« J'invite le général Aoun à avancer la candidature d'un tiers à la présidence de la République, car honnêtement, comme candidat, je ne le convaincs pas et lui ne me convainc pas », a déclaré dimanche le chef des Forces libanaises à l'agence Reuters.
Tout aussi honnêtement, disons-le à notre tour : les candidatures des deux hommes ne nous convainquent pas non plus. Certes, Michel Aoun a quelque part raison, quand il affirme que la présidence de la République doit aller au maronite qui jouit de la plus grande popularité dans les rangs chrétiens, à l'image de ce qui se passe dans les deux autres communautés sunnite et chiite.
Car, après tout, quel mal y a-t-il à être une fédération de communautés ? Le pacte national entre maronites et sunnites de 1943 en est une. La Montagne druzo-chrétienne en était une autre. Oui mais... Il n'y a pas de mal à être une fédération de communautés, à condition que cette fédération ne soit pas sa propre finalité. À condition que l'on se fixe un « intérêt supérieur » qui dépasse les intérêts propres des communautés fédérées, à condition que l'on cherche à atteindre à une sorte de symbiose. Faute de quoi, le jugement de Georges Naccache, « deux négations ne font pas une nation », ne se démentira jamais, et le Liban serait condamné à n'exister que comme « carrefour ».
Mais si la proposition de Michel Aoun est nécessaire, elle n'est pas aussi suffisante qu'il le croit. Et cela pour deux raisons : la première, c'est que le président maronite est le président de tous les Libanais, et que vous ne pouvez élire un président auquel l'une des communautés libanaise est hostile. La seconde, c'est que la présidence de la République est une instance régulatrice des institutions, et que le président de la République, plus encore que celui de l'Assemblée nationale ou du Conseil des ministres, doit être un homme de modération, d'arbitrage. L'idéal est donc, pour un président, de cumuler popularité et modération. À défaut, il est plus important pour un président d'être modéré et accepté de toutes les communautés, que d'être populaire dans sa propre communauté.
Revenons-en à Michel Aoun. Ce qui le disqualifie, concrètement, d'être président, ce n'est, bien sûr, ni sa popularité ni son caractère. Ce qui le disqualifie est de nature politique. Certes, s'il est élu, Saad Hariri suivra nécessairement comme chef de gouvernement. Mais son ambiguïté à l'égard de l'assassinat de Rafic Hariri et ce que cette ambiguïté implique demeureront. Comment oublier en effet qu'au nom de son entente avec le Hezbollah, et pour se dérober à son devoir d'évidence, il a été obligé en 2005 de salir la mémoire de l'homme qui venait de verser son sang, alors même que sa mort brutale venait de retourner sa communauté. Une communauté qui avait à se faire pardonner la vague de nationalisme arabe (1958), la montée en puissance du Fateh (1969, accord du Caire), et la guerre des deux ans (1975-76), séquences historiques où elle avait tourné son dos au Liban, et qui criait désormais « Liban d'abord ».
Le comble, c'est que cette erreur était double. C'est que non seulement on diabolisait Rafic Hariri et on salissait sa mémoire, mais qu'en plus on cherchait à substituer au pacte entre maronites et sunnites de 1943 un nouveau pacte entre maronites et chiites.
Sur le tard, le chef du CPL a réalisé sa tragique erreur. Il cherche aujourd'hui à se rapprocher du courant du Futur. Mais ce rapprochement est flou et le restera jusqu'à la publication du jugement du tribunal international. Car une chose est de faire alliance avec le Hezbollah. Une autre de faire alliance avec les assassins de Rafic Hariri.
Du reste, cet allié n'a pas effectué le même revirement, et s'il donne du « président-martyr » à Rafic Hariri, sa diabolisation du courant du Futur et de ses députés prouve que sa volonté de s'imposer comme communauté dominante n'a pas changé. Ce jeu sournois d'exclusion des sunnites au profit d'un Liban où l'hégémonie musulmane serait exercée par les chiites ne serait pas si grave, d'ailleurs, si le parti chiite n'était lié par ailleurs par un devoir d'obéissance religieuse – la doctrine de la « wilayat el-fakih » – à la République islamique d'Iran, et s'il ne détenait les armes nécessaires pour l'imposer.
Ce qui disqualifie Samir Geagea d'accéder à la première magistrature de l'État est, lui, évident, y compris à l'intéressé. Tant mieux. La guerre civile et son cortège d'honneurs, d'injustices, d'assassinats politiques ou simplement crapuleux et d'exactions est encore dans toutes les mémoires. On a passé l'éponge à la légère, sur des crimes impardonnables, et pour commencer le crime contre le Liban, la trahison du pacte, qui a valu notamment aux chrétiens les massacres du Chouf.
On l'a dit, la présidence de la République est à la fois le privilège des maronites et leur malédiction. Il faudrait dire l'honneur, plutôt que le privilège. La malédiction réside dans le « Pourquoi pas moi ? », une question qui ouvre chaque candidat à tous les calculs et toutes les ruses possibles et imaginables, à toutes les jalousies, à toutes les séductions, à tous les mensonges. L'honneur, lui, n'est pas de tout repos. Il s'accompagne d'un harassant devoir de rectitude, de courage, d'acharnement au travail. Il n'est pas à la portée du premier venu.
Lire libanais
Comme chaque année, le Salon du livre français apporte avec lui son lot d'ouvrages sur la guerre ou sur des thèmes de réflexion en lien direct avec notre histoire récente et notre système politique. On trouve notamment cette année, sur les présentoirs, outre de très bons livres de fiction, un livre de Nada Anid sur Samir Geagea, un autre de Charles Rizk sur son expérience politique, un troisième de Carlos Hajje-Chahine sur l'État et la laïcité, en plus évidemment de l'excellent ouvrage d'Alexandre Najjar. Le grand avantage de ces livres, c'est qu'ils sont écrits par des Libanais, pour ainsi dire « de l'intérieur ». Ne cédons pas aux préjugés politiques. Soyons curieux. Ouvrons-les. C'est comme cela que nous nous rapprocherons, sans même y penser, les uns des autres, et d'abord d'une culture commune qui nous aidera à voir plus clair dans notre destin.
Aider L'Orient-Le Jour à persévérer dans sa mission relève de la même logique. L'Orient-Le Jour n'est pas un journal. C'est l'un des piliers de l'indépendance. C'est un lieu irremplaçable de circulation des idées. Francophone, c'est entendu. Imparfait, c'est entendu. Mais vivant, c'est l'essentiel. Utile, indispensable contribution à la formation et à l'avènement d'une conscience nationale.
commentaires (8)
heyde el 4 mouhtamilet mawjoudeh edemna, badna nekhod 2arar, aw men arir n3ich rasna marfou3 hahrar ka massihyn bi hal no2ta men hel chark, aw men 2arir n3ich zulimmyn, aw men 2arir n2achmel, aw men 2arir enfel, heyda el rihen wa heyda el 2ararat matrouha edemna. nehna ka mou2wameh lebnanyeh, nehna ka ouwet el lebneneh ararna wa arar nihe2eh, ino n3ich hone ka massihyen rassna marfou3 HAHRAR !!!! nehna ka mou2awameh lebnanyeh nehna ka ouwet el lebnanyeh 3ena 2adyeh, w hel 2adyeh bet khalina ma ba2a nesmah la hadan wala min b3id wala men 2arib yesta3to fina !! lebnen bi hejeh la elkoun labo el nide2 Bachir Gemayel (tu vois President martyr tu es tjrs d'actualite)
Bery tus
01 h 33, le 05 novembre 2014