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Moyen Orient et Monde - Analyse

En Syrie aujourd’hui, comme au Liban hier, la guerre des autres...

Que reste-t-il de l'opposition syrienne diminuée par ses incohérences internes, bombardée par le régime et découpée par l'État islamique ?

Fuyant face à la percée des jihadistes de l’EI dans le nord de la Syrie, 5 000 Kurdes syriens se sont réfugiés en Turquie qui, après avoir refusé de les laisser passer, s’est finalement résolue à ouvrir ses portes. Ilyas Akengin / AFP

« Aujourd'hui, nous faisons face à un complot contre notre pays. Un acte criminel a été commis non pas par un individu, que l'on aurait pu pardonner, mais par une organisation politique appelée Frères musulmans. » Ces mots n'ont pas été prononcés par Bachar el-Assad, du moins pas exactement dans les mêmes termes, mais par son père, Hafez, le 30 juin 1979.


La similitude entre les deux discours est pourtant frappante, voire effrayante. 35 ans plus tard, la méthode reste la même. L'adversaire politique est disqualifié dans l'inconscient populaire : le complot est présenté comme une menace pour l'unité du pays et l'islamisme comme un danger pour la laïcité du régime. La technique est perverse, mais efficace. Elle fait douter au sein des minorités autant que certains observateurs étrangers. Pire encore, elle permet de transformer une rébellion contre un régime hyperoppressif, justifiée par des revendications politico-économiques, en une véritable guerre civile, où les appartenances communautaires sont instrumentalisées et exacerbées.

 

(Repère : Qui se bat en Syrie et en Irak ?)


La similitude entre les deux présidents syriens ne s'arrête pas à une simple question de rhétorique. En 1982, Assad père ordonne le bombardement aérien de Hama, provoquant la mort d'au moins 10 000 personnes. En 2011, 2012, 2013 et 2014, l'aviation du régime largue des barils d'explosifs sur les populations habitants les quartiers rebelles – sans parler, naturellement, des armes chimiques. Bilan jusqu'à aujourd'hui : 200 000 morts. Le régime doit survivre à n'importe quel prix : ce slogan est inscrit dans l'ADN du baassisme assadien. La similitude a toutefois des limites. Elle ne suffit pas à expliquer la spécificité de cette guerre. Elle ne suffit pas à expliquer comment et pourquoi la Syrie est devenue une véritable ligne de démarcation tant aux niveaux des appartenances communautaires régionales qu'à celui des stratégies des puissances internationales. Elle ne suffit pas à expliquer pourquoi des Iraniens, des Libanais, des Irakiens, des Saoudiens, des Européens combattent actuellement en Syrie. Cette guerre symbolise la rupture entre sunnites et chiites, entre Occidentaux et Russes, entre interventionnistes et non-interventionnistes. Quant à son destin, il n'appartient plus exclusivement aux Syriens. Car à la guerre civile, alimentée par la barbarie de l'État, s'est superposée une guerre des autres, pour reprendre l'expression de Ghassan Tuéni à propos de la guerre civile libanaise, entre 1975 et 1990. Une guerre pour les autres, où chacun des acteurs intervient en fonction de ses intérêts.

 

(Repère : Coalition internationale contre l'EI : Qui va faire quoi?)


La Turquie a vu là une occasion de redevenir la puissance dominante dans la région, et de remplacer Assad par un régime de tendance frériste, semblable à l'AKP. Le régime d'Erdogan a accueilli le siège de l'opposition syrienne, a apporté son soutien aux combattants sur le terrain et a laissé des milliers de jihadistes traverser sa frontière pour rejoindre la Syrie voisine. Le Qatar a adopté sensiblement la même politique, si ce n'est que son soutien financier et militaire à une partie de l'opposition (tendances frères musulmans) est apparu plus conséquent et plus ouvertement affiché. Quant à l'Arabie saoudite, animée par sa rivalité avec le Qatar, sa peur des Ikhwane et surtout sa haine de l'Iran, et aucunement par des élans démocratiques, elle a financé des groupes rebelles (tendance salafiste mais n'appartenant pas à el-Qaëda) en espérant ainsi briser l'axe chiite et lui substituer, ce qu'elle n'a pas réussi à faire en Irak, un régime sunnite allié.
Ces stratégies ambivalentes et concurrentes, loin d'aider l'opposition, l'ont utilisée comme un instrument au service de leurs propres intérêts. Leurs auteurs ont fait le lit de sa radicalisation en dénaturant sa cause. Aveuglés par leur détermination à voir le régime tomber, ils l'ont en fait renforcé en lui permettant de justifier sa politique de terreur face au risque de chaos.

