Les milieux politiques locaux se perdent en conjectures depuis le début de la semaine sur la teneur de l'interview télévisée du leader du courant du Futur, Saad Hariri, qui sera diffusée ce soir. Les observateurs sont dans l'attente des positions que l'ancien Premier ministre pourrait annoncer concernant deux dossiers cruciaux : la voie à suivre pour aboutir dans les meilleurs délais à l'élection d'un président de la République ; et l'éventualité d'une relance d'un (hypothétique) dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah.
Pour ce qui a trait au premier point, le chef du législatif, Nabih Berry, entretient, rappelle-t-on, un climat optimiste à ce sujet, faisant état d'« indices » positifs, provenant notamment de l'extérieur. Le leader du mouvement Amal est-il réellement au courant de tractations qui se dérouleraient dans les coulisses dans certaines capitales régionales et/ou internationales, ou prend-il simplement ses désirs pour des réalités ? Il est difficile, à l'évidence, d'apporter une réponse tranchée à une telle interrogation, mais en se fiant aux apparences, force est de relever qu'aucune éclaircie ne semble pour l'instant poindre à l'horizon à cet égard. Il reste qu'un « miracle libanais » (fût-il d'inspiration étrangère) ne saurait être totalement écarté dans le contexte de la conjoncture présente dans la région.
Le second point sur lequel M. Hariri devrait s'étendre ce soir est la possibilité d'un dialogue entre le parti chiite pro-iranien et le courant du Futur. Les indices précurseurs sur ce plan sont cette fois un peu plus palpables. M. Berry aurait déjà discuté de la question avec le chef du bloc parlementaire du Futur, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora. Le député Ahmad Fatfat, qui représente en quelque sorte l'aile dure du courant du Futur, n'a pas écarté pour sa part un tel dialogue, soulignant que les tractations préliminaires portent non pas sur le principe de ces éventuelles discussions, mais plutôt sur l'ordre du jour, et – surtout – sur l'engagement que devrait prendre le Hezbollah, en amont, pour l'exécution concrète de ce qui aurait été convenu entre les deux parties. Le courant du Futur tire les leçons du passé à ce propos. Le Hezbollah a fait fi, en effet, des engagements qu'il avait pris lors de la conférence de Doha qui avait débouché sur l'élection du général Michel Sleiman à la présidence de la République et sur la formation du gouvernement d'union nationale présidé par Saad Hariri, en 2008. Et quatre ans plus tard, le même Hezbollah a vite fait de renier son appui explicite – enregistré dans un procès-verbal officiel – à la Déclaration de Baabda avalisée lors d'une séance de dialogue national, en juin 2012, sous l'égide du président Sleiman.
C'est donc cette fâcheuse tendance qu'a le Hezbollah à ne pas respecter ses engagements officiels qui apporte un bémol à l'optimisme prudent relatif à un éventuel dialogue avec le Futur. Pour détourner cette difficulté, M. Hariri et son état-major politique poseraient comme condition à des discussions avec le Hezbollah une entente rapide sur le dossier concret de la présidentielle. En clair, un accord sur le choix d'un président dit « consensuel » qui serait agréé par les deux camps du 14 et du 8 Mars.
C'est donc la perte par le Hezbollah de sa crédibilité qui rend aléatoire une éventuelle détente durable sur la scène locale. Une détente, du reste, qui demeure largement tributaire de paramètres régionaux, comme l'indique l'affaire des militaires détenus en otage par les jihadistes syriens dans le jurd de Ersal. Les parents des militaires menacent ainsi de paralyser certaines entrées de la capitale à partir de demain, vendredi, si aucun progrès tangible n'est enregistré sur ce plan. Les familles des otages ont été dans ce cadre outrées par l'attitude du Hezbollah qui s'est livré à un échange avec l'Armée syrienne libre en vue d'obtenir la libération de l'un des siens détenu par l'opposition syrienne modérée, alors qu'il s'opposait à tout échange initié par le gouvernement afin d'aboutir à un dénouement heureux du dossier des otages militaires.
La réaction des parents est, certes, humainement compréhensible, mais elle ne tient pas compte d'un facteur fondamental, qui fait toute la différence : la négociation avec l'Armée syrienne libre est possible et relativement aisée du fait que le commandement de l'ASL agit généralement de façon « normale », conformément à des normes rationnelles, alors que des pourparlers avec une organisation telle que l'État islamique (ou Daech) sont du domaine de l'irrationnel le plus abject, comme l'indique le comportement non humain des miliciens takfiristes qui sont sans foi ni loi... Dans cette optique, le Hezbollah a donc eu le beau rôle et s'est évidemment abstenu de trop insister ou de mettre en relief toute la différence qu'il y a entre une négociation avec l'Armée syrienne libre et des pourparlers avec une organisation qui rejette en vrac tout ce qui touche au monde normal...
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commentaires (9)
LES CLAIRONS DES DEUX PARALLÈLES ABRUTIQUES... QUI NE SE RENCONTRENT MÊME PAS AUX PÔLES... AU SERVICE DE LEURS MAÎTRES RESPECTIFS ! DES VALETS OU DES SUPPÔTS !
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 50, le 27 novembre 2014