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Moyen Orient et Monde - Le retour du jihad...

« Je ne suis pas un terroriste, j’aime les filles, la vie et la France »

De nombreux jihadistes incarnent la grande crainte des services antiterroristes : leur retour de Syrie en hommes aguerris et animés de la volonté de porter le jihad hors de Syrie. Photo Reuters

Du haut de ses 23 ans, Ibrahim Boudina, soupçonné d'avoir préparé un attentat, incarne la grande crainte des services antiterroristes : le retour de Syrie d'hommes aguerris et animés de la volonté de porter le jihad en France.
Ainsi, il y a Ibrahim Boudina, un Cannois revenu début 2014, qui nie avoir jamais eu de telles intentions et être lié aux explosifs retrouvés à Mandelieu-La-Napoule le 17 février. M. Boudina n'est alors pas un inconnu : il est dans le viseur de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis près d'un an et demi. Le 26 septembre 2012, il annonce à sa mère qu'il part en vacances avec un ami d'enfance, Abdelkader Tliba. Ils s'envolent pour la Syrie, via la Turquie. Ce départ leur permet d'échapper au démantèlement de la cellule dite de Cannes-Torcy. Mais ils restent surveillés, via leurs contacts téléphoniques et les réseaux sociaux. Le 3 janvier, l'alerte est donnée.

 

(Lire aussi : Jihadistes français en Syrie : "le retour en terre de mécréance est interdit", avertit un recruteur)

 

« Pistolet de prostituée »
Le 23 janvier, Boudina est repéré dans un hôtel niçois bon marché. Il s'installe chez son père à Mandelieu-La-Napoule où il est interpellé à l'issue d'une tentative de fuite, le 11 février. Le 17, dans les parties communes, les enquêteurs trouvent, près de sa tablette, un pistolet, deux chargeurs garnis et trois canettes bourrées d'explosif, l'une sertie de clous. Boudina assure que les engins ne lui appartiennent pas, non plus que l'arme de poing à la crosse nacrée, « un pistolet de prostituée », commente-t-il selon une source proche du dossier.


Pourquoi inquiète-t-il les services, qui surveillent des centaines de candidats au jihad? Lors de leur départ en 2012, les jeunes Boudina et Tliba confient un testament à l'ami qui les conduit à l'aéroport. En garde à vue dans le dossier Cannes-Torcy, celui-ci dresse, selon un proche de l'enquête, le portrait d'un Boudina antisémite, qui « pourrait faire du mal à quelqu'un qui va contre l'islam » ou expliquant qu'à défaut de combattre en Syrie, on pouvait « faire un truc ici ». Troisième d'une fratrie de quatre, fils d'un plombier et d'une femme de ménage séparés, Boudina n'a pas un profil de délinquant à la Mohammad Merah. Mais le déclic aurait été la disparition d'un ami, en 2009 : « Ibrahim, qui n'était pas religieux, l'est devenu, à ce moment-là », raconte un proche. Le piercing au nez disparaît. Il fréquente une mosquée de Cannes, en compagnie d'amis de collège dont les convictions radicales suscitent des tensions avec les fidèles. D'autant qu'arrivent de jeunes salafistes venus de Torcy, en Seine-et-Marne.

 

(Lire aussi : Jihadistes français : « Il n'y a pas seulement Aïcha et Brahim, il y a aussi Jacqueline et Michel »)

 

« Bande de potes armés »
À en croire un membre du groupe, Boudina dispose d'une certaine aura : « Nous écoutions tous Ibrahim, car il a plus de savoir », glisse-t-il aux enquêteurs. Un voyage en Égypte début 2012 aurait accéléré cette radicalisation qui devait le conduire en Syrie pour « combattre et jihader », explique ce proche. Une fois là-bas, Boudina décrit à son entourage un périple humanitaire. Il raconte être fossoyeur, travailler dans un hôpital. Pour son père, il fait « un peu de business », achète et revend des voitures.
Mais les enquêteurs ne croient pas à la couverture humanitaire, argument classique des jihadistes. Parfois, M. Boudina se laisse aller, raconte à sa mère la mort d'un adolescent dont le sang se serait « transformé en musc », lui demande de ne pas s'inquiéter : « Même si je meurs, inch'Allah, je suis martyr. » À un ami, il vante sa « grande bande de potes armés ». Sur place, Boudina semble d'abord perdu, s'inquiète de la procédure Cannes-Torcy, réclame de l'argent à ses proches. Sa solitude perce quand il leur demande de lui rendre visite. Mais il reprend du poil de la bête, dénonce la tiédeur religieuse de son père, lui reproche de « travailler pour les kouffar » (mécréants). À ses yeux, l'islam est « une religion d'hommes forts », « pas une religion de soumis ». L'épanouissement religieux ne semble pas son seul motif de satisfaction. Il raconte sa « petite vie » au « Cham » en Syrie, avec sa « petite maison » et sa « petite moto ».

 

Le « butin »
Uni religieusement en France à une convertie, il se marie mi-2013 à une Syrienne qui « obéit au doigt et à l'œil, pas comme les Françaises », raconte-t-il au téléphone. À un ami, il explique sur Facebook qu'en Syrie, les « frères sont privilégiés : si tu viens sur place, je pense que tu auras la femme que tu désires ». Il y aura aussi une maison et à manger : « C'est du butin », explicite-t-il. Pour les enquêteurs, pas de doute : le jeune homme a « combattu au sein de groupes jihadistes syriens pendant près de seize mois, est revenu clandestinement en France et s'est doté d'une arme et d'explosifs » pour des attentats. L'analyse de sa tablette a révélé un mode d'emploi pour fabriquer une bombe ou des recherches par mot-clé comme « détonateur téléphone ». Peu coopératif, selon une source proche du dossier, Ibrahim Boudina affirme son innocence : « Je ne suis pas un terroriste, j'aime les filles, la vie, et j'aime la France qui m'a beaucoup apporté. »

 

Du haut de ses 23 ans, Ibrahim Boudina, soupçonné d'avoir préparé un attentat, incarne la grande crainte des services antiterroristes : le retour de Syrie d'hommes aguerris et animés de la volonté de porter le jihad en France.Ainsi, il y a Ibrahim Boudina, un Cannois revenu début 2014, qui nie avoir jamais eu de telles intentions et être lié aux explosifs retrouvés à...

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