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Moyen Orient et Monde - Le billet

Au nom de l’islam ?

AFP PHOTO / DOMINIQUE FAGET

Lorsqu'ils assassinent des chiites, des infidèles, des militaires ou des Occidentaux, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils appellent les jeunes à commettre des attentats terroristes contre des États impies, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils mettent en place des règles strictes aux niveaux vestimentaire et alimentaire, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils font payer un impôt aux chrétiens ayant refusé de quitter les régions administrées ou de se convertir, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils inscrivent la chahada sur leur drapeau aussi noir que le fanion abbasside, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils se réapproprient les notions de califat, de jihad ou de kofor, ils le font au nom de l'islam. Même lorsqu'ils attribuent une épithète à un projet étatique, embryonnaire et fantasmé, ils le font au nom de l'islam.

 

(Lire aussi :"Pas en mon nom" : De Londres à Paris, des musulmans montent au créneau contre l'EI)


En adoptant cette démarche, les jihadistes de l'État islamique (EI) condamnent leurs détracteurs à se positionner sur un terrain purement théologique, à décortiquer un par un les versets du Coran pour démontrer que l'islam est infiniment plus riche et pacifique qu'ils ne le prétendent. Ils obligent les musulmans à se désolidariser d'une démarche qui est à mille lieues de leurs soucis quotidiens : le spectacle de ces centaines de personnes brandissant dans le monde la pancarte #notinmyname est humiliant. Pire, ils justifient l'utilisation d'un concept aussi ambigu que celui de musulmans modérés, qui laisse présupposer que l'islam, dans sa totalité et dans sa globalité, ne l'est pas. En présentant l'islam comme une image figée et monolithique, responsable de tous les maux ou de toutes les réussites des sociétés arabo-musulmanes, les jihadistes de l'EI comme une partie de leurs détracteurs emprisonnent le débat dans un enclos métaphysique et par conséquent sans réponse, qui leur permet de contourner la réalité des causes de l'expansion de ce type de mouvement. Car la question n'est pas celle de l'islam, mais de son utilisation à des fins idéologiques et politiques.


Ces jihadistes, comme d'autres groupes l'avaient fait avant eux, font une lecture totalitaire de cette religion. Ils l'instrumentalisent pour construire un récit intemporel et mythifié capable de justifier leur mainmise sur le pouvoir. Ils usent et abusent d'un discours polysémique, habilement diffusé sur Internet, faisant référence aux maux des sociétés modernes (nihilisme, indignation, humiliation), aux luttes politiques, retranscrites par eux en langage communautaire, qui animent le monde arabo-musulman, et enfin à un imaginaire collectif d'un islam fantasmé, idéalisé par les uns et diabolisé par les autres. Cette rhétorique ultraradicale, presque caricaturale et diffusée comme un programme politique, devrait logiquement condamner le mouvement à disparaître. D'autant plus qu'elle se développe au lendemain de l'échec cuisant du projet politique des Frères musulmans en Égypte. Mais à court terme, cette rhétorique pourra se nourrir des incohérences de la guerre qui lui est déclarée.

 

(Lire aussi : « Le fondamentalisme est la forme du religieux la mieux adaptée à la mondialisation »)


Pour les combattre efficacement, il apparaît nécessaire que les sociétés arabo-musulmanes se remettent en question. Qu'elles se demandent pourquoi une rhétorique aussi belliciste, ressuscitant les spectres de la fitna, peut trouver un écho, aussi faible soit-il encore, chez les populations actuelles? Qu'elles se demandent, en toute honnêteté, quel est le lien et où sont les frontières entre le salafisme politique établi comme doctrine d'État en Arabie saoudite et le salafisme jihadiste revendiqué par l'État islamique ?
Que ces sociétés se demandent enfin pourquoi une partie de ceux qui criaient hier : « Le peuple veut la chute du régime » gueulent aujourd'hui fièrement et rageusement : « Le peuple veut l'État islamique. »

 

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Lorsqu'ils assassinent des chiites, des infidèles, des militaires ou des Occidentaux, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils appellent les jeunes à commettre des attentats terroristes contre des États impies, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils mettent en place des règles strictes aux niveaux vestimentaire et alimentaire, ils le font au nom de l'islam. Lorsqu'ils font payer un impôt...

commentaires (1)

Ce qui est triste c'est que Daech applique exactement les préceptes de l'Islam comme il est et comme il est écrit. La question reste maintenant que ceux qui se veulent modérés acceptent de revoir leur copie et en changer certaines bêtises pour l'adapter a son temps et ne jamais revoir de telles horreurs. Il faut reformer, réécrire, et ré-expliquer l'Islam pour lui éviter la déconfiture vers laquelle il se dirige. Cela ne suffit pas de clamer que ces gens la ne les représentent pas, il leur faut agir la dessus!!!

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 46, le 08 octobre 2014

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Commentaires (1)

  • Ce qui est triste c'est que Daech applique exactement les préceptes de l'Islam comme il est et comme il est écrit. La question reste maintenant que ceux qui se veulent modérés acceptent de revoir leur copie et en changer certaines bêtises pour l'adapter a son temps et ne jamais revoir de telles horreurs. Il faut reformer, réécrire, et ré-expliquer l'Islam pour lui éviter la déconfiture vers laquelle il se dirige. Cela ne suffit pas de clamer que ces gens la ne les représentent pas, il leur faut agir la dessus!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 46, le 08 octobre 2014

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