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Économie - Analyse

Obscurité ou obscurantisme : le secteur de l’électricité, otage des enjeux politiques (I)

Est-il concevable, 25 ans après la fin de la guerre, ou 40 ans depuis son sinistre éclatement, que le citoyen libanais soit toujours privé de courant électrique en continu et à un coût abordable ? Imaginez la France de 1970 encore dans la pénombre du fait de la Deuxième Guerre, mondiale celle-là, pas seulement civile ! Non moins dramatique, l'état délétère du secteur de l'électricité est un obstacle majeur au développement et pèse lourdement sur l'efficience de l'économie libanaise et les coûts de production de biens et services.
Maintes études menées au cours des années ont clairement identifié les problèmes techniques qui entravent le développement du secteur et élaboré des solutions pour accroître la capacité de production, réduire les pertes techniques sur le réseau haute tension (transmission) et améliorer la distribution par une meilleure allocation des responsabilités, entre autres, aux opérateurs privés. Pourtant, en un quart de siècle, les mesures effectives pour la réhabilitation du réseau, surtout au niveau de la production, ne sont pas encore mises en œuvre, alors que se poursuivent des débats idéologiques, à plus d'un titre stériles, quant au mode optimal d'organiser, gérer et financer le secteur. Un profond clivage continue de séparer les divers groupes politiques, en particulier sur le rôle de l'État et de l'investissement privé.
Bien que la situation précaire des finances publiques, tout comme celle d'Électricité du Liban (EDL), rend peu plausible l'hypothèse que le budget de l'État puisse financer les investissements indispensables pour la mise à niveau du secteur, le gros des recettes fiscales étant allouées aux dépenses incompressibles liées au service de la dette, aux salaires et à la sécurité, d'aucuns craignent que l'entrée de capitaux privés dans le secteur ne se traduise par l'appropriation massive de biens publics, la fragilisation si ce n'est la liquidation de la compagnie nationale d'électricité, l'émergence de puissants et impitoyables monopoles et l'accumulation de profits indus par une poignée de capitalistes avides de gains. Un tel abus de biens publics se ferait aux dépens des classes pauvres et moyennes.
Toutefois, progrès et réformes ne sauraient être tenus à jamais otages de ce faux débat : l'expérience à travers le monde, aussi bien dans les pays industrialisés qu'émergents, démontre que d'autres options existent au-delà du sombre choix entre gouvernements en faillite et forbans des affaires.
La mise à niveau du secteur de l'électricité au Liban (suivant la projection de la demande sur base d'estimations généralement acceptées des taux de croissance économique) porte sur les composantes suivantes : l'ajout de près de 3 000 mégawatts (MW) à la capacité actuelle de production de 1 500 MW, à un coût d'environ 4 milliards de dollars ; la mise à niveau des lignes de transmission à haute tension pour réduire les pertes « techniques » de 15 % à moins de 10 % en conformité avec les normes internationales, à un coût d'environ 500 millions de dollars ; et la modernisation du circuit de distribution, y compris les compteurs de consommation et systèmes de facturation et de recouvrement des échéances, à un coût d'environ 400 millions de dollars. Ainsi, l'enveloppe totale du coût se monterait (en ordre de grandeur) à quelque 5 milliards de dollars sur une période de deux à trois ans, soit l'équivalent du déficit d'EDL, subventionné par le budget !
De telles ressources ne sont pas disponibles au budget de l'État, qui cette année affichera un déficit de plus de 11 % du PIB. En 2010 déjà, la loi de finances, au demeurant non approuvée par le Parlement comme tous les budgets depuis 2006, allouait par loi-programme 1,2 milliard de dollars au secteur sur la période 2010-2013, à peine le quart des besoins de financement. La loi précisait que cette dotation « généreuse » était une allocation unique qui ne pouvait être soutenue dans les budgets futurs, d'autant plus que la situation financière critique d'EDL requiert un appui continu drainant les ressources budgétaires année après année.

(La suite dans notre prochaine édition)

* Conseiller économique de l'ancien Premier ministre Nagib Mikati

Est-il concevable, 25 ans après la fin de la guerre, ou 40 ans depuis son sinistre éclatement, que le citoyen libanais soit toujours privé de courant électrique en continu et à un coût abordable ? Imaginez la France de 1970 encore dans la pénombre du fait de la Deuxième Guerre, mondiale celle-là, pas seulement civile ! Non moins dramatique, l'état délétère du secteur de...

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