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Moyen Orient et Monde - Droits de l’homme

En Égypte, les humanitaires en danger

Soucieux d'éteindre tout esprit critique, le nouveau pouvoir surveille étroitement les ONG engagées dans la lutte pour la liberté d'expression, quitte à les réprimer.

Le 16 août dernier, les observateurs de Human Right Watch, venus présenter leur rapport sur les massacres de Raba’a et Nahda, se sont vu refuser l’entrée sur le territoire. Photo archives AFP

C'est une ambiance morose qui flotte dans les bureaux du Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), petite structure d'une trentaine de personnes située dans le quartier de Bab el-Ouk, à deux pas de la place Tahrir. « Tous les matins, quand on arrive dans nos bureaux, on se dit que des policiers armés nous attendent peut-être, qu'ils vont nous arrêter, confisquer nos équipements et retrouver les gens que l'on essaie de défendre (...). Tout peut nous arriver, et ça arrivera, on ne sait juste pas quand », affirme Mohamed Zaree, l'un des responsables de l'association.


Le CIHRS ne se fait pas d'illusions. Surveillé depuis des mois par les autorités, il ne passera pas au travers du filet serré que les autorités viennent de lancer sur la société égyptienne pour renforcer un peu plus encore le contrôle des ONG qui travaillent dans le pays. Le 18 juillet, dans une annonce publiée dans le journal progouvernemental al-Ahram, elles ont donné un délai de 45 jours à toutes les entités privées travaillant dans le domaine de l'humanitaire, de la justice, des droits de l'homme, de l'aide aux réfugiés, etc. pour s'enregistrer en tant qu'ONG.


Cette annonce s'inscrit dans le cadre des efforts visant à faire passer un nouvel amendement sur les associations, qui comprend de nombreuses restrictions. Il stipule notamment que seules les organisations enregistrées pourront désormais effectuer leur mission, que le ministère de la Solidarité sociale pourra annuler leurs décisions internes, interférer dans la composition de leurs conseils d'administration, suspendre leurs activités par décret administratif et contrôler leurs financements. Il prévoit également la création d'un « comité de coordination » possédant un droit de veto sur leurs activités et leurs finances.


« S'enregistrer, ça signifie faire une croix sur son indépendance. Mais toute ONG non enregistrée sera automatiquement dissoute », explique Mohammad Zaree avec un sourire désabusé. Cette disposition va « à l'encontre de l'article 75 de la Constitution sur la liberté des organisations non gouvernementales », précise-t-il, et constitue une violation des normes juridiques internationales que le pays s'était engagé à respecter.
Car en prévoyant un enregistrement de toutes les ONG avec ces critères drastiques, elle écarte de fait toutes celles qui refuseront de s'y conformer ou qui n'obtiendront pas les faveurs du régime. Nombre d'entre elles ont déjà fait des demandes d'enregistrement dans le passé et n'ont toujours pas obtenu de sésame pour travailler légalement. Contactées par L'Orient-Le Jour, nombreuses sont celles qui refusent d'ailleurs de s'exprimer. Trop peur de voir s'envoler leur dernière chance d'obtenir le sésame. « On est dans une situation difficile, on ne veut pas aggraver notre cas en réagissant dans la presse », ressassent-elles toutes, demandant qu'aucune mention de leurs activités permettant de les identifier ne soit mentionnée.


Seule la FIDH qui attend son accréditation depuis 2008 fait part de « sa vive inquiétude » et admet ne plus avoir grand espoir. « Nous n'avons pas de pression spécifique de la part des autorités, mais nous sommes empêchés de travailler », explique Marie Camberlin, responsable du bureau Moyen-Orient. Même le Hisham Moubarak Law Center, fondé en 1999 et faisant figure d'ancien dans la variété d'associations qui ont pullulé après 2011, est au bord de la fermeture. « Nous ne pouvons plus travailler correctement, à quoi bon continuer ? » explique Sabry Zaki, traducteur au sein de l'organisation.


Dans cette dynamique répressive, le pouvoir a verrouillé juridiquement tous les champs d'action disponibles. Le 16 août dernier, les observateurs de Human Right Watch, venus présenter leur rapport sur les massacres de Raba'a et Nahda, se sont même vu refuser l'entrée sur le territoire.

 

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