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Le mal-être de la jeunesse libanaise : une émancipation manquée

« Une enfance sans rêve, une adolescence sans volonté d’être, un adulte sans combat »

Roula Talhouk, professeure-chercheuse à l’Université Saint-Joseph, recentre le combat des jeunes sur « la décision d’être heureux ». Photo Facebook

Que les jeunes associent l'émancipation aux sorties nocturnes est une erreur, souligne Roula Talhouk, professeure-chercheuse en anthropologie à l'Université Saint-Joseph. « Avant de sortir pour s'émanciper, il faut d'abord rentrer en soi », souligne-t-elle. C'est cette introspection, liée à une perception du bonheur « comme décision, et non comme état instantané », qui fait défaut chez les jeunes Libanais. Un autre réflexe qui entrave leur émancipation est, selon elle, celui de « vouloir toujours recevoir, sans jamais donner ». Cet humanisme défaillant, qui entrave d'abord l'accomplissement de l'individu, est terni par « l'absence, chez les préadolescents, de toute aptitude au rêve ». « Les enfants ne rêvent plus à ce qu'ils souhaitent devenir », affirme-t-elle, sur base d'observations en milieu scolaire. En fait, l'enfance a perdu son aptitude au rêve depuis « que les parents ont délaissé le jeu avec leurs fils et tous ses volets d'apprentissage, de raisonnement, d'interaction ». Plus tard, l'enfant deviendra un adolescent « révolté qui cherche à avoir, non à être ». Ceci expliquerait la violence gratuite d'adolescents désœuvrés (voir par ailleurs).


Roula Talhouk estime ainsi que le mode de vie qu'offre le Liban se prête à l'épanouissement de l'individu si toutefois il s'y décide. Autrement dit, c'est moins la situation socio-économique qui est suffocante que « l'absence de but ». En politique, cela se traduit par « la médiocrité de l'approche et la peur exacerbée » se dégageant des propos des jeunes (voir par ailleurs). Il faut savoir en effet que le Liban, pris d'un point de vue anthropologique, « n'est pas passé de la tribu à l'État, d'où l'absence de réflexe de planifier à l'échelle collective et à l'échelle individuelle ». Le système féodal a compensé tout « besoin d'un État ». Il a surtout neutralisé « le combat ».

 

Du combat social
Mais il existe une autre forme de combat, le combat « social » pour une émancipation des mœurs. Or, cet espace est caractérisé par « la dualité des vies menées par une même personne », trahissant un tiraillement entre le conservatisme hérité et la volonté de s'en libérer. Rejetant le terme d' « hypocrisie » que l'on a tendance à apposer à cette double vie, Roula Talhouk revient sur « la société patriarcale, dont l'homme est – paradoxalement – la première victime ». C'est en effet « par peur de la femme, plus forte, que l'homme tend à limiter sa liberté ». Si, dans le processus d'émancipation, la femme tombe sous le coup de « la culpabilité », l'homme, lui, est victime d'une « peur » qu'il tente de masquer en multipliant les partenaires ou les exploits.


« La société est par définition contraignante puisqu'elle ne peut changer instantanément. Elle est un entassement d'expériences dont l'ensemble doit rester cohérent. Ainsi, certaines expériences extrêmes n'ont pas de place sur l'équation de malléabilité. L'individu est en face de cette société. »
Sur la base de ce schéma, l'émancipation devient non pas un éloignement de la société, mais une manière « d'intégrer l'équilibre » exigé à la fois pour sa cohésion et celle de l'individu qui s'y trouve inévitablement confronté.

Que les jeunes associent l'émancipation aux sorties nocturnes est une erreur, souligne Roula Talhouk, professeure-chercheuse en anthropologie à l'Université Saint-Joseph. « Avant de sortir pour s'émanciper, il faut d'abord rentrer en soi », souligne-t-elle. C'est cette introspection, liée à une perception du bonheur « comme décision, et non comme état instantané », qui fait...

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