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Moyen Orient et Monde - Témoignage

Le drame des coptes d’Égypte pris pour cible en Libye

En l'espace de quelques jours, vingt et un Égyptiens ont été enlevés à Syrte, ville libyenne sous le contrôle de groupes armés qui s'attaquent plus particulièrement aux chrétiens. Hier, l'État islamique a revendiqué les rapts dans un communiqué. Une persécution de plus pour les coptes d'Égypte dont les jeunes hommes quittent en masse leur village natal pour travailler et aider le ménage et leurs parents vieillissants.

Le portrait d’un des coptes égyptiens kidnappés en Libye.

Ils étaient partis travailler « pas loin », en Libye, « pour faire de l'argent et aider la famille ici », raconte Naguib, dont le fils a disparu depuis presque une semaine.
Dans le petit village d'al'Our, en Moyenne-Égypte, seuls les hommes, en gallabeyiah et turban se sont réunis dans le jardin de l'un d'eux pour raconter leur malheur. Treize de leurs fils ont été enlevés en Libye. Tous coptes. Ils s'assoient en rang d'oignons, comme lors des cérémonies funèbres, comme s'ils attendaient que des pleureuses viennent leur baiser les mains et partager leur chagrin. Les visages sont creusés, les traits fatigués. La plupart sont des vieillards, accoudés à leur kalachnikov. Car al'Our est un petit village copte à une heure de route d'al-Minya, encerclé par une population majoritairement islamiste. Alors, les villageois, souvent pris pour cible, ont appris à faire la loi eux-mêmes. Il y a une semaine, c'est Adel qui a appris la nouvelle. « Le téléphone de mon fils sonnait dans le vide depuis plusieurs jours, c'est un jeune homme qui a fini par décrocher, un collègue de travail », dit-il. Au bout du fil, il explique qu'une douzaine de personnes, dont son fils, ont été enlevées dans la nuit.


Les témoins sur place racontent qu'un groupe d'une quinzaine d'hommes masqués a fait irruption vers 4 heures du matin dans un compound de Syrte, à 450 km à l'est de Tripoli, à la recherche de chrétiens. « Ils avaient une liste des noms et prénoms des chrétiens présents dans le bâtiment », raconte, Aziz, présent lors du rapt. « Après avoir regardé nos papiers d'identité, ils ont écarté les musulmans et ont emmené les autres », explique-t-il.
En quelques jours, ce sont vingt et un coptes d'origine égyptienne, tous travaillant dans la construction ou l'artisanat, qui ont été enlevés. Il y a une semaine, 7 personnes, originaires de Samalout, le village mitoyen d'al'Our, étaient enlevées lors d'un faux contrôle de police. Le 23 décembre dernier, un médecin égyptien et sa femme étaient également assassinés à Syrte. Leur fille de 13 ans, enlevée par les assaillants, avait été retrouvée morte deux jours plus tard.


Mina Thabeh, chercheur à l'Egyptian Comission for Rights and Freedom (ECRF) et fondateur du mouvement Maspero Youth Union qui défend les droits des chrétiens, met en garde contre les persécutions des coptes. Depuis août dernier, son organisation a recensé « au moins 24 enlèvements d'Égyptiens chrétiens en Libye et au moins 20 meurtres depuis fin 2012 ».

 

(Lire aussi : François dénonce les "formes déviantes de religion", de Paris au Moyen-Orient)


Mais les motivations des responsables sont très floues : « La majorité de ces enlèvements et meurtres est attribuée au groupe islamiste Ansar al-charia qui se revendique d'el-Qaëda, aujourd'hui c'est Daech, mais dans le fond ça ne change pas grand-chose, explique-t-il. Nous avons très peu d'informations et pas de gouvernement sur place à qui parler. On ne sait même pas s'ils sont encore en vie. » Car si les hommes ont été officiellement identifiés sur les photos publiées par le groupe extrémiste, rien ne prouve que ceux-ci sont en bonne santé.
« Nous ne savons rien, nous n'avons pas de preuve de vie, pas de demande officielle de rançon », assure Samouir, qui tient entre ses mains le portrait de son grand frère, parti en avril dernier.
Un élément troublant pour Mina Thabeh qui rappelle qu'en mars dernier, l'État islamique avait enlevé et tué immédiatement 7 chrétiens en Libye. « Pourquoi les gardent-ils en vie s'ils ne veulent pas négocier ? » s'interroge-t-il.
À l'annonce de la revendication par l'État islamique, les deux villages, qui essayaient jusqu'à présent de rester confiants, sont sous le choc. « On a appris la nouvelle, souffle Mostapha Hussein, maire de Samalout. On essaie de les faire rentrer, mais on ne sait pas... »
Du côté des autorités égyptiennes, c'est la confusion. Le 3 janvier, une source proche du gouvernement avait imputé la responsabilité à la milice islamiste Ansar al-charia, classée groupe terroriste par l'Onu. Deux jours plus tard, le chef tribal qui dirige le « Conseil des sages » à Syrte affirmait que 13 Égyptiens avaient été libérés après avoir été retenus par des trafiquants. Une libération démentie par le gouvernement égyptien dans la foulée. Si celui-ci a convoqué certaines des familles au Caire la semaine dernière pour leur exprimer leur soutien et leur assurer qu'il faisait tout leur possible, il assure n'avoir aucune information fiable. « Notre gouvernement ne sait même pas combien de leurs ressortissants chrétiens se trouvent en Libye, alors comment voulez-vous qu'il ait de meilleures informations dans un cas comme celui-là », s'exaspère Mina Thabeh.


Daoud, lui, a eu de la chance. Il a quitté le pays voisin quelques jours seulement avant cette nouvelle attaque. Il y travaille par intermittence depuis 2009, mais est décidé à ne plus y mettre les pieds. « C'est devenu très dangereux, surtout ces derniers mois, on sentait bien que nous n'étions plus en sécurité, assure-t-il. Le plus triste, c'est que certains de mes amis ont essayé de partir de Libye peu avant d'être enlevés, certains pour venir passer Noël en famille, mais la plupart parce qu'ils avaient peur. »
Mardi soir dernier, en signe de recueillement, al'Our et Samalout ont annulé toutes les festivités de Noël. Une simple messe a été organisée pour prier le retour de leurs disparus. « L'ombre de la tristesse plane sur tout le village. On ne fêtera plus Noël tant qu'ils ne seront pas rentrés », affirme l'évêque du village.

 

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Ils étaient partis travailler « pas loin », en Libye, « pour faire de l'argent et aider la famille ici », raconte Naguib, dont le fils a disparu depuis presque une semaine.Dans le petit village d'al'Our, en Moyenne-Égypte, seuls les hommes, en gallabeyiah et turban se sont réunis dans le jardin de l'un d'eux pour raconter leur malheur. Treize de leurs fils ont été enlevés en Libye....

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