Après deux heures passées dans l'eau jusqu'à la taille, Samir al-Hissi considère le résultat désolant de sa pêche. Mais cette médiocre capture n'est pas le seul tribut payé à la guerre par les pêcheurs de Gaza.
Une fois revenu sur le sable, il relève son tee-shirt et découvre son torse couvert de marbrures rouge brun, résultat des heures passées dans des flots maculés et malodorants. Depuis que les Israéliens ont bombardé l'unique centrale électrique de la bande de Gaza, les eaux usées des égouts se déversent directement dans la Méditerranée sans être traitées. « Les eaux usées répandues dans la mer ont un impact sur les gens et sur les poissons qu'ils mangent », explique à l'AFP ce quinquagénaire efflanqué, assis à l'ombre d'un parasol. L'eau des égouts véhicule les maladies et fait fuir les poissons, poursuit Samir, en désignant un panier dans lequel se débattent 14 poissons maigrelets. Avant le début de la guerre le 8 juillet, il parcourait avec son bateau les trois miles nautiques auxquels il avait accès, conformément aux restrictions israéliennes imposées à l'enclave côtière sous blocus depuis 2006.
« Les poissons font comme les hommes »
Aujourd'hui, sa journée de travail se résume à deux heures passées à patauger pour tenter d'attraper dans son modeste filet de quoi nourrir sa famille. Les prises sont de plus en plus minces, témoigne-t-il, parce que les poissons vont chercher le large. « Quand leur environnement devient dangereux, les poissons font comme les hommes, ils s'enfuient. » Les enfants, eux, sont moins prudents. Certains d'entre eux sont tombés malades après un bain de mer, ajoute-t-il. Avant même la guerre, les Nations unies avaient mis en garde contre le danger. Environ « 90 000 mètres cubes d'eau non traitée ou partiellement traitée (étaient) lâchés chaque jour » dans la Méditerranée en 2012, disait l'Onu, « causant pollution, risques de santé publique et problèmes pour l'industrie de la pêche ». Le dirigeant du syndicat des pêcheurs convient que la préoccupation s'est aggravée depuis que les usines de traitement ont cessé de fonctionner. « Bien sûr que le problème de la pollution maritime est plus grave qu'avant la guerre, nous le savons », raconte Nizar Ayish, « l'eau n'est plus traitée à cause de la guerre ».
« Presque tout est pollué »
De plus, son syndicat, qui compte 4 000 adhérents selon lui, ne peut même pas procéder à une évaluation précise des dégâts. Trop dangereux, dit-il. Quatre enfants sont morts sur la plage le 16 juillet quand les forces israéliennes ont bombardé le secteur, rappelle-t-il. Bahaa al-Agha, un responsable de l'autorité environnementale de Gaza, abonde : il n'a pas réussi à envoyer ses inspecteurs sur le terrain.
Monzer Shoblak, un officiel du service local des eaux, explique que le volume des eaux rejetées est resté le même qu'avant la guerre, soit environ 25 000 mètres cubes, sauf qu'aujourd'hui, « ce n'est plus que de l'eau sale ». Au bord de la Méditerranée, Yasir al-Sultan ne s'aventure qu'à 200 mètres du rivage à bord de sa petite embarcation en ramant avec les mains avant de lancer ses filets.
Voilà 30 ans qu'il est pêcheur. Lui aussi est confronté à la diminution de sa pêche, à cause de la pollution et des détritus flottant dans l'eau, dit-il.
« Presque tout l'environnement est pollué ici, c'est sale, raconte-t-il, si nous pêchons ici, c'est parce que c'est un peu plus loin des tuyaux » d'évacuation. Il pointe le doigt au loin vers le port, là où les frappes israéliennes ont noirci les cabanes dans lesquelles les pêcheurs stockaient leurs filets. « Le port était censé attirer les touristes. Mais avec les égouts, personne ne vient, ça sent trop mauvais. »
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09 h 24, le 12 août 2014