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Moyen Orient et Monde - Tribune

Comment trouver un équilibre au Moyen-Orient

Les récentes victoires en Irak et en Syrie de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL, Daech) confirment que plus d'une décennie après le début de la guerre en Irak, la stabilité au Moyen-Orient est toujours sur le fil du rasoir. L'EIIL – dont l'objectif transnational est un califat englobant de larges portions de l'ouest de la Syrie et du centre de l'Irak – reflète le caractère interconnecté des défis que pose la région, et la menace qu'il représente illustre la nécessité d'un nouveau cadre d'action pour le Moyen-Orient.


L'EIIL a vu le jour comme une branche d'el-Qaëda, après l'invasion américaine de l'Irak. Bien qu'il ait été expulsé du mouvement el-Qaëda en février dernier – incroyable, mais vrai – pour ses tactiques extrêmement brutales, il a prospéré, grâce au terrain fertile fourni par la guerre civile qui fait rage en Syrie et au soutien que lui apporte la population sunnite irakienne, de plus en plus mise à l'écart par le gouvernement chiite du pays.
La position de l'Irak, sur la ligne de démarcation entre les sunnites et les chiites – dont la rivalité sectaire est devenue le principal axe des affrontements dans la région – est une source d'instabilité dans ce pays depuis des décennies. L'effondrement du régime de Saddam Hussein a donné lieu à une flambée de violence sectaire, sauf au nord du pays où le Kurdistan bénéficie d'une autonomie considérable par rapport au gouvernement de Bagdad.

 

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Mais les maux actuels de l'Irak sont le résultat direct de la guerre en Syrie voisine, où l'EIIL est responsable de la mort de milliers de personnes. De plus, son ascension aura des répercussions bien au-delà des frontières irakiennes, puisqu'il est en concurrence avec el-Qaëda pour prendre la tête du jihad mondial – une concurrence qui comprendra sans nul doute de violents étalages de force de chacune des parties pour prouver leur bonne foi antioccidentale.
L'ascension de l'EIIL souligne le besoin urgent d'une diplomatie novatrice au sujet de la Syrie qui puisse surmonter l'impasse dans laquelle se trouvent non seulement la guerre sur le terrain, mais également la table des négociations – un problème que la récente victoire électorale du président syrien Bachar el-Assad a aggravé. De nouveaux paramètres de négociation sont tout aussi nécessaires pour résoudre le conflit en Irak, parvenir à un accord de paix entre Israël et la Palestine et, en fin de compte, établir un équilibre du pouvoir au Moyen-Orient qui réconcilie l'influence de l'Arabie saoudite sunnite et celle de l'Iran chiite.
La réticence des États-Unis à recourir à une diplomatie « coercitive » comme par le passé – une réticence qui a modifié la manière dont ils sont perçus par les acteurs régionaux – souligne l'urgence de ce nouveau cadre d'action. Pour commencer, la décision prise par les pays occidentaux de ne pas intervenir en Syrie alors que l'utilisation d'armes chimiques par le régime Assad a été officiellement prouvée a diminué la confiance de leurs alliés traditionnels, notamment de l'Arabie saoudite.

 

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Ensuite, l'Arabie saoudite, comme les autres pays sunnites, doutent du bien-fondé de négocier avec l'Iran, craignant une normalisation des relations entre les États-Unis et l'Iran, leur concurrent régional. Et enfin, l'échec de la dernière série de négociations de paix entre Israël et la Palestine, parrainée par le secrétaire d'État américain John Kerry, a révélé l'incapacité des États-Unis à mener seuls un processus de paix.
Il est clair que les États-Unis ne peuvent stabiliser le Moyen-Orient sans aide extérieure et qu'ils ont besoin de l'engagement d'une variété d'acteurs à cette fin. L'ancien ministre israélien des Affaires étrangères Shlomo ben-Ami a récemment proposé un nouveau paradigme de paix pour les négociations entre Israël et la Palestine. La participation d'acteurs comme l'Union européenne, la Russie et les principaux pays arabes faciliterait l'émergence d'une solution véritablement internationale. Ce paradigme devrait être étendu aux négociations de Genève sur la guerre civile syrienne et un rôle accru donné à certains pays, dont l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Égypte.


Bien sûr, impliquer les puissances régionales pourrait compliquer un processus de négociation déjà enlisé. L'objectif doit donc être la clarté et l'équilibre. Ce n'est que par un processus de négociation équilibré, guidé par les principaux acteurs régionaux et mondiaux, qu'un équilibre du pouvoir stable pourra être atteint au Moyen-Orient. Si l'équilibre du pouvoir régional n'est pas intégré aux négociations, tout conflit futur – aussi minime soit-il – pourrait s'étendre rapidement, avec des conséquences incalculables.
Un cadre inclusif de résolution du conflit en Syrie est particulièrement crucial aujourd'hui puisqu'il établirait un précédent pour la coopération entre les puissances régionales, surtout entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Les négociations internationales avec l'Iran au sujet de son programme nucléaire incitent à un certain optimisme et pourraient donner un élan aux discussions sur la Syrie. Mais, à nouveau, le succès ne sera au rendez-vous qu'avec l'implication des principaux acteurs régionaux et internationaux.

 

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S'il est vrai que les grandes puissances sont aux prises avec leurs propres difficultés – des préoccupations de l'Europe concernant la nouvelle politique étrangère de la Russie aux différends territoriaux entre la Chine et d'autres pays riverains des mers de Chine orientale et méridionale –, il est dans leur intérêt de jouer un rôle actif pour remédier à l'instabilité chronique du Moyen-Orient. Après tout, les troubles dans cette région représentent une sérieuse menace pour leur sécurité, pour l'Europe du fait de sa proximité géographique, et pour des pays comme l'Inde et la Chine, à cause d'une rupture possible de leur approvisionnement énergétique.
Le Moyen-Orient est depuis bien trop longtemps une source de volatilité et de violence. Grâce à une nouvelle approche, plus créative, et un ferme engagement des principaux pays dans le monde, un équilibre de pouvoir régional stable peut et doit être atteint, une fois pour toutes.

 

© Project Syndicate, 2014. Traduit de l'anglais par Julia Gallin.

 

Javier Solana, ancien haut-représentant de la Politique de sécurité et des affaires étrangères de l'Union européenne, secrétaire général de l'OTAN et ministre espagnol des Affaires étrangères, est actuellement directeur de recherche en politique étrangère à la Brookings Institution et président du centre Esade pour l'économie globale et la géopolitique.

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