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Moyen Orient et Monde - Turquie

Le nouveau protocole guerrier d’Erdogan

L'initiative a fait les délices des réseaux sociaux et alimente la controverse parmi les politiciens.

Chacun des soldats symbolise un des seize « empires » de l’histoire turque. Photo AFP

Depuis leur première sortie, ils sont la risée des réseaux sociaux. Mais qu'importe. Le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan l'a décidé, il ne recevra plus ses hôtes de marque sans une haie de guerriers en moustaches et costumes d'époque.

Pour les commentateurs, l'affaire est entendue. L'apparition de ces vaillants soldats tout en épées, boucliers et cottes de mailles est le nouveau signe d'une volonté constante du chef de l'État : exalter la fierté nationale et la glorieuse histoire de la Turquie.
« Cela fait quelque temps déjà que le président mobilise tous ces éléments du passé », explique Ilter Turan, professeur de sciences politiques à l'université privée Bilgi d'Istanbul, « le symbolisme en fait incontestablement partie ».

Les nouveaux combattants de M. Erdogan ont déboulé sans prévenir il y a quinze jours dans son nouveau, coûteux et controversé palais de la lointaine banlieue d'Ankara, à la faveur d'une visite du chef de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Son entourage a expliqué que chacun de ces soldats de musée symbolisaient un des seize « empires » de l'histoire turque, des nomades Xiongnu de Mongolie venus jusqu'en Anatolie, au IIe siècle avant notre ère, jusqu'aux Ottomans (1299-1923), en passant par ses périodes mongoles et seldjoukides. Et qu'ils seraient désormais intégrés au protocole.

L'initiative a fait les délices des réseaux sociaux. Nombre d'internautes y ont relayé des photos truquées de M. Erdogan, où ses guerriers ont été remplacés par des personnages de La guerre des étoiles ou de la saga Harry Potter.
La rigolade n'a pas apparemment été du goût du président, qui a très vite riposté.
Le doyen de la faculté de médecine de Pamukkale (centre-Ouest), Hasan Herken, a ainsi été contraint de démissionner pour avoir moqué la tenue d'un des soldats. « Celui qui porte une robe de chambre est censé représenter qui ? » a-t-il écrit sur Twitter.

 

(Lire aussi : Erdogan se veut hyperprésident)

 

Vision biaisée
La controverse a pris un tour plus politique lorsqu'une des élues du parti de M. Erdogan, Tulay Babuscu, s'est réjouie que sa nouvelle escorte d'apparat marque le retour de l'Empire ottoman après une « coupure publicitaire de quatre-vingt-dix ans », a-t-elle dit pour qualifier la République fondée par Mustafa Kemal Atatürk en 1923. Outré, un des chefs de file de l'opposition kémaliste, Umut Oran, a immédiatement annoncé le dépôt d'une plainte contre cette « insulte ».

Les commentateurs sont eux aussi entrés dans la danse pour critiquer la vision de l'histoire à leurs yeux biaisée entretenue par M. Erdogan.
« La moitié de ces seize empires datent de la période pré-islam ou d'une époque où les Turcs étaient des chamanes ou des païens », a noté Cengiz Candar dans le quotidien en ligne Radikal, reprochant au chef de l'État sa « tendance excessive à l'affichage ».

 

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Plus politique, le célèbre éditorialiste Kadri Gürsel a accusé le pouvoir de vouloir séduire, par ces initiatives, « les électeurs nationalistes et conservateurs partisans d'un régime fort grâce à un "ottomanisme" superficiel fait de slogans et de symboles ».
À titre d'exemple, il a cité la récente sortie de M. Erdogan en faveur de l'apprentissage obligatoire à l'école de la langue ottomane, le turc ancien aboli en 1928. « Cette période et cet esprit n'existent plus, a écrit M. Gürsel, ils ne sont plus valides ni opérants dans la Turquie d'aujourd'hui. »

D'autres observateurs ont également noté que le personnage qui représente l'Empire ottoman dans le détachement présidentiel est un guerrier en armes, typique de sa période de conquête plutôt que de celle de sa modernisation.
Une preuve de plus, selon Ilter Turan, des arrière-pensées très politiques de M. Erdogan, dans la perspective des élections législatives de juin.
« À six mois du scrutin, analyse le politologue, il lui paraît important de capter l'imaginaire de la population en donnant l'impression que c'est le gouvernement au pouvoir qui porte la Turquie vers un statut de grande puissance. »

 

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