La transformation du Danois d'origine palestinienne Omar el-Hussein, de délinquant en auteur présumé d'une des pires attaques terroristes de l'histoire de son pays, soulève à nouveau l'épineuse question de la radicalisation islamiste en prison. Le jeune homme était amateur d'armes, toxicomane et auteur d'une agression au couteau quand il est parti derrière les barreaux fin 2013. Libéré en janvier 2015, âgé alors de 22 ans, il tue le week-end dernier deux personnes en ouvrant le feu contre un centre culturel qui accueillait un débat sur l'islamisme et la liberté d'expression, puis contre une synagogue. « Il était fou. Quand il est sorti de prison il était complètement dingue », témoigne un chauffeur de taxi du quartier de logements sociaux où il a passé son enfance. El-Hussein affichait un intérêt quasi exclusif pour l'islam quand il a retrouvé ses amis. « Ces choses dont il parlait nous passaient complètement au-dessus de la tête », a confié l'un d'eux au journal Berlingske. Fini de discuter de filles ou de voitures : il pensait à Gaza et voulait rejoindre le paradis. Alors qu'il purgeait sa peine dans le même établissement que Sam Mansour, un islamiste radical condamné plusieurs fois pour incitation au terrorisme, l'administration pénitentiaire avait signalé le risque qu'il se radicalise. Les services de renseignements soutiennent aujourd'hui qu'ils n'avaient « pas de raison » de soupçonner le projet d'une attaque aussi violente.
(Pour mémoire : L'auteur des attentats de Copenhague se serait radicalisé en prison)
L'isolement recommandé
John Hatting, secrétaire d'un syndicat pénitentiaire, plaide pour préserver les jeunes d'origine étrangère « vulnérables » des islamistes notoires. « Il faut les sortir de là où ils peuvent en influencer d'autres (...) de manière à ce qu'ils ne soient entourés que de Danois » (sous-entendu sans origine étrangère), dit-il à l'AFP. La prison est un lieu où beaucoup se cherchent et veulent donner un sens à leur existence, ce qui en fait une proie pour les extrémistes, estime le syndicaliste. L'idée fait son chemin jusqu'au plus haut sommet de l'État. « Nous voulons contrer la radicalisation en prison. Cela peut se faire par exemple en compartimentant plus ou en plaçant plus souvent à l'isolement », a déclaré jeudi la chef du gouvernement danois Helle Thorning-Schmidt. Un ancien détenu a raconté à la télévision publique DR comment d'autres avaient voulu l'endoctriner pour haïr les Danois et les juifs. « C'est du lavage de cerveau. Ils essaient de s'approcher et de devenir amis », a-t-il témoigné anonymement.
Pour Louise Aagaard Larsen, spécialiste de la criminalité qui contribue à la formation du personnel pénitentiaire, l'enfermement peut avoir « fait basculer » el-Hussein, mais le seul fait d'être détenu ne suffit pas à pousser les délinquants à se tourner vers des idéologies extrémistes. Elle évoque aussi le cas de jeunes Danois radicalisés revenus de Syrie qui ont rejoint des bandes de délinquants plutôt que poursuivre le jihad en Europe. « La question en ce qui concerne ces jeunes, c'est de savoir si c'est l'islam, le trafic d'herbe ou le sentiment d'appartenance qui les motive », souligne-t-elle.
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08 h 57, le 21 février 2015