Elle doit être bien malade, la France laïque, dans son cœur, dans sa tête, dans son identité et son estime de soi, pour s'offusquer tout à coup de la présence des crèches dans les lieux publics à la veille de Noël. Car, au fond, une crèche, qu'est-ce sinon la représentation tendre et rassurante de ce qui fait une famille : un père, une mère, un nouveau-né et accessoirement quelques animaux familiers ? À partir de cette base, on peut concevoir ce qu'on veut, familles recomposées, monoparentales, homoparentales, qu'importe, pourvu qu'il y ait une cellule protectrice autour de ce que la nature fait de plus merveilleux : un enfant. Que cet enfant soit Dieu, nul n'est obligé d'y croire, mais tant qu'à fêter Noël, autant savoir que c'est de cela qu'il s'agit, la naissance d'un enfant conçu par la volonté divine et qui est pour les chrétiens Dieu fait humain. Car, sans la Nativité, comment justifier la célébration de Noël ? S'il faut supprimer les crèches, autant supprimer toute cette fête indissociable de la tradition et de la foi chrétiennes, allez, par respect pour les autres communautés, selon l'argument démagogique avancé par les champions de cette étrange cause.
Certes, le Liban n'est pas laïc. Dans le monde entier, les religions cohabitent et se mélangent tant bien que mal, mais notre pays vit cela comme une exception culturelle : le Liban aligne ses 18 confessions tantôt comme un argument pour expliquer son incapacité à se gérer, et tantôt comme un miracle de coexistence rendu possible par l'ouverture d'esprit de ses citoyens. Bref, il y a en nous le meilleur et le pire, mais jamais nous n'empêcherons l'une de nos communautés confessionnelles de célébrer ses fêtes et de les partager dans la joie. Et sans doute dans ce libéralisme-là existe-t-il davantage de laïcité que dans tout l'Hexagone réuni. Car à quoi bon faire le choix d'un État laïc si c'est pour ériger la laïcité en une religion supplémentaire, armée de dogmes consternants ?
Au fond, s'il est un fait sur lequel toute l'humanité est d'accord, c'est bien le caractère divin des enfants. Sartre lui-même, athée convaincu pourtant, est l'auteur d'une pièce de théâtre sur la Nativité. Comment rester insensible aux mots par lesquels il dépeint la Vierge dans «Barjona» et « cet air de radieuse tendresse et de timidité avec lequel elle avance le doigt pour toucher la douce petite peau de cet enfant-Dieu dont elle sent sur ses genoux le poids tiède et qui sourit » ? Ce poids tiède, ces petits doigts qui se referment sur notre doigt, ce petit être qui nous console du passage parfois vain du temps et qui grandit avec ce que nous avons mis en lui pour nous projeter dans l'avenir, nous qui n'avons pas eu la chance de croire jamais à l'avenir. Ce poids fragile qui un jour s'en va, avec l'angoisse héréditaire qui l'habite et le long passé de séparations et de douleurs qui le précède. Ce poids rayonnant qui revient, quand c'est possible, fêter nos fêtes. Ce poids intimidant qui parfois nous exile, riche d'une expérience qui nous est étrangère et souvent de succès étonnants. Et qui sourit et nous fait pleurer, mais c'est de bonheur. La crèche, pour nous, voilà, c'est tout ça.
Un homme, une femme, un enfant, quelques bêtes
OLJ / Par Fifi ABOU DIB, le 18 décembre 2014 à 00h00
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"La misère religieuse est l'expression de la misère réelle et la protestation contre cette même misère. Le religieux est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'1 monde sans cœur et l'esprit d'1 époque sans esprit : C'est l'Opium du Peuple!" ; dixit MARX Karl. Ainsi, c'est en préconisant la défense de la laïcité, de la neutralité et tout bonnement de la démocratie, puis la nécessité de traiter socialement le problème qu'on commencera à le résoudre. On défend le religieux, mais on le combat s’il veut influencer les autres au nom de sa religion en leur imposant ce voile ou sa crèche. En rompant ainsi 1 lance en faveur de l'intelligence, on doit s'attendre à prendre some baffes ou nasardes ! Et elles viendront. Car il faut se faire 1 raison : l'intelligence, surtout quand elle s'exprime par le biais des Laïcs, ce qui arrive, est 1 denrée insupportable à la gente sectaire qui surely intimement la méprise ; tout en s'en proclamant aussi bien pourvu que ces mêmes laïcs "intellectuels" ! Mais revoilà le religieux qui re-bassine les Laïcs avec sa banale crèche ; et soucieux de rafraîchir le concept, banalyse de + belle des bêtises en "oraclant" que sa crèche…. communique directement avec le cœur ! Bref, pour lui, personne n'a le monopole de l'intelligence. Pour la bêtise par contre, il arrive que l'on hésite en ce qui le concerne. C'est ainsi que le désopilant conseille, pour cesser d'être intellectuellement et donc "Laïque ment" perverti, de l’écouter…. déblatérer.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
16 h 11, le 18 décembre 2014