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Santé publique : une chercheuse de l’USJ sonne l’alarme

L'impact réel à court terme de la pollution atmosphérique sur la santé à Beyrouth est le sujet pionnier de thèse de doctorat en épidémiologie de Myriam Mrad Nakhlé.

Myriam Mrad Nakhlé lors de la soutenance de sa thèse en épidémiologie à la faculté des sciences de l’USJ le 22 janvier dernier.

« La pollution atmosphérique au Liban – en constante augmentation – dépasse les seuils admis par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et les législations de réglementation sont presque absentes », affirme Myriam Mrad Nakhlé qui a complété, en 2008, un master en environnement à l'Université Claude Bernard. Et d'ajouter : « Face à cette anarchie, je me suis interrogé sur les effets de cette pollution sur la santé publique. » La jeune femme décide alors d'étudier l'impact à court terme de la pollution atmosphérique sur la santé dans la capitale libanaise. Elle propose son projet de recherche à l'USJ comme sujet de thèse de doctorat en épidémiologie.
La recherche, lancée en 2012, est financée par le conseil de recherche de l'USJ, le programme Cedre et l'association arcenciel, et encadrée par un physicien, un chimiste et deux épidémiologistes dont l'une de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de l'Université Pierre et Marie Curie (Paris VI, Sorbonne) où les résultats sont validés.
Myriam achève son travail de recherche et soutient sa thèse en janvier 2014.

Des résultats alarmants
« Cette étude épidémiologique est une première puisqu'elle analyse des données locales au lieu de faire une simulation en transférant des données internationales au contexte libanais », assure la docteure en épidémiologie et santé publique. La recherche a pris en considération deux indicateurs : le nombre quotidien d'admissions aux urgences dans sept hôpitaux pour des symptômes respiratoires, circulatoires, cardio-vasculaires et cutanés, ainsi que les taux du dioxyde d'azote NO<sub>2</sub> et des particules PM10 et PM 2.5 émis par le réseau de surveillance de la qualité de l'air à Beyrouth mis en œuvre par l'USJ depuis 2004, et ce pour une période de dix-huit mois. L'enseignante à l'USJ explique : « Après la collecte et l'informatisation des données, le traitement analytique est réalisé en ayant recours à un protocole statistique établi pour cette étude. Ce protocole prend en considération des cofacteurs et des données du contexte environnemental, politique, sanitaire et économique libanais pour s'assurer que la relation impact de la pollution/santé n'est pas biaisée. »
Les résultats de l'étude sont alarmants. En 2012, les particules PM10 ont dépassé les valeurs limites préconisées par l'OMS de 151 % d'un point de vue moyenne annuelle et de 133 fois d'un point de vue journalier, sachant que, selon l'OMS, la valeur limite de dépassement est fixée à trois fois par an. Alors que, pour les PM2.5, les dépassements sont respectivement de 200 % et 129 fois.
Les sources principales de cette pollution sont les voitures, les constructions anarchiques et les tempêtes de sable. Les zones les plus polluées sont Achrafieh et Hamra, et les moins polluées sont les régions situées loin des autoroutes. Quant à l'indicateur santé, une simulation du risque attribuable a montré qu'au cours de cette année, parmi 100 patients de moins de 16 ans admis aux urgences pour des symptômes cutanés, 40 sont victimes de cette pollution. « L'analyse de régression appliquée aux indicateurs de pollution, de santé et autres facteurs de confusion nous a permis de montrer, chez les adultes, une association significative entre les admissions aux urgences pour causes respiratoires et l'augmentation des concentrations de PM de 10 µg/m3 dans un délai de six à sept jours », précise Myriam avant de poursuivre : « Une autre relation positive est établie entre l'élévation des taux des PM et les admissions aux urgences pour des maladies cutanées dans un délai de 3 jours. Quant aux enfants et aux personnes âgées, une relation significative a été établie entre leurs admissions aux urgences pour causes respiratoires et l'augmentation des moyennes journalières de particules au jour même. »

Donner la preuve aux décideurs
L'intérêt de cette étude réside dans l'utilisation de ses résultats dans des campagnes de sensibilisation. La jeune responsable de qualité et franchise chez arcenciel a des idées sur la question. « Cela peut prendre place, par exemple, à travers un réseau de pharmaciens sentinelles, suggère-t-elle. S'il y a un pic de pollution, ils conseilleront aux personnes à risque de ne pas sortir. »
Les résultats de la recherche – qui ont souligné la nécessité de mener des études supplémentaires – « serviront par exemple à l'établissement d'un système de surveillance dans les écoles pour suivre l'impact de la pollution sur les enfants ainsi qu'à étudier le coût de l'impact sanitaire de la pollution, etc. », indique le Dr Nakhlé.
Comment réduire les pics de pollution ? : « Il faudra, répond-elle, travailler sur les seuils limites d'émissions en visant surtout le transport en commun : opter pour le covoiturage par exemple et établir un bon service de transport public. »
Bien que l'État ait soutenu cette étude, son rôle reste insuffisant selon la chercheuse. « Le plan de réduction de la pollution reste absent », s'exclame-t-elle, avant de poursuivre : « Le gouvernement devrait prendre en considération mon étude pour préciser les valeurs limites de polluants dans les législations qu'il prépare. »
Les projets futurs de la chercheuse ? Outre l'enseignement, Myriam ambitionne de poursuivre ses recherches en matière d'épidémiologie et de santé environnementale. Elle remercie ses encadrants, sa famille et surtout son mari : « Étant mariée, travailler dans une ONG, enseigner et mener un travail de recherche n'étaient pas toujours faciles. Je rends hommage à mon mari qui m'a encouragée dans ce parcours et s'est engagé avec moi pour achever mon projet. »
Sa recette pour la réussite : « Être persévérant, prendre des initiatives, assumer le travail avec confiance et surtout ne pas prêter l'oreille aux personnes négatives. »

Arzé NAKHLÉ

« La pollution atmosphérique au Liban – en constante augmentation – dépasse les seuils admis par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et les législations de réglementation sont presque absentes », affirme Myriam Mrad Nakhlé qui a complété, en 2008, un master en environnement à l'Université Claude Bernard. Et d'ajouter : « Face à cette anarchie, je me suis interrogé...
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