alliée centriste Tzipi Livni, confirme Alain Dieckhoff, directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po à Paris. Car les sondages ont eu tout faux, de l'écart entre le Likoud et l'Union travailliste de M. Herzog jusqu'au nombre de sièges qu'ils prédisaient aux deux camps. Mais, explique M. Dieckhoff, on peut comprendre que les sondages aient été démentis : « Il y a eu des reports de voix et des déplacements au sein de la droite même, mais cela ne change rien à la configuration générale. »
Plus clairement, ceux qui voulaient voter pour les petits partis de droite ont fini par donner leur voix au Likoud, restant ainsi à droite sur l'échiquier politique israélien, et maintenant du coup M. Netanyahu au pouvoir. « Si les électeurs avaient voté pour les petits partis de droite, Isaac Herzog aurait gagné les élections », précise M. Dieckhoff. Pour rappel, Bibi Netanyahu a joué son va-tout durant les trois derniers jours de la campagne électorale, passant à l'offensive pour séduire les éléments neutres et/ou indécis, et cela a largement joué en sa faveur.
Les réactions de certains membres de la presse israélienne ne se sont pas fait attendre : « La nation doit être remplacée », a même asséné Gideon Levy, dans un éditorial du Haaretz, un quotidien nettement ancré à gauche. Néanmoins, ce point de vue ne fait pas l'unanimité et la société israélienne a prouvé mardi qu'elle est résolument à droite.
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Scénarios possibles
En attendant, jusqu'à hier après-midi, les observateurs et les experts s'acharnaient à édifier les scénarios possibles. Certains voyaient ainsi M. Netanyahu chercher à s'allier à Isaac Herzog, ne serait-ce que pour regagner les bonnes grâces de la communauté internationale et ne pas rester totalement isolé sur la scène diplomatique. Schéma plus qu'improbable pour Alain Dieckhoff qui rappelle que le Premier ministre sortant « gouverne avec la droite depuis 2009 » et qu'il n'a « aucune raison de changer d'alliance » : au contraire, « M. Netanyahu sort renforcé de ces élections », juge l'expert. D'ailleurs, M. Herzog et Mme Livni ont tous deux exclu hier de rejoindre un gouvernement d'union nationale que formerait Benjamin Netanyahu, préférant se cantonner dans un rôle d'opposants.
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Une grande majorité s'accorde quand même à dire que Benjamin Netanyahu va très vraisemblablement s'allier au reste de la droite : « Pour obtenir une majorité de sièges, il va sûrement essayer de constituer une coalition avec les autres partis de droite qui n'ont obtenu que quelques sièges, comme le Foyer juif (8 sièges), Israël Beiteinou d'Avigdor Lieberman (6 sièges), le Shass et la Liste unifiée de la Torah (à eux deux, ces deux partis ultraorthodoxes ont obtenu 13 sièges) », prédit le chercheur du Ceri.
En revanche, l'incertitude reste de mise en ce qui concerne Koulanou, le nouveau parti centriste axé sur le social de Moshe Kahlon et qui a gagné 10 sièges. Cajolé durant la campagne par les deux partis en tête, il est considéré comme celui qui assurera la majorité au camp de son choix. Il est donc indispensable à M. Netanyahu qui lui a d'ores et déjà promis le ministère des Finances. « (Moshe) Kahlon est issu du Likoud, et il tient à mettre en œuvre son programme sur la construction de logements et leurs prix. Il ne refusera pas d'aider Bibi », assure M. Dieckhoff. Il est donc aisé de concevoir que ces petits partis auront tout intérêt à rejoindre les rangs du Likoud, y ayant tout à gagner.
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Arabes israéliens : un rôle d'opposition
Quid des Arabes israéliens, qui ont obtenu un score record de 14 députés, devenant ainsi la troisième force politique du pays ? « Ils seront dans l'opposition, c'est une certitude. Ils auraient été un appoint majeur à Isaac Herzog s'il avait gagné, mais dans le cas de figure actuel, leur rôle se retrouvera passablement réduit ; ils gardent leur fonction de protestataires, mais sans beaucoup de résultats », souligne le chercheur. Une chose est toutefois certaine : si leur marge de manœuvre politique est limitée, leur victoire n'en est pas moins tangible, ne serait-ce qu'au niveau interne ; ils ont prouvé que « l'union fait la force », et que la liste arabe commune a séduit l'électorat arabe, qui a voté en masse lors du scrutin de mardi.
Reste à présent à préserver ces nouveaux acquis, ce qui ne devrait pas constituer une grande difficulté, d'après Alain Dieckhoff : « Parce que c'est une liste, les partis constitutifs gardent leur indépendance ; ils ont différentes idéologies (communistes, nationalistes, etc.), mais restent unanimes sur la question d'un État palestinien. Il faudra voir à la longue si cette unité sera conservée. »
DU "SHIFTING" FANATIQUE !
12 h 16, le 19 mars 2015