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Économie - Liban

Fatca : le bâton plus persuasif que la carotte

Le Liban, à l'économie très dollarisée, a tout intérêt à coopérer avec le fisc américain au sujet de la Fatca, ont souligné hier des experts. Car ne pas le faire est hors de question, et les sanctions infligées aux réfractaires sont impitoyables.

Le séminaire a vu la participation de plusieurs experts spécialistes de la Fatca. Photo AmCham

« Le monde a changé. La diffusion des informations à l'échelle internationale est devenue la nouvelle règle du jeu. (...) Prenez la bonne décision. »
Les propos du directeur général du département de conformité et affaires juridiques de Bank Audi, Chahdan Jebeyli, sont intervenus à l'occasion de la tenue hier d'un séminaire portant sur la Foreign Accounting Tax Compliance Act (Fatca).


Organisé par la Chambre de commerce libano-américaine (AmCham), cet événement, qui a eu lieu à l'hôtel Phoenicia, à Beyrouth, a eu lieu en présence de M. Jebeyli, des avocats américains John Barrie et Mark Srere de la firme internationale Bryan Cave, et de l'avocat américain d'origine libanaise Albert Mokhiber de la firme Mokhiber & Moretti. Ces spécialistes en fiscalité étaient venus présenter et clarifier certains aspects de la Fatca, qui devrait entrer en vigueur dans moins d'un mois, soit le 1er juillet.
Rappelons que la Fatca, adoptée le 18 mars 2010 par le Congrès américain, a pour principal objectif de combattre l'évasion fiscale des Américains à travers leurs comptes offshore. Elle contraint ainsi toutes les institutions financières étrangères à déclarer les comptes supérieurs à 50 000 dollars détenus par ce qu'elle appelle une « US Person », définition large qui inclut les citoyens américains, les détenteurs de la « green card » et les personnes attestant d'une présence substantielle sur le sol américain. Et gare aux réfractaires...

 

Des sanctions impitoyables
« C'est la loi de la carotte et du bâton », a résumé M. Srere lors de son intervention. La Fatca a en effet été dotée de moyens de coercition efficaces qui ne laissent pas beaucoup de choix aux institutions financières étrangères (IFE). Par IFE, la loi comprend les banques commerciales, les banques d'investissement, les fonds d'investissement, les sociétés d'assurances et les sociétés de change.
Dans le cas où une IFE décide de se soustraire à la loi, elle s'expose à des sanctions financières conséquentes de la part du fisc américain (Internal Revenue Service ou IRS). L'IRS s'accorde le droit d'exercer une saisie sur tous les paiements ou transactions saisissables de l'IFE en question, à hauteur de 30 % de la transaction qui se fait aux États-Unis, ce qui représente un coût supplémentaire non négligeable pour les banques.


Pour un pays très fortement dollarisé comme le Liban où, a rappelé M. Jebeyli, quelque 75 % des transactions sont effectuées en billets verts, tenter de se soustraire à la Fatca n'est tout simplement pas une option – d'autant que la menace de saisie s'assortit du risque beaucoup plus grave d'une suspension de licence et donc d'une interdiction d'accéder au marché américain, et/ou d'une amende colossale.
M. Barrie a énuméré les précédents sur ce plan : UBS (780 millions de dollars d'amende), Credit Suisse (2,6 milliards de dollars d'amende) ou encore BNP Paribas (l'amende pourrait battre tous les records : le montant évoqué s'élèverait à plus de 10 milliards de dollars). Ces banques ont toutes été lourdement sanctionnées pour ne pas avoir joué le jeu. Et, a noté M. Srere, le département américain de la Justice n'entend pas relâcher l'étau : « Les États-Unis n'hésitent pas à engager des poursuites contre des responsables de banques, des détenteurs de comptes bancaires, leurs conseillers et même leurs avocats. »
Une stratégie payante. Même si, selon les estimations, seulement 10 % des richesses américaines offshore ont jusqu'à présent été déclarées au fisc, ce chiffre devrait s'amplifier rapidement avec l'entrée en vigueur de la Fatca. « Quelque 6 milliards de dollars générés par des comptes tenus par des ressortissants américains, et précédemment non déclarés, ont fini par être récupérés », a relevé M. Srere.

 

(Pour mémoire: FATCA, la loi américaine qui bouleverse le secteur bancaire libanais)

 

Les banques libanaises bonnes élèves
Environ 77 000 institutions financières et banques étrangères et américaines se sont déjà inscrites auprès des États-Unis en vue d'appliquer la Fatca, a indiqué lundi le département américain du Trésor.
Au pays du Cèdre, les banques ont depuis longtemps entamé les préparatifs sur ce plan. « Le Liban est parmi les pays de la région celui qui est le plus en avance dans ses préparatifs », avait indiqué l'an dernier à L'Orient-Le Jour le président de l'Union des banques arabes (UBA), Wissam Fattouh. Plus récemment, le président de l'Association des banques (ABL), François Bassil, a affirmé que les mesures dans leur intégralité étaient suivies « à la lettre ». « L'ABL, la Banque du Liban (BDL) avec la circulaire 126 » coopèrent pleinement, a souligné M. Jebeyli lors de son intervention.
La liste complète des établissements libanais enregistrés auprès du fisc américain, et disponible sur le site de l'IRS, atteste que 114 institutions ont franchi le pas – mais, selon M. Jebeyli, cette première liste, qui sera bientôt mise à jour, doit grossir significativement.


Le Liban, bon élève donc ?
Selon le directeur général du département de conformité et affaires juridiques de Bank Audi, le pays du Cèdre n'aurait pas vraiment le choix. Car aux pressions de l'IRS « qui s'est attaqué avec succès aux places fortes financières comme la Suisse et qui foncera inéluctablement vers le Moyen-Orient » viennent s'ajouter celles exercées par le Groupe d'action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. « Nous allons vers un changement des lois » fiscales dans tous les pays, y compris au Liban, a-t-il pronostiqué. « Et la conformité est là pour rester. »

 

Pour mémoire
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