Pour faire face à l'afflux massif de réfugiés syriens et au risque d'attentats, la Sûreté générale libanaise contrôle strictement, depuis début février, l'entrée et le séjour de tous les ressortissants de ce pays. Pour travailler au Liban, ces derniers doivent désormais, comme tout étranger, obtenir un permis de travail, une règle qui n'avait jamais été appliquée jusque-là. Il y a un secteur en particulier pour qui cette nouvelle donne est problématique : celui de la construction. Les Syriens représentent plus de 95 % de la main-d'œuvre non qualifiée sur les chantiers. Le phénomène n'est pas lié au conflit en Syrie. Les entrepreneurs libanais ont toujours eu recours à cette main-d'œuvre journalière et bon marché, d'autant qu'ils n'avaient jamais eu besoin de la déclarer. Le nombre exact d'ouvriers du bâtiment syriens est difficile à estimer, mais les professionnels parlent d'un minimum de 100 000 personnes « Nos ouvriers nous demandent de leur faire des permis de travail car ils craignent de se faire arrêter », confirme l'entrepreneur Chérif Aoun. Si, d'un point de vue social, c'est une avancée certaine pour les travailleurs syriens, cela n'est pas sans conséquences pour le secteur.
Recevant hier le ministre du Travail, Sejaan Azzi, le syndicat des entrepreneurs des travaux publics et de la construction a évoqué un coût supplémentaire de plusieurs millions de dollars et mis en avant le risque de retard sur les chantiers, au moment où le secteur subit le ralentissement de l'économie. Les ouvriers syriens, qui touchaient jusque-là environ trois dollars par heure, coûteront à leur employeur 120 000 livres supplémentaires par an pour le permis de travail et au moins 400 000 livres pour la carte de séjour. Ils devront également présenter une attestation de logement, alors qu'auparavant, plusieurs d'entre eux dormaient sur le chantier.
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Les entrepreneurs perdent aussi en flexibilité. « Les ouvriers sont actuellement payés à l'heure, donc lorsqu'un chantier est suspendu, on ne subit aucun coût. Avec un permis de travail, ils seront payés au mois », souligne le directeur général de Matta et Associés, René Matta, qui estime la hausse des frais salariaux entre 15 et 20 %. L'impact sur les coûts de construction ne fait pas l'unanimité, mais pour le directeur de Abniah, Maroun el-Hélou, « il ne sera pas négligeable, sachant que la main-d'œuvre peut représenter jusqu'à 25 % du coût total du chantier ». Reste à savoir qui finira par le payer : les entreprises de construction et les promoteurs immobiliers qui ont longtemps dégagé des marges confortables, le client final (privé ou public) ou les ouvriers eux-mêmes ? Selon certains entrepreneurs, les travailleurs sont disposés à prendre en charge les nouveaux frais sans être vraiment en mesure de renégocier leurs salaires, étant donné l'abondance de l'offre.
Des démarches administratives lourdes
De son côté, Roger Sabbagh, de Betabat, souligne également le coût administratif : « Pour les grandes entreprises, il faudra créer un département chargé de gérer les procédures. » Au-delà de leur coût, les démarches administratives préoccupent également les professionnels du secteur par leur volume : les administrations publiques (Sûreté générale et ministère du Travail) auront-elles la capacité de traiter des milliers de dossiers rapidement ?
(Pour mémoire : Abus et menaces : des ouvriers syriens font la grève)
Autre problème en vue, la responsabilité légale que tout employeur doit assumer pour les agissements de ses salariés et qu'ils ne sont pas prêts à assumer dans le contexte sécuritaire actuel. Mais la régularisation des ouvriers syriens n'a pas que des inconvénients pour le secteur. « C'est un avantage de pouvoir fidéliser nos ouvriers : nous pourrons les former sans craindre qu'ils aillent sur un autre chantier du jour au lendemain », affirme Chérif Aoun. Un avis partagé par René Matta, qui met toutefois une condition : que la loi s'applique à tout le monde, un principe loin d'être acquis au Liban. « Si certains entrepreneurs se permettent de ne pas se conformer aux règles, il y aura une distorsion de concurrence », prévient-il.
Tous ces arguments ont été entendus par le ministre Sejaan Azzi. « Mais on ne peut pas changer la loi », a-t-il prévenu, en promettant toutefois « une certaine flexibilité » au niveau de son application. Il s'est notamment engagé à faciliter l'octroi de permis de travail pour les entreprises membres du syndicat, à accélérer les procédures et à tolérer une régularisation « progressive », étalée dans le temps. En revanche, il y a un volet de la loi qu'il sera très difficile d'appliquer : le quota de 25 % d'employés étrangers imposé aux entreprises libanaises.
commentaires (4)
ET UN PLEIN-LES-SOUS POUR LEURS POCHES... ZI3LÉNIN YIA 7ARAM !!!
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 50, le 20 février 2015