Une vidéo montrant des jihadistes jubilants réduire en miettes des sculptures préislamiques en Irak a provoqué un tollé général et suscité hier les craintes que d'autres trésors de l'un des plus anciens patrimoines au monde ne soient détruits.
À coup de marteaux-piqueurs, les extrémistes de l'État islamique (EI) ont détruit à Mossoul des splendeurs archéologiques, parmi lesquelles un immense taureau ailé assyrien de la porte de Nergal, dont un jumeau est exposé à Londres.
En quelques heures, les comparaisons avec la destruction en 2001 par les talibans des bouddhas de Bamiyan en Afghanistan se sont multipliées, comme les appels à tout faire pour protéger le patrimoine.
Évoquant un « nettoyage culturel », la directrice générale de l'Unesco Irina Bokova a réclamé hier à la Cour pénale internationale (CPI) de se saisir du cas. « Cette attaque est bien plus qu'une tragédie culturelle (...) elle alimente le sectarisme, l'extrémisme violent et le conflit en Irak », a-t-elle déclaré, appelant à une réunion urgente du Conseil de sécurité de l'Onu. Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a qualifié ces destructions de « provocations » qui ne demeureront « pas impunies ».
De son côté, le président français François Hollande a accusé les jihadistes de vouloir « détruire tout ce qui est humanité » alors que le musée du Louvre à Paris a dénoncé des destructions « barbares ».
« Favoriser l'idolâtrie »
Pour l'organisation jihadiste, statues, tombeaux et représentations « favorisent l'idolâtrie » et méritent donc d'être détruits. « Fidèles musulmans, ces sculptures derrière moi sont des idoles pour les peuples d'autrefois qui les adoraient au lieu d'adorer Dieu », déclare face à la caméra un jihadiste dans la vidéo, dressant le parallèle avec la destruction par le prophète Mohammad des statues des idoles à La Mecque.
Dès juillet, les combattants de l'EI avaient détruit, à Mossoul également, la tombe de Jonas et le sanctuaire du prophète Seth, considéré comme le troisième fils d'Adam et Ève dans les traditions juive, chrétienne et musulmane.
Toutes les jurisprudences « s'accordent sur le fait que l'usage d'une mosquée construite sur une tombe est contraire à l'islam », avaient-ils déclaré, une assertion contestée par de nombreux spécialistes.
Par ailleurs, « les antiquités et les statues du musée de Mossoul ne sont pas des idoles divines, mais des statues de rois, d'animaux, d'oiseaux », explique Radwan al-Sayyed, professeur de sciences islamiques à l'Université libanaise. « Et quand bien même il s'agirait de statues de dieux, elles sont dans un musée, et le Coran conseille d'en tirer des leçons (...). »
L'instance représentant l'islam auprès des autorités égyptiennes, Dar al-Ifta, a aussi condamné les destructions. « Ces antiquités se trouvent dans tous les pays conquis par les musulmans, et les compagnons (du Prophète) n'ont pas ordonné leur destruction. » Pour sa part, le chef de la Ligue arabe a, lui, décrié « l'un des crimes les plus abominables commis en notre temps contre le patrimoine de l'humanité ».
(Source : AFP)
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