Le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a présidé hier son premier Conseil des ministres, une nouvelle marque de sa volonté de garder la main sur son pays déjà dénoncée par l'opposition comme étant la preuve de sa dérive autoritaire. Rare, l'initiative de l'homme fort de la Turquie n'est pas inédite. La Constitution accorde en effet le droit au chef de l'État, dont les pouvoirs sont largement protocolaires, de présider le Conseil des ministres en lieu et place du Premier ministre, qui dirige dans les faits l'exécutif. Avant lui, cinq chefs de l'État ont déjà exceptionnellement présidé la réunion hebdomadaire du gouvernement depuis la création de la République en 1923, le dernier d'entre eux à l'avoir fait ayant été Süleyman Demirel, en 2000. Mais dans le cas de M. Erdogan, le geste est tout sauf anecdotique. Car, contraint de quitter la tête du gouvernement en vertu d'une règle de son Parti de la justice et du développement (AKP) qui lui aurait interdit de se représenter aux législatives de juin prochain, il a toujours affirmé qu'il ne serait pas une « potiche », mais un « président qui transpire », et donc qu'il conserverait les rênes de la Turquie.
Par ailleurs, selon une source proche de la présidence, M. Erdogan envisage de convoquer le Conseil des ministres quatre ou cinq fois d'ici aux élections législatives. L'AKP, qui a remporté tous les scrutins depuis 2002, en part largement favori.
Le nouveau président espère que son parti y obtiendra les deux tiers des sièges nécessaires à une révision de la Loi fondamentale dans un sens plus présidentiel. Mais un tel raz-de-marée paraît improbable. Dans son nouveau palais de 490 millions d'euros, il a étoffé son cabinet pour garder la main sur les secteurs essentiels de la société. En la personne d'Ahmet Davutoglu, il a nommé à la tête de l'AKP et du gouvernement un fidèle qui lui fait peu d'ombre. Et il continue à s'exprimer à tout-va sur un ton très politique, comme un chef de la majorité. Ce style suscite la colère de ses adversaires, qui lui reprochent sa folie des grandeurs et l'accusent de dérive autoritaire et islamiste.
Enfin, la position inconfortable de M. Davutoglu a fait les délices des réseaux sociaux, qui ont repris en boucle en la détournant une photo qui le montre seul à la table du Conseil, avec pour seule compagnie un verre de jus d'orange. « Cette photo fait penser à un enfant dont le jouet a été confisqué par son père », a ironiquement tweeté un internaute, @Pasha_GS.
(Source : AFP)