Rechercher
Rechercher

Mode - Hommage

Lettre à Yves Saint Laurent

L’affiche « Love » 2004 d’Yves Saint Laurent.

À la veille de la commémoration du décès d'Yves Saint Laurent, survenu le 1e juin 2008 à Paris, Nabil M.T. Abou Dargham, passionné d'art et de poésie, poète lui-même en arabe et en français, partage avec nos lecteurs, en guise d'hommage, une lettre qu'il a adressée au créateur en 2004. Comme il le faisait souvent avec ses admirateurs et correspondants, Yves Saint Laurent lui avait offert en retour son affiche « Love » éditée la même année.

Monsieur Saint Laurent,
Vous le vouliez, ce monde sans frontières où l'âme humaine triomphe dans sa valeur immense et dans sa beauté, où la naissance et la mort de l'être s'embranchent et se succèdent dans le miracle de la vie.
Vous l'aviez dit : « Le génie est l'enfance retrouvée. » Vous le vouliez donc ce monde où votre enfance, qui ne voulait jamais mourir, se prolongeait en vous ainsi qu'un secret.
De la première collection printemps-été 1962 (cabans et marinières) à la dernière du printemps-été 2002 (célébration des 40 ans de la maison Yves Saint Laurent), c'était l'élégance de votre cœur qui guidait l'œuvre que vous vous êtes chargé de donner à toutes les femmes et à tous ceux qui possèdent le sens de l'éphémère. Voilà, vous êtes dorénavant éternellement présent. Plus durable qu'une parole. Plus durable qu'un rêve d'enfant. Plus durable qu'une poésie.
Vous avez donné aux femmes leur pouvoir et leur sécurité. Celles qui ont eu la chance d'accéder à ce bonheur et de le connaître. Dans mon pays, malheureusement, la mer est encore obsession du sable, la pluie efface l'image des poètes, la terre n'est qu'une histoire aux pieds de nos vieilles maisons. Dans mon pays, beaucoup de femmes s'évadent d'une prison à l'autre. Prison de l'âme, du cœur et du corps. Leur destin est de parcourir ce monde à jamais reproduit, révulsé, répété afin de rêver à la paix dans toutes ses dimensions, surtout économique. Pour une parcelle de pain, pour quelques gouttes d'eau, pour voir leurs enfants dignes de la vie et des droits de l'homme, elles pensent à la victoire contre la violence, contre la mort, contre la pauvreté, contre la maladie et contre les luxes-illusions fabriqués par ce besoin de survivre. Elles pensent à la victoire d'être merveilleusement humaines. Merveilleusement femmes. Mais malgré tout, les femmes de mon pays sont peut-être au sommet de leur élégance parce qu'elles s'adaptent aux circonstances de leur vie !
2004. Un jeune Libanais qui manie paroles et poésies vous a envoyé un bouquet de poèmes. Vous lui avez répondu par le mot : Love. Sur une surface de couleurs que personne – n'ayant pas votre vision – ne pouvait construire. C'était encore l'élégance de votre cœur. C'était aussi : la lumière qui émane d'un être qui aime est incomparable.
Aujourd'hui, tous ceux qui vous aiment et tous ceux qui vous ont toujours aimé, tous ceux qui dialoguaient avec vous de loin, au-delà de l'espace qui sépare toujours les différents mondes de cette planète, tous ceux qui lisaient dans votre livre et qui voguaient sur les surfaces de bonheur qu'ont fabriqués vos mains d'artisan, tous ceux qui participaient à la fête que vous avez composée avec un amour unique et particulier, ne vous oublieront jamais. Ils savent bien qu'il n'y a sur terre qu'un seul bonheur possible. Celui de s'oublier et de se consacrer aux autres. En essayant de faire le bonheur des autres, on finit par en recevoir quelques éclats !

À la veille de la commémoration du décès d'Yves Saint Laurent, survenu le 1e juin 2008 à Paris, Nabil M.T. Abou Dargham, passionné d'art et de poésie, poète lui-même en arabe et en français, partage avec nos lecteurs, en guise d'hommage, une lettre qu'il a adressée au créateur en 2004. Comme il le faisait souvent avec ses admirateurs et correspondants, Yves Saint Laurent lui avait...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut