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Liban - Success story

Mymouné : deux sœurs et un panier de provisions

Leila Maalouf et Youmna Goraieb, dans les locaux de la YWCA à Aïn el-Mreissé. Photo Michel Sayegh

C'est dans le cadre de son programme « Inspire », par le biais duquel elle propose des rencontres avec des femmes libanaises qui ont réussi dans le milieu professionnel, que l'Union chrétienne de jeunes filles (YWCA) a accueilli hier Youmna Goraieb et Leila Maalouf dans ses locaux, à Aïn el-Mreissé. Le temps d'une rencontre avec un public de femmes jeunes et moins jeunes, « visant à renforcer le rôle de la femme en société en tant que leader », les deux sœurs ont répondu à l'invitation de la présidente de l'association Roula Khoury pour raconter leur histoire, véritable source d'inspiration. Une histoire qui dure depuis 1989.

Mymouné, un projet « béni »
C'est dans le petit village de Aïn el-Abou, au pied du mont Sannine, que l'histoire des deux sœurs commence en 1989. En pleine guerre civile, elles se creusent la tête pour trouver un passe-temps qui puisse les extirper de la dépression ambiante. Très attachées à leur village, où elles passent leurs étés, elles ruminent un projet auquel pourraient prendre part les habitantes du village, histoire de créer des débouchés pour les femmes de Aïn el-Abou.

« À l'époque, raconte Youmna Goraieb, nous avons pensé aux produits du terroir. Il n'y avait alors rien sur le marché à part les produits industriels. Dans nos villages, la nature est généreuse et offre une diversité surprenante. Mais cela ne dure pas toujours durant la saison hivernale. C'est pourquoi les femmes savent faire des provisions. Ce sont les femmes qui construisent la grange à provisions, qui les préparent, qui les distribuent. Les provisions constituent en fait la seule force des femmes dans ce village. C'est ainsi que nous avons pensé à lancer ce business, que nous avons baptisé Mymouné (Mes Provisions), avant de découvrir plus tard que le mot "maymouné" signifiait en arabe "béni" ou encore "voué à la réussite." »

Aidées par des femmes du village, les deux sœurs se lancent dans l'aventure d'une manière des plus spontanées. Les recettes authentiques du village sont soumises au palais de l'époux de Leila Maalouf. Dans le village, un voisin, Uncle Timothy, s'avère avoir fait des études en chimie et en nutrition. Il est alors sollicité pour superviser les préparations censées être commercialisées. Dans leur maison de campagne, les deux sœurs demandent à leur mère de découper des toiles de jute pour l'emballage. Sur ce dernier, elles dessinent les arcades typiques du village qu'elles peuvent apercevoir depuis la fenêtre de leur maison. Sous les bombes, elles font la trotte jusqu'au fin fond de la Békaa afin de s'approprier les récipients nécessaires pour contenir les produits auprès d'un fabricant qui les traite de « folles ». Après avoir obtenu un prêt de 3 000 dollars auprès d'une banque, un comptable est recruté. Il doit se contenter de la maison familiale des deux sœurs comme bureau.

« Nous avons fait des choses sans savoir qu'elles avaient un nom, ajoute Youmna Goraieb. Nous avons voulu que des femmes qui n'avaient rien à faire puissent travailler. C'est ce qu'on appelle le "woman empowerment". Nous avons recruté des handicapées, et l'une d'elles a même réussi à s'acheter une maison. Nous avons, sans le savoir, fait preuve de "responsabilité sociale". Et nous avons grandi. En proposant l'un de nos produits à une importante ligne de supermarchés au Liban, le propriétaire a réclamé d'avoir à son enseigne l'ensemble de nos produits, une trentaine. »

« Je prends le tout »
Aujourd'hui, une usine a été construite à Aïn el-Abou pour booster la production. Dix-huit employés y travaillent. Le label Mymouné, lui, est trouvé dans seulement 150 points de vente au Liban, la distribution étant encore assez sélective pour ces produits de qualité préparés de manière authentique et traditionnelle. Ces produits, confitures, sirops et eaux aromatisées sont toutefois commercialisés actuellement aux États-Unis, au Moyen-Orient, à Londres et en France. « À la Grande Épicerie de France, explique Youmna Goraieb, la responsable, connue pour sa sévérité et ses goûts difficiles, a goûté notre confiture de fraises. "Je prends le tout", a-t-elle immédiatement dit. Le samedi d'après, nous avons présenté toute notre gamme de produits devant plus de 20 000 visiteurs de la Grande Épicerie. En Angleterre, nos produits ont participé au concours du Great Taste Award et sont entrés en compétition avec plus de 10 000 autres produits pendant 4 mois. La confiture de mûres a remporté la médaille d'or l'an dernier, et onze médailles ont été reçues par Mymouné en tout. Le chef Michel Troisgros, triplement étoilé, m'a également contactée pour comprendre ce qu'était la mélasse de grenadine, dont il était fan. »

« Les trois premières années étaient difficiles, conclut pour sa part Leila Maalouf. Puis nous nous sommes habituées. Si nous avions su que cela allait être si difficile, nous ne nous serions peut-être pas lancées dans le projet, mais nous nous sommes entêtées. Nous avons tenu à ce rêve car la responsabilité de nombreuses familles du village reposait sur nos épaules. Aujourd'hui, même nos enfants ont tout laissé pour se consacrer à ce business, que nous espérons voir encore grandir. » Comme quoi tout est possible quand le panier à provisions contient tous les ingrédients d'une success story !

 

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