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Moyen Orient et Monde - Présidentielle

En Égypte, le retour (forcé) en arrière

Les partisans du maréchal Abdel Fattah al-Sissi fêtaient hier sa victoire écrasante mais prévue à la présidentielle égyptienne, malgré un faible taux de participation et des chiffres non vérifiés. Amr Abdallah Dalsh / Reuters

Comme si les années révolutionnaires n'avaient rien changé, l'ex-chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi a remporté hier une victoire écrasante avec 96 % des voix à la présidentielle en Égypte.


Son unique adversaire, Hamdeen Sabbahi, une vieille figure de la gauche et considéré souvent comme un simple faire-valoir, a reconnu sa défaite, n'empochant que 3,8 % des suffrages validés, selon des résultats préliminaires mais portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote. Pourtant, trois ans après la révolte qui renversa Hosni Moubarak, les militants des droits de l'homme accusent le pouvoir dirigé de facto par les militaires d'être encore plus autoritaire que celui de M. Moubarak.

 

(Repère : La présidentielle égyptienne en 10 points)

 

Le score de M. Sissi « nous ramène à une configuration qu'on espérait ne plus revoir après les révolutions arabes de 2011 », déplore Karim Bitar, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques en France. « Peu de gens auraient imaginé, à la chute de Moubarak, que trois ans plus tard, un maréchal en lunettes de soleil, nouveau pharaon, se ferait élire à 96 %, sans même avoir présenté un programme ou fait campagne », poursuit ce spécialiste du Moyen-Orient. Néanmoins, la victoire, même écrasante, ne correspond pas aux attentes de M. Sissi qui réclamait avec obsession un adoubement populaire massif et avait espéré pas moins de « 45 millions » de voix. Il est finalement élu avec « seulement » 21 millions des suffrages exprimés. De plus, même si le maréchal empoche près du double des voix qu'avait recueillies M. Morsi (13,2 millions), le taux de participation est inférieur à celui de la présidentielle de 2012 (51,85 %) puisqu'il s'établirait à quelque 47 %, soit 25 millions de votants, selon le gouvernement.

À ce propos, il n'est pas sans rappeler que les autorités ont voulu doper ce chiffre en ajoutant un troisième jour de scrutin au dernier moment. Comme l'écrit Shadi Hamid, chercheur au Saban Center américain, dans l'immédiat « nous n'avons aucun moyen de vérifier les chiffres du gouvernement, il n'y a aucun comptage parallèle et pas assez d'observateurs internationaux ». M. Sissi, qui réclamait avec obsession un adoubement populaire massif, avait espéré pas moins de « 45 millions » de voix. Il est finalement élu avec plus de 21 millions des suffrages exprimés. Si « les médias officiels ont contribué à forger à M. Sissi une légende de sauveur et d'homme providentiel, ce matraquage n'a pas suffi à mobiliser les masses », le privant du « plébiscite qu'il espérait », analyse M. Bitar.

 

(Reportage : Dans un fief islamiste égyptien, le seul président, c'est Morsi)

 

Concerts de kaxons
De plus, la victoire de M. Sissi, qui bénéficie du soutien unanime de la presse, privée comme publique, a précipité en pleine nuit dans les rues du Caire des milliers de supporteurs de l'homme fort du pays, objet d'un véritable culte de la personnalité. Concerts de klaxons, feux d'artifice, danses et chants ont retenti toute la nuit et les télévisions publiques et privées, promotrices unanimes de la Sissi-mania depuis 11 mois, ont rivalisé de longues heures de plateaux peuplés d'experts et commentateurs remplis d'extase. Les observateurs de l'UE ont trouvé, quant à eux, que l'élection, qui s'est déroulée sur trois jours, a été « organisée dans le respect de la loi », mais estimé du bout des lèvres que « la non-participation de certains acteurs » de l'opposition a « compromis la participation de tous au scrutin ».
Enfin, la coalition pro-Morsi, qui appelait au boycott, s'est félicitée d'avoir remporté « la victoire dans la bataille des bureaux de vote vides », y voyant « la chute du coup d'État militaire » du 3 juillet.

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Son unique adversaire, Hamdeen Sabbahi, une vieille figure de la gauche et considéré souvent comme un simple faire-valoir, a reconnu sa défaite, n'empochant que 3,8 % des suffrages validés,...
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