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À La Une - Irak

Le prix Anna Politkovskaïa à Vian Dakhil, icône des Yazidis

Les images montrant début août la députée irakienne implorer le monde de venir en aide à sa communauté, prise au piège de l'EI, ont été vues des milliers de fois.

La députée yazidie, Vian Dakhil, a reçu, lundi 6 octobre 2014, le prix Anna Politkovskaïa qui récompense les femmes défendant les droits des victimes dans les zones de conflit. AFP/Mohammed Sawaf

Rendue célèbre par sa dénonciation en larmes du "massacre" des Yazidis par les jihadistes du groupe État islamique (EI) en Irak, la députée irakienne Vian Dakhil a jeté toutes ses forces pour défendre sa communauté, un combat salué lundi par le prix Anna Politkovskaïa.

"RAW in WAR honore le courage de Vian Dakhil, membre yazidie du Parlement irakien, pour son expression courageuse et son combat inlassable destinés à protéger le peuple yazidi contre la terreur de l'État islamique", a indiqué l'organisation dans un communiqué après avoir décerné le prix à la députée.

Mi-septembre, dans sa maison d'un quartier chic d'Erbil, Mme Dakhil n'avait pas encore remporté ce prix récompensant les femmes défendant les droits des victimes dans les zones de conflit. Mais déjà, dès son entrée dans la pièce, d'un pas frêle appuyé sur deux béquilles, émanait d'elle l'assurance conférée par son statut d'icône des Yazidis, une minorité d'Irak prise pour cible par les jihadistes.

En quelques heures, début août, cette femme élégante était devenue le visage et la voix de sa communauté. Les images la montrant, en larmes, implorer le monde de venir en aide aux Yazidis pris au piège de l'EI sur les monts Sinjar ont été vues des milliers de fois.

 

 

 


Au rez-de-chaussée de sa maison dans la capitale du Kurdistan irakien, où elle vit avec une partie de sa famille, Vian Dakhil peste doucement contre ses jambes abimées dans l'accident d'un hélicoptère transportant des réfugiés, qui l'empêchent de faire tout ce qu'elle souhaiterait.
Car sa nouvelle notoriété la "pousse à travailler encore plus pour les Yazidis", martèle cette députée de 41 ans, dont plus de cinq passés en politique. "Cette célébrité n'est pas le résultat de quelque chose de bien, elle vient de la misère dans laquelle nous sommes plongés", précise-t-elle.

 

(Lire aussi : "Si Aïn el-Arab tombe, il y aura des attentats-suicide partout")

 

Le sort des Yazidis a basculé le 2 août, lorsque l'EI s'est emparé de leur fief de Sinjar dans le cadre de leur offensive lancée début juin. En quelques heures, des milliers d'entre eux fuient à travers les montagnes arides pour trouver refuge au Kurdistan irakien. D'autres, des centaines, peut-être des milliers, meurent lors de l'assaut ou quelques jours plus tard dans les montagnes, de faim, de soif ou de fatigue.

 

5 000 Yazidis enlevés
L'EI y a enlevé "5 000 filles, femmes et enfants", affirme Mme Dakhil, qui a fait de leur libération sa principale revendication. "Quand on m'invite sur des plateaux de télévision ou des réunions, avant de m'asseoir, je commence par demander (leur) libération", ajoute la députée. Ces filles, ces femmes, "ne sont pas loin (..) il y a eu récemment un mariage collectif organisé dans un village de Sinjar" tenu par l'EI, affirme Vian Dakhil, dont le visage se ferme à l'évocation de leur sort.

Elle espère que la coalition internationale mobilisée par les États-Unis pour frapper les positions de l'EI y contribuera.

 

(Lire aussi : "Ici, on est tellement désespérés qu'on ne peut même plus manger")

 

La députée se bat aussi pour que l'avenir à long terme des Yazidis soit assuré, notamment en bénéficiant d'un "territoire protégé" par la communauté internationale. A court terme, elle réclame que les frontières du Kurdistan, de plus en plus dures à franchir pour les Irakiens, soient davantage ouvertes.

Mais sa capacité à défendre les autres minorités irakiennes laisse dubitatif Ali al-Bayati, fondateur d'une association de défense de la communauté turcomane. Mme Dakhil "est très active, mais le problème est qu'elle est très proche du Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani, et elle ne représentera que les Yazidis. On ne peut pas attendre qu'elle représente les autres minorités", selon lui. Vian Dakhil apporte à son combat tout ce que des années en politique et des semaines d'interviews lui ont appris: un sens affuté de la formule et des nerfs solides.

Elle le vit aussi au quotidien dans la vie privée puisque cette célibataire accueille chez elle une partie de ses neveux et nièces, réfugiés de Sinjar. Les séquelles de son accident ne l'ont pas empêchée de partir en tournée en Europe en septembre, où elle a rencontré des responsables belges et participé à la conférence "Peace is the future" à Anvers.

Interrogée sur son statut d'icône, sur les remerciements qui pleuvent de la part de sa communauté, son débit se fait plus calme, la voix plus douce. "C'est moi qui suis reconnaissante envers ces Yazidis (...) Je suis l'intermédiaire pour montrer leur misère".

 

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