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Liban - Convivialité

Reconstruire Ensemble : les modérés dans le monde auraient-ils trouvé un porte-parole au Liban ?

En organisant un périple d'une dizaine de jours en terre libanaise, l'association Reconstruire Ensemble, créée en 2011, a choisi de faire rimer patrimoine oriental et fraternité interculturelle.

Le port de Saïda, une étape du périple.

Le soleil décline et des cloches retentissent : on est au couvent Saint-Sauveur, qui s'élève tout en haut d'une colline, dans la région du Chouf. Pour y parvenir, il faut traverser des villages où mosquées et églises cohabitent. Dans un brouhaha, une cinquantaine de personnes attendent l'arrivée de l'ancien député Samir Frangié, qui doit participer à l'une des tables rondes organisées par l'association. Suisses, Français, Libanais, Irakiens, Jordaniens, Syriens, Algériens, de vingt à quatre-vingt-dix ans : l'heure est à la mixité.
Dès l'arrivée de l'auteur de Voyage au bout de la violence, s'amorce un débat animé tantôt en français, tantôt en arabe. La discussion porte sur le « schisme imaginaire » qui divise les peuples, et cherche à comprendre pourquoi les religions se déchirent. Lorsqu'un ancien membre du Front national de résistance prend la parole et déclare que le seul ennemi du Liban est Israël, un murmure de désapprobation se propage. Frangié rétorque que l'unique adversaire qui soit est l'extrémisme, auquel il est nécessaire d'opposer une « union des modérés », qui dépasse de loin les clivages religieux, ethniques et culturels.
Le ton est donné : les valeurs promues par Reconstruire Ensemble sont universelles. Dans le cadre des violences sanguinaires récemment perpétrées par Daech (État islamique) au nom d'une idéologie identitaire moyenâgeuse, la promotion du vivre-ensemble auprès des Libanais comme des non-Libanais n'attend pas. « Pourtant, les pacifistes, quoique nombreux, ne parviennent pas à se faire entendre ! » clame-t-on dans l'assistance. Charlotte Farhat, secrétaire générale de l'association, a une réponse toute trouvée : « Le chemin sera long, mais praticable : derrière l'agitation factice des extrêmes, se trouvent des hommes capables de partage et de tolérance. »
Joignant l'acte à la parole, l'assistance, principalement composée d'étrangers, reprend la route en direction de Wadi el-Taym, au sud-est du pays, pour se rendre à l'église grecque-orthodoxe de Mar Gérios (Saint-Georges). Des représentants de toutes les confessions religieuses, druzes compris, ont fait le chemin pour accueillir les pèlerins comme il se doit dans cette région montagneuse. « Les druzes et les maronites ont eu des accrochages, mais ils ont fondé ensemble ce Liban d'aujourd'hui. Wadi el-Taym est un modèle en ce sens que toutes les communautés partagent ici les mêmes joies et les mêmes deuils », souligne le père Maroun Atallah, qui a fondé de Reconstruire Ensemble en 2011. Celui qui avoue avec humour avoir « bien plus que soixante ans » est persuadé que l'apprentissage de la convivialité est la seule voie possible, « de même que l'on apprend aux gens à être des stars au sein de "Star Academy" à la télévision, la citoyenneté, le service, la responsabilité, l'ouverture sont autant de qualités de cœur qui peuvent s'apprendre en partageant un repas, une promenade ou une prière avec autrui. »

Culture, langue et complicité particulière
Au loin, on aperçoit la Syrie et la Palestine. Quelques frissons parcourent l'assistance européenne, peu rassurée à l'idée de se trouver si proches de conflits qui jusqu'alors n'existaient pour elle qu'à travers les médias. Pourtant, le seul risque encouru ici est celui de ne pas parvenir à finir son assiette, la générosité des hôtes n'ayant d'égale que la qualité des mets proposés. Au cours d'un repas, un pèlerin se plaint du temps passé à table au détriment de son sommeil. Souriant, le père Hani Tok, qui participe à l'organisation du périple, se réfère à un voyage en Suisse effectué quelques mois plus tôt : « Lorsque nous sommes venus en Europe, nous nous sommes adaptés à votre culture, je vous encourage à faire de même avec la nôtre. »
Car il s'agit bien d'une culture, d'une langue et d'une complicité particulières qui frappent les pèlerins, alors que s'enchaînent visites de sites historiques, débats, rencontres et randonnées dans tout le pays. À travers leurs yeux, ce patrimoine oriental fédérateur met en lumière toute l'absurdité des divergences, religieuses ou non, dont souffre le Moyen-Orient. Marie Arbache, qui a pris part au voyage, témoigne : « Syrienne, je crois que mon pays doit s'inspirer du dialogue interreligieux libanais, même s'il lui faudra créer son propre modèle. »
Alors que ce groupe de voyageurs peu commun reprend la route en direction de la vallée de Qadischa, Elisa Bureau, une participante française expatriée au Liban, déplore le manque de temps. « J'aurais voulu demeurer quelque temps auprès des communautés chiite ou druze. En dix jours, on s'éloigne à peine du tourisme classique, il y a comme un goût de trop peu. » De toute évidence, l'accueil réservé aux pèlerins, invités jusque dans les maisons des habitants du pays, les a touchés au cœur. Sans doute faudra-t-il plus d'un périple du genre pour que les modérés du monde entier trouvent un moyen efficace de faire entendre leur voix pacifique, mais Rome, dit-on, ne s'est pas faite en un jour.

Le soleil décline et des cloches retentissent : on est au couvent Saint-Sauveur, qui s'élève tout en haut d'une colline, dans la région du Chouf. Pour y parvenir, il faut traverser des villages où mosquées et églises cohabitent. Dans un brouhaha, une cinquantaine de personnes attendent l'arrivée de l'ancien député Samir Frangié, qui doit participer à l'une des tables rondes...

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