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Culture - Accrochage

Hussein Madi, toujours là entre passé et présent...

En collaboration avec le Beirut Exhibition Center*, la galerie Aïda Cherfane présente les œuvres de Hussein Madi. Une rétrospective (1959-2014) d'un fringant septuagénaire, d'une étonnante jeunesse. Une œuvre riche, variée, ludique, colorée. Un demi-siècle de labeur et de créativité, néanmoins sous certaines évidentes influences...

Une des œuvres très représentative du travail de l’artiste.

Sous le chapiteau du BEC, dans le vaste espace blanc, lumineux et compartimenté, l'œuvre polymorphe de Hussein Madi a investi les lieux. 475 pièces de tous crins (acrylique, aquarelle, lavis, pastel, fusain, encre, collage, fer galvanisé, litho, terracota, fer travaillé, carton taillé, bas-relief, bois et la ronde des matériaux est loin d'être exhaustive) sont exposées non en sens chronologique, thématique ou groupement de matière, mais en une invitation à tout voir. Comme une déambulation qui se voudrait libre de toute contrainte pour mettre peut-être plus en évidence, malgré une certaine confusion, différence, contraste et nuance. Comme une décoration salonnarde loin de toute monotonie où couleurs et formes ont des correspondances secrètes, mais pas forcément éclairantes.

Né à Chebaa en 1938 sur les pentes de l'Hermon, depuis ses premières expositions en 1960 Hussein Madi a émergé du peloton des artistes qui faisaient du coude pour parvenir aux premières loges, au-devant des feux de la rampe. On redécouvre (si besoin en est encore de découvrir cet artiste à la stature de Goliath dans le monde de l'art arabe) ici un homme-orchestre multiple: dessinateur, peintre, sculpteur, graveur, graphiste, illustrateur, céramiste, mosaïste, caricaturiste... Et peut-être on en a oublié avec ce jeune artiste de 75 berges qui cultive, en une innocence native, ironie et dérision...

Un coup de pinceau vigoureux, un regard acéré, une vision sans coin d'ombre, tendresse, humour et sensibilité au compagnonnage intime, une inventivité qui ne laisse rien au hasard, une ardeur imbattable à la tâche, une témérité à tout affronter, une technique déjà imparable et légendaire. Et le talent s'est imposé.
Avec fluidité et une sorte d'incroyable fécondité. Surtout avec ce pouvoir d'un touche-à-tout inspiré. En toute simplicité et verve.

Un enfant surdoué à qui tout réussit. Tout en empruntant des traits et des lignes à des artistes déjà consacrés. Secret de Polichinelle de dire que les influences de Picasso, Matisse et Botéro, délicieux triumvirat esthétique et artistique, ont beaucoup à voir avec cette œuvre, même si elle est profondément personnalisée, orientalisée dans ses détails et accessoires... Un véritable pont entre Orient et Occident, même si parfois la notion de copiste facétieux et sûr de son métier pourrait effleurer l'esprit.

De Rome (où il a fait ses études) à Tokyo, en passant par Londres, Paris, Damas, Dubaï, Koweït et Beyrouth, bien entendu (son point de départ et son repos du guerrier), l'œuvre de Madi a fait des voyages heureux et retentissants. Et n'allez pas croire que la liste des cimaises s'arrête à ce niveau. Son bâton de pèlerin l'a conduit aux quatre coins du monde ! Avec succès.

On se penche aujourd'hui sur ces images devenues presque emblématiques de l'art libanais. Ces femmes allongées, dodues et coquines, avec jarretières, bikini et chapeau de paille. Aux chairs opulentes et satinées. Ces coqs rouges, bleus, aux crêtes dressées. Ces oiseaux, minuscules et fragiles, ou éperviers immenses d'un monde mythique aux amours dissolvantes et becquetées chargés d'une faim d'amour infinie. Et en tête du carrousel viennent ces chevaux aux croupes luisantes, aux jarrets d'aciers, aux crinières de chevelure de Samson... Ces taureaux massifs noirs, fonçant dans le vide, cornes dardées dans l'air, aux narines fumantes, aux yeux de braise.

Voilà un bestiaire qui se décline au pinceau, au fer, en bronze, en bois. Dans un coin, comme caché des intrus, un chat lisse et pétrifié est à l'affût. On l'imagine volontiers les babines frémissantes pour une proie convoitée et patiemment pourchassée par une échine prête à bondir...
Et on n'a pas encore parlé de ces fruits mûrs et charnus dans des coupelles ou posés à même des napperons aux draperies savamment croquées. Natures mortes si vivantes, si éloquentes sous le pinceau du maître. Travail déjà-vu, diriez-vous, mais chaque peintre a sa panoplie de finesse en ce domaine, devenue comme un terrain de joute où le savoir-faire départage l'ivraie du froment...

Épousant le mouvement cinétique, on s'arrête aussi devant ces volées d'oiseaux migrateurs qui, aile déployée contre aile déployée, traversent l'espace d'une toile... En voletant en toute légèreté.

Dans cette apparence de simplicité, Hussein Madi se révèle un croyant et un amant de la nature. Tous les éléments qu'il groupe, que cela soit à travers les pinceaux, les couleurs, les matériaux vulnérables (papier, carton) ou rebelles (fer, bronze, bois), témoignent de son besoin de paix, de foi, de sérénité, d'harmonie. Et cela reste un lumineux reflet de sa lutte intérieure qu'il transforme en une épure adroitement structurée et claire. Et où la lecture va au-delà de ce que l'artiste et l'esthète représente...
Un symbolisme s'installe dès lors entre ces cavaliers solitaires, en quête d'horizon et d'âme sœur, ces taureaux lâchés, force de la nature où se déchaînent les violences et s'instaurent les équilibres de la terreur, ces coqs qui chantent l'aube et l'espoir, ces femmes nonchalantes, promesses de plaisir, de bonheur, de félicité.
Et on revient, devant ce monde enchanteur et enchanté, puisé au cœur même du courant pictural moderne contemporain, aux explications de Hussein Madi lui-même, qui dit en substance : « Chaque unité de l'univers est définie par la taille, la position, la couleur, le nombre. C'est ainsi que je lis toute création de Dieu ou de l'homme. C'est ainsi que Dieu a créé l'univers. »

*Beirut Exhibition Center jusqu'au 1er juin

Sous le chapiteau du BEC, dans le vaste espace blanc, lumineux et compartimenté, l'œuvre polymorphe de Hussein Madi a investi les lieux. 475 pièces de tous crins (acrylique, aquarelle, lavis, pastel, fusain, encre, collage, fer galvanisé, litho, terracota, fer travaillé, carton taillé, bas-relief, bois et la ronde des matériaux est loin d'être exhaustive) sont exposées non en...

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