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À La Une - polémique

"Il y a des gens dans ce pays qui descendent sous terre pour un salaire de 890 livres"

En Turquie, le nouveau palais présidentiel d'Erdogan sous le feu des critiques.

Le nouveau palais présidentiel construit pour le président turc Recep Tayyip Erdogan. AFP

Recep Tayyip Erdogan en est convaincu, rien n'est trop grand ni trop cher pour incarner sa "nouvelle Turquie". Mais en s'offrant un luxueux palais, le président turc a déclenché une vive polémique qui nourrit les critiques sur sa folie des grandeurs.

Elu à la tête de l'Etat en août, l'homme fort de Turquie devait-il déménager dans une nouvelle, gigantesque et coûteuse résidence ? Depuis une semaine, la question déchire le pays, entre partisans d'un nécessaire investissement de "prestige" et détracteurs d'un gaspillage jugé pêle-mêle inutile, ubuesque ou scandaleux.

Au cœur de la controverse, le fameux "palais blanc" ("aksaray" en turc) qui remplace le siège historique de la présidence sur les hauteurs d'Ankara n'a rien de discret. Niché dans une lointaine banlieue de la capitale, le bâtiment, massif compromis des architectures ottomane et néo-seldjoukide (la première dynastie turque du XIe au XIIIe siècle), affiche une surface respectable de 200 000 m2 au sol et un millier de pièces.

Sitôt sorti de terre, il a suscité la polémique. Des écologistes avaient obtenu de la justice la suspension de sa construction, au milieu d'une des rares zones vertes d'Ankara, mais le gouvernement islamo-conservateur est passé outre sans autre forme de procès.

Depuis, les médias d'opposition tirent à boulets rouges sur le "caprice" de M. Erdogan, qualifié de "nouveau Versailles" ou comparé à l'extravagant palais érigé avant sa chute par le président communiste roumain Nicolae Ceaucescu. "C'est une construction clandestine et le président son occupant illégal", a dénoncé un député du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Levent Gök.

Encore plus que ses dimensions, la facture du nouvel édifice provoque l'indignation.
La presse turque l'avait initialement évaluée à 350 millions de dollars mais le ministre des Finances Mehmet Simsek a mis de l'huile sur le feu en révélant cette semaine, lors du débat budgétaire, qu'elle atteindrait finalement 1,3 milliard de livres turques (LT), soit 615 millions de dollars ou encore 490 millions d'euros.

"Polémiques partisanes"
"Il y a des gens dans ce pays qui descendent sous terre à Ermenek et Soma pour un salaire de 890 LT", s'est offusqué un autre élu du CHP, Izzet Cetin, en référence aux ouvriers victimes de deux récentes catastrophes minières.
Dans la foulée, les adversaires de M. Erdogan ont épinglé le prix de son nouvel avion présidentiel, un Airbus A330 facturé 185 millions de dollars.

Critiqué par ses adversaires, égratigné dans la presse du monde entier, le régime turc a été contraint d'organiser la contre-attaque. "Lancer des polémiques partisanes à propos de bâtiments ou de véhicules qui participent au prestige de notre pays et de notre Etat ne sert personne", a déploré le bureau du chef du gouvernement Ahmet Davutoglu dans un communiqué.

Au sein-même de son entourage, l'explication n'a pas convaincu tout le monde.
Le vice-Premier ministre turc Bülent Arinç a reconnu que le coût du palais pouvait choquer dans un pays où le salaire minimum est de 400 dollars (320 euros) et où le gouvernement a annoncé son intention de réduire les déficits publics. "Ce n'est pas une petite somme d'argent", a dit M. Arinç, "si vous estimez que l'on n'aurait pas dû en dépenser autant, on peut en discuter".

Interpellé par la presse, le chef de l'Etat lui-même est monté au créneau jeudi pour se défendre. "Ce palais n'est pas une propriété privée, il appartient à la République (...) il représente le prestige de la Turquie", a souligné, agacé, M. Erdogan.
Jamais à court d'une provocation, le président, que ses rivaux accusent de dérive autoritaire et islamiste, en a profité pour annoncer que son palais abriterait aussi une grande mosquée, qu'il a promis d'ouvrir au public.

"Ce palais résume à lui seul ses ambitions et sa vision de la grande Turquie qu'il souhaite diriger", résume à l'AFP Serkan Demirtas, le chef de bureau ankariote du quotidien de langue anglaise Hürriyet Daily News.

Les premiers visiteurs prestigieux du nouveau palais devraient être, dès ce mois-ci, le vice-président américain Joe Biden puis le pape François.

 

 

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