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Moyen Orient et Monde - Analyse

Leadership sunnite et islamisme jihadiste : les nouveaux défis de Salmane d’Arabie

Le souverain devra gérer les nouvelles dynamiques issues des révoltes arabes et de la montée en puissance de l'État islamique.

Le roi Salmane d'Arabie en compagnie du président français, François Hollande. Yoan Valat / AFP

L'Arabie saoudite dispose de deux atouts considérables pour occuper un rôle hégémonique régional : l'importance des deux villes saintes, La Mecque et Médine, dans l'histoire de l'islam, et les bénéfices astronomiques qu'elle perçoit grâce à ses ressources énergétiques. Deux atouts qui sont à la fois des forces attractives, qui permettent au royaume d'avoir une remarquable dimension dans les relations régionales, mais également des forces stabilisatrices sur lesquelles il peut s'appuyer pour apaiser les tensions et sortir d'une période de crise. Jusqu'à l'éclatement des révoltes arabes en 2011, la diplomatie du royaume reposait essentiellement sur ces deux forces et suffisait à garantir un certain équilibre qui profitait à cet État plutôt réfractaire aux agitations.

En 2011, l'Arabie saoudite s'est sentie doublement menacée. Parce qu'elle risquait de perdre son statut d'autorité morale dans le monde sunnite, et surtout parce que l'esprit des révoltes pouvait se propager au sein de sa population ultraconnectée sur les réseaux sociaux. Non seulement les manifestations se menaient au nom de la lutte contre les régimes autoritaires, parmi lesquels le royaume occupe une place de choix, mais en plus, elles devaient entraîner la chute de ces régimes et propulser au pouvoir les Frères musulmans, principaux concurrents de la doctrine wahhabite, dans le pays le plus important du monde arabe : l'Égypte. Et comme si toutes ces déstabilisations ne suffisaient pas, ajoutées aux secousses qui fragilisaient les proches voisins yéménite et bahreïni, le royaume saoudien se trouvait confronté à une importante offensive diplomatique prorévolutionnaire et pro-Frères musulmans menée par deux de ses concurrents dans le monde sunnite : le Qatar et la Turquie.

(Lire aussi : États-Unis et Arabie saoudite, alliés fragiles dans un Moyen-Orient agité)

Pour toutes ces raisons, qui déstabilisent fortement l'hégémonie saoudienne, le royaume s'est comporté comme le champion de la contre-révolution. En soutenant le coup d'État mené contre le président Morsi, jusqu'à compenser le gel de l'aide américaine, en lançant la chasse aux Frères musulmans, qu'elle avait pourtant positivement accueillis dans le royaume quelques décennies auparavant, et en rappelant à l'ordre son petit frère ennemi, le Qatar, l'Arabie saoudite a voulu remettre de l'ordre dans le monde sunnite. Et rappeler à tout le monde que rien ne devait plus se faire sans son consentement.

Alors que l'Égypte et le Qatar se sont officiellement réconciliés et se sont alignés sur la politique étrangère du royaume, tandis que la Turquie semble avoir perdu une partie de sa superbe, le nouveau roi Salmane aura la lourde tâche de consolider ce leadership, sans lequel le royaume deviendrait inévitablement une puissance déclinante. Le problème est qu'il ne pourra pas éternellement préserver une logique de continuité et d'immobilisme : le monde arabe est agité par de nombreuses dynamiques, parfois contraires, qui ne manquent pas de provoquer de profondes turbulences, que le royaume ne peut plus ignorer, ni même contenir.

Combattre sur tous les fronts

Depuis plusieurs années déjà, la lutte contre le terrorisme constitue l'une des priorités du royaume. Il faut dire que les jihadistes, qu'ils appartiennent à el-Qaëda ou à l'État islamique, accusent régulièrement le régime saoudien d'apostasie, d'usurpation et de déviance, et le désignent comme une cible de choix pour mener leurs opérations. Ce combat est mené en première ligne par celui qui vient d'être nommé futur prince héritier, à savoir Mohammad ben Nayef. Une nomination qui ne doit rien au hasard et qui renforce encore un peu plus sa position d'homme fort du régime. Face à la menace terroriste, le royaume est intraitable et n'hésite pas à investir des moyens financiers considérables. Pourtant, c'est à reculons qu'il semble s'être engagé dans la coalition contre l'État islamique, probablement parce qu'il se trouve dans une position ambiguë par rapport à ce mouvement. Sur le plan géopolitique, l'offensive de l'EI dans la première moitié de l'année 2014 a sensiblement fragilisé le régime de Bagdad, proche allié de Téhéran, et permis un possible rééquilibrage plus favorable aux sunnites, mis à l'écart depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Ce que l'Arabie saoudite a très certainement vu d'un bon œil. Autrement dit, tant que le mouvement ne représentait pas une menace directe pour ses intérêts, il lui était plutôt favorable dans sa lutte contre « l'arc chiite ».

(Lire aussi : « Avec Salmane les grandes lignes restent les mêmes, et Moqren fait l'unanimité »)

Sur le plan doctrinal, l'EI prétend être le mouvement le plus orthodoxe à l'islam, et s'appuie là-dessus pour son recrutement. Face à cette nouvelle concurrence, qui cherche à décrédibiliser le royaume en tant qu'autorité religieuse, celui-ci est obligé de répondre par davantage d'orthodoxie. Il se retrouve ainsi dans une position délicate où il doit, dans le même temps, combattre par les armes les jihadistes sans pour autant pouvoir remettre totalement en question l'idéologie de ces derniers.

Beaucoup accusent l'Arabie de financer ces jihadistes, mais personne ne peut le prouver : si tel était le cas, ce serait fait par le biais de fondations privées et pas le résultat d'une politique étatique bien définie. Outre cette question de financement, Riyad contribue indirectement à alimenter l'idéologie salafiste jihadiste, en établissant le wahhabisme, un salafisme quiétiste, comme doctrine d'État, et en propageant cette idéologie dans tout le Moyen-Orient par le biais du financement des madrasas. Plus le littéralisme comme seul mode d'interprétation du Coran est promu, plus le risque que les jeunes soient séduits par les théories jihadistes est important : toute lutte contre le terrorisme qui ne prendrait pas en compte les facteurs éducatif et idéologique est obligatoirement vouée à des résultats limités.
Mais ça, il est permis d'espérer que le roi Salmane le sait déjà.


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L'Arabie saoudite dispose de deux atouts considérables pour occuper un rôle hégémonique régional : l'importance des deux villes saintes, La Mecque et Médine, dans l'histoire de l'islam, et les bénéfices astronomiques qu'elle perçoit grâce à ses ressources énergétiques. Deux atouts qui sont à la fois des forces attractives, qui permettent au royaume d'avoir une remarquable dimension...
commentaires (2)

LE II FAUT BEAUCOUP DE PATIENCE ET DE LOGIQUE POUR Y ARRIVER ! LE III FAUT UN CHANGEMENT RADICAL CHEZ SOI POUR Y PENSER !

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 13, le 27 janvier 2015

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • LE II FAUT BEAUCOUP DE PATIENCE ET DE LOGIQUE POUR Y ARRIVER ! LE III FAUT UN CHANGEMENT RADICAL CHEZ SOI POUR Y PENSER !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 13, le 27 janvier 2015

  • Pourquoi sur la photo montrer F.Hollande ...? qui représente la faillite de la France...

    M.V.

    19 h 39, le 26 janvier 2015

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