En utilisant de manière spectaculaire la décapitation, l'État islamique cherche à terroriser la communauté internationale et la population sous sa botte, mais cette pratique provoque la répulsion chez les musulmans que l'EI prétend représenter.
Les militants de l'EI affirment être « les seuls vrais musulmans » et ont recours au meurtre et au chaos comme tactique psychologique pour terroriser les autres gens, assure Asma Afsaruddin, professeur au département d'études des religions de l'Université d'Indiana, aux États-Unis. Diffuser les vidéos mettant en scène le supplice de Steven Sotloff et celui de son collègue James Foley ont « un objectif très clair : l'intimidation », explique Rita Katz, directrice de Site, un groupe privé qui suit les mouvements extrémistes. La décapitation est devenue le mode opératoire de l'EI contre ses adversaires, qu'il s'agisse des soldats gouvernementaux irakiens ou syriens, ou des militants antirégime qui s'opposent à ses méthodes brutales. Et ce procédé s'est révélé efficace. La peur a jeté sur les routes en Irak comme en Syrie des centaines de milliers de personnes, et en Irak de nombreux soldats ont fui sans combattre.
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Le nouvel usage de la décapitation
L'usage par les jihadistes de la décapitation n'est pas nouveau : le premier Occidental à subir ce supplice fut Daniel Pearl au Pakistan en 2002. Il a été ensuite pratiqué par les groupes affiliés à el-Qaëda en Irak, qui fut le précurseur de l'EI sous la houlette d'Abou Moussab al-Zarqaoui. Avec sa mort lors d'un raid américain en 2006 et le rejet de cette organisation par les tribus sunnites, cette méthode avait décliné. Mais elle est revenue en force avec l'émergence de l'EI et la création d'un « califat » à cheval sur la Syrie et l'Irak. Pour la directrice de Site, les vidéos ont un but publicitaire afin de « recruter une petite minorité de musulmans radicalisés impressionnés par cette violence. Elle l'interprétera comme une sorte de victoire ».
Mais chez une très large majorité des 1,1 milliard de sunnites musulmans, les méthodes brutales de l'EI suscitent répulsion et colère. « Les actes et les pratiques de l'EI sont totalement étrangers au message de la foi musulmane », assure cheikh Khaldoun Araymit, secrétaire général du Conseil suprême de la loi islamique au Liban. « L'islam c'est la compassion et l'amour et la communication avec l'autre. Les actes haineux commis par l'EI non seulement contredisent l'islam mais l'offensent », a-t-il déclaré à l'AFP.
Sur les réseaux sociaux
De nombreux musulmans expriment des sentiments similaires sur la Toile, dénonçant sur Facebook et Twitter chaque méfait commis par l'EI, qu'il s'agisse de la crucifixion de Syriens ou la vente à des jihadistes de femmes yazidies kidnappées en Irak. Les dignitaires religieux musulmans affirment qu'il n'y a pas de crime pour lequel la religion prescrit la décapitation, mais cette pratique fut répandue par les musulmans et non-musulmans durant les guerres à l'époque de Mohammad et après. « La décapitation fut souvent utilisée comme sentence de mort dans les affaires criminelles dans l'histoire islamique », souligne Haidar Ala Hamoudi, un expert de la loi musulmane et professeur de droit à l'université de Pittsburgh. « Son usage était répandu, car elle était considérée comme moins douloureuse que les autres formes d'exécution », a-t-il expliqué. Ce type de supplice demeure en Arabie saoudite, provoquant les critiques des associations de défense des droits de l'homme. Al-Azhar, la plus haute autorité religieuse sunnite, a également rejeté l'EI et ses pratiques. « Ces actions criminelles n'ont rien à voir avec l'islam. Elles n'ont aucun fondement dans la loi islamique. Ces gens ne représentent pas l'islam », a affirmé à l'AFP cheikh Abbas Shoman.
Sur le Net et à la télévision, des musulmans usent de la satire pour se moquer de l'EI, sous la forme de caricatures, chansons ou sketches. Le groupe libanais « Le grand défunt » a ainsi collectionné 40 000 vues sur YouTube avec sa dernière chanson, qui raille l'EI. « En vue de réduire les embouteillages, faites-vous sauter au nom de Dieu », chante le groupe, suscitant des rires dans le public.
Enfin, la communauté musulmane de France, la plus importante d'Europe avec 3,5 à 5 millions de membres, a condamné hier les « terroristes » responsables de la décapitation de Steven Sotloff. « Les musulmans de France condamnent sans réserve de tels actes barbares qui suscitent l'horreur et la stupéfaction, et demandent que les nations s'unissent pour éradiquer ces exactions mortifères qui dénaturent gravement la religion musulmane », a réagi Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, dans un communiqué.
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15 h 47, le 04 septembre 2014