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Lifestyle - F(r)ictions

Bad trip (épisode 3)

illustration Mirella Salameh

Bad trip. J'ai peur de me retourner. Monsieur ? On me rappelle. Je me tourne. Une femme, la cinquantaine, empâtée, me dévisage, regard plein de jugement. La vue de son uniforme me rassure : une femme de ménage. Je crois que je suis perdu, je cherchais la salle de bains, je mens. Il n'y a rien à l'étage, Monsieur. Les toilettes pour invités sont en bas. Je vous accompagne. M'a-t-elle vu sortir de la chambre de Yasmina ? Je ne sais pas d'où elle est venue, ce qu'elle a vu, ça me démange. Je me sens transpirer sous ma chemise. Nous arrivons en haut de l'escalier, je freine et la regarde dans les yeux : Bon, écoutez Madame, merci beaucoup. Et glisse un billet de cinquante dans la poche de son tablier. Son sourire narquois me met en confiance. Me rassure. Devrait-il ? Je n'ai pas le choix. Prions.


Rez-de-chaussée. Il y a visiblement moins de personnes que tout à l'heure, ce qui me fait douter de ma notion du temps. Quelle heure est-il ? La batterie de mon portable est morte et je ne mets pas de montre. Ma tête ne tourne plus, cette histoire m'a complètement dégrisé. Mais qu'est-ce qui m'a pris, bordel ? Il faut que je rentre, tout de suite. Je ne sais pas si je dois trouver mes hôtes, les remercier d'abord, s'ils me croient déjà parti. Non, ça ne se fait pas. J'entrevois la silhouette de Leila – la maîtresse de maison, ma patronne, la mère de Yasmina – tellement de dénominations qui me semblent mâles, indécentes. Je cache mon embarras et me dirige vers la cuisine où elle se trouve.

Leila ?
Adam ! Mais tu as disparu ! Tout se passe bien ? Tu es tout pâle... Ce n'est pas de la comédie, elle est vraiment concernée.
Ça va, ça va. J'ai juste eu besoin de prendre l'air un peu, je suis allé me balader sur la plage. En prononçant ces mots, je me demande combien de personnes m'ont vu sur l'escalier du premier étage.
Quel dommage. J'avais envie de passer plus de temps avec toi. Elle se rapproche. À l'écart. Encore. Mais, ce n'est que partie remise ? Elle pose sa main sur mon entrejambe. Je suis surpris par ma capacité de bander, même qu'à moitié, après le cauchemar que je viens de subir. James Dean revient. J'incline la tête et plisse les yeux.
Ce n'est que partie remise. Un clin d'œil pour conclure.
J'abandonne la cuisine la tête haute, le buste fier. Je me sens victorieux. La villa n'est plus aussi sinistre qu'il y a trois minutes. Je ne transpire plus. Des au revoir et des à demain aux quelques collègues encore présents. Une poignée de main à Makram, que je regarde dans les yeux en souriant. Quel imbécile... s'il savait. Et là, tout change. Mon sourire s'estompe à la vue d'une silhouette à l'étage, en haut, à droite. La femme de ménage se dresse. Sévère et menaçante. Me fixe froidement. Rappel à la réalité. Mes genoux s'affaiblissent. Ma posture se recroqueville. Je me sens petit. Mort d'inquiétude.


Je traverse la terrasse, parcours le parking, arrive à ma voiture. Je monte. Je démarre le moteur. Ceinture de sécurité. Petite hésitation. Je plonge ma main dans la poche de mon pantalon. Rien. Un vide terrifiant. La culotte en dentelle noire a disparu.

 

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Bad trip. J'ai peur de me retourner. Monsieur ? On me rappelle. Je me tourne. Une femme, la cinquantaine, empâtée, me dévisage, regard plein de jugement. La vue de son uniforme me rassure : une femme de ménage. Je crois que je suis perdu, je cherchais la salle de bains, je mens. Il n'y a rien à l'étage, Monsieur. Les toilettes pour invités sont en bas. Je vous accompagne....

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