 

(Lire aussi : Washington va aider des rebelles syriens affaiblis)


Admettre que ces États, au même titre que l'Iran et la Russie, aient une part de responsabilité dans la tournure dramatique des événements ne signifie aucunement qu'il faille dédouaner la responsabilité primaire et majoritaire du régime Assad. Cela permet seulement de mesurer la complexité de la situation actuelle et le flou entourant la dénomination de certains termes, quotidiennement utilisés, comme celui d'opposition modérée. Que signifie-t-il aujourd'hui alors que le Congrès américain vient de lui approuver une aide conséquente ? Que reste-t-il de cette opposition diminuée par ses incohérences internes, bombardée par le régime et fusillée, ou découpée, par l'État islamique ? Les experts estiment qu'elles représentent actuellement 15 % de l'ensemble des combattants en Syrie. Un chiffre d'autant plus dérisoire que cette opposition n'est pas clairement identifiable sur le terrain. Elle semble divisée entre des partisans d'un régime démocratique et laïc et des partisans des Frères musulmans. La réalité syrienne est devenue un malaise pour beaucoup d'États. Elle les met face à leurs ambiguïtés et leurs incohérences. Peut-on soutenir un islamisme pour en combattre un autre ?


Voilà la dernière ligne de démarcation que soulève cette guerre. Elle divise la perception des mouvements islamistes en deux blocs. Le premier, radical et de plus en plus populaire, considère que tous les groupes islamistes sont essentiellement dangereux et qu'il est nécessaire de tous les combattre de la même façon. Pour ce bloc, représenté notamment par Israël, l'Arabie saoudite, et la Russie, le Hamas, les Frères musulmans, al-Nosra ou l'État islamique sont jumeaux ou cousins. Le second, plus nuancé mais aussi plus incohérent, différencie clairement l'islamisme politique et l'islamisme jihadiste.
À la lecture du printemps arabe, du conflit israélo-palestinien, des crises syriennes et irakiennes, de l'évolution des situations en Libye en Égypte et au Yémen, sur ce débat, qui n'a rien d'épistémologique, semble reposer en partie l'avenir proche du monde arabe.

 

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« Aujourd'hui, nous faisons face à un complot contre notre pays. Un acte criminel a été commis non pas par un individu, que l'on aurait pu pardonner, mais par une organisation politique appelée Frères musulmans. » Ces mots n'ont pas été prononcés par Bachar el-Assad, du moins pas exactement dans les mêmes termes, mais par son père, Hafez, le 30 juin 1979.
La similitude entre les...

commentaires (4)

QUE CE SOIT ICI OU LÀ... POINT DE GUERRES DES AUTRES... GUERRES AVANT TOUT DE L'ABRUTISSEMENT INNÉ ET D'ICI ET DE LÀ... MAGISTRALEMENT EXPLOITÉ PAR LES AUTRES... OU : ON SE CRÈVE LES YEUX PAR SES PROPRES DOIGTS POUR LE VOULOIR ET OU LE PLAISIR DES AUTRES !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 54, le 20 septembre 2014

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Commentaires (4)

  • QUE CE SOIT ICI OU LÀ... POINT DE GUERRES DES AUTRES... GUERRES AVANT TOUT DE L'ABRUTISSEMENT INNÉ ET D'ICI ET DE LÀ... MAGISTRALEMENT EXPLOITÉ PAR LES AUTRES... OU : ON SE CRÈVE LES YEUX PAR SES PROPRES DOIGTS POUR LE VOULOIR ET OU LE PLAISIR DES AUTRES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 54, le 20 septembre 2014

  • Le modèle "la guerre des autres" de Ghassam Tueni n'est plus pertinent il faut admettre aujourd'hui "un double ennemi" en l'occurrence le Régime syrien et l'EI.

    Beauchard Jacques

    12 h 15, le 20 septembre 2014

  • En lisant cet article on comprend mieux la difficulte que les us/sio/binsaouds auront a ressussiter ce grand corps malade , et on comprend mieux que malgre son etat moribond , il peut encore servir a ces predateurs de sponsors , qui se cachent derriere le fait qu'ils sont responsables de la naissance de ces 2 monstres que sont Israel et daech ...

    FRIK-A-FRAK

    11 h 14, le 20 septembre 2014

  • La formation et l'équipement des rebelles syriens « modérés » pour lutter contre Daesh (EI) prendront "des mois", a averti vendredi la Maison Blanche au lendemain du feu vert du Congrès. "Nous allons agir aussi rapidement que possible en partenariat avec les pays qui accueilleront les centres d'entraînement", en allusion notamment à la binsaoudie, a déclaré Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama."C'est un processus qui prendra des mois. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain", a-t-elle poursuivi au cours d'un point de presse, soulignant qu'il fallait d'abord construire ces centres. "C'est un programme de formation sérieux et nous voulons êtres certains de pouvoir faire les vérifications nécessaires concernant les gens que nous entraînerons et que nous équiperons", a-t-elle encore dit. "Ce n'est pas une opération dont il faut attendre qu'elle porte des fruits immédiatement", a-t-elle insisté, soulignant qu'elle ne pouvait donner de calendrier précis.Le plan adopté jeudi soir par le Congrès américain prévoit l'équipement et l'entraînement de rebelles syriens, destinés à conduire l'offensive terrestre contre Daesh en Syrie. Le pire quand on dit des conneries , c'est quand on les repete .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 59, le 20 septembre 2014

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