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Moyen Orient et Monde - Syrie

Jihadistes français : « Il n’y a pas seulement Aïcha et Brahim, il y a aussi Jacqueline et Michel »

Depuis le 23 janvier, date du départ clandestin de Nora, alors âgée de 15 ans, Fouad et les siens vivent un enfer. Boris Horvat/AFP

« Vous m'abandonnez » : ces mots lancés par Nora, une adolescente partie à l'insu de sa famille faire le jihad en Syrie, ne cessent de hanter Fouad, son frère aîné de 37 ans. La France, qui compte la plus grande communauté musulmane d'Europe, est aussi le pays qui fournit le plus gros contingent de jihadistes occidentaux, un millier qui sont partis via des filières en Syrie et en Irak. Qui sont-ils? Des paumés, des marginaux, des jeunes de banlieue en mal de repères ? « Il n'y a pas seulement Aïcha et Brahim, il y a aussi Jacqueline et Michel », souligne Hassen Chalghoumi, imam de banlieue parisienne connu pour ses critiques de l'intégrisme. Toutes les régions, tous les milieux sont concernés : il y a des ruraux, des citadins, des jeunes, des moins jeunes, des musulmans, des convertis (21 %, selon le ministère de l'Intérieur), des familles, des professions libérales, selon des experts.


Depuis le 23 janvier, date du départ clandestin de Nora, alors âgée de 15 ans, Fouad et les siens vivent un enfer, ne comprennent pas comment cette lycéenne d'Avignon, bonne élève qui rêvait de devenir médecin, a pu tout quitter. Fouad a découvert qu'elle avait « une double vie », « deux styles vestimentaires », « deux comptes Facebook » : un exposant la vie d'une adolescente sans histoires, l'autre où elle avait écrit vouloir aller « à Alep pour aider nos frères et nos sœurs syriens ». « Si je ne fais rien, je devrai rendre compte à Allah », ajoutait-elle. En avril, Fouad parvient à la rencontrer en Syrie, « une demi-heure en présence de son émir, Omar Omsen », un Franco-Sénégalais.

 

(Lire aussi : Un "jihadiste de retour du Liban" voulait frapper la France)

 

Sur Twitter, petits cœurs et kalachnikov
« Je l'ai vue dans un sale état, amaigrie, le visage bouffi. » Mais impossible de convaincre l'émir de la laisser partir. Lors d'une conservation téléphonique précédente, Nora avait dit à son frère son désir de rentrer : « Je suis au milieu d'hypocrites et de lâches qui terrorisent les Syriens. » Jusqu'à la mi-mars, elle disait être « heureuse » loin « des mécréants et des violeurs ». Il y a dix jours, en pleurs au téléphone, elle lui a lâché : « Vous me manquez... vous m'abandonnez. » « Aujourd'hui, c'est une otage », considère l'avocat de Fouad, Me Guy Guénoun. Pour lui, elle est « victime d'une secte ».

 

(Pour mémoire : France : plan gouvernemental contre les filières jihadistes)


Dounia Bouzar, directrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, s'inquiète du nombre grandissant de partants. Tous ont passé des heures sur YouTube et les réseaux sociaux, à regarder les images-chocs et les messages du groupe État islamique (EI, ex-Daech) ou du Front al-Nosra, lié à el-Qaëda, appelant à rejoindre ach-Châm (Grande Syrie). Ils n'ont pas fréquenté de mosquées. Ils se sont isolés de leurs famille et amis.

« C'est la génération 2.0 », résume David Thomson, journaliste de Radio France internationale (RFI) et auteur du livre Les Français jihadistes. « Ils n'ont pas de culture particulière de l'islam », ajoute l'avocat Martin Pradel. Ce défenseur de plusieurs jihadistes incarcérés à leur retour en France cite le cas d'un « cadre trentenaire, bien installé dans la vie », à mille lieues du gamin des cités en échec scolaire. Il souligne la rapidité avec laquelle certains ont basculé dans la radicalité : « un mois » seulement, pour un de ses clients. « On est en train de découvrir un iceberg », estime Me Guénoun, en mettant l'accent sur les « filières » actives un peu partout sur le territoire pour acheminer en Syrie les candidats au jihad.


S'ils adhèrent aux idées, certains ne sautent pas le pas. C'est le cas de Myriam (prénom modifié), 20 ans, musulmane, étudiante en 2e année de droit : elle soutient ardemment le groupe EI. Elle explique à un journaliste de l'AFP que ceux qui ne peuvent pas partir peuvent mener « le jihad là où ils sont ». Elle croit que des « attentats seront commis en France ». Mais assure qu'elle n'y participera pas. Elle tweete beaucoup avec des amis partis en Syrie, « des musulmans et un converti ». « Ils sont très, très heureux », assure-t-elle. Les décapitations d'Occidentaux ? « C'est triste, mais c'est la guerre », répond-elle. Sur son compte Twitter, Myriam commente, avec force petits cœurs, les photos de jihadistes posant une kalachnikov et un chaton dans les bras.

 

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