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Liban - Éclairage

La logique du quorum des deux tiers ne justifie aucunement un vide présidentiel

La question du quorum requis pour la séance électorale du Parlement n'est ni récente ni résolue. Son examen s'impose toutefois pour éviter le scénario d'un vide présidentiel, scénario aussi anormal qu'il se réfugie dans les lacunes des textes, en l'occurrence l'article 49 de la Constitution, dont l'amendement aurait été d'ailleurs sciemment occulté lors des accords de Taëf, selon un éminent constitutionnaliste.
L'article 49 énonce, dans sa version française, que « le président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours des scrutins suivants, la majorité absolue suffit ».


Ce texte souffrirait de deux failles. Il ne précise pas s'il faut tenir compte de l'ensemble des députés qui composent la Chambre ou seulement des députés présents, pour déterminer la fraction des deux tiers ou de la majorité absolue. Selon le constitutionnaliste, le texte tel que rédigé en français exigerait les voix des deux tiers des députés présents lors de la séance. La traduction arabe, par contre, trancherait la question dans le sens inverse. Le texte arabe mentionne en effet l'élection du président de la République à « la majorité des deux tiers du Parlement ». Cette inadvertance du traducteur conduirait au final à tenir compte de l'ensemble des députés qui composent la Chambre, indépendamment de leur présence à la séance électorale. C'est sur l'ensemble des 128 députés qu'est donc calculée la part des deux tiers et celle de la majorité absolue, même si l'ambigüité découlant d'une approche comparative avec le texte français risquerait d'ouvrir un débat sur la question.

 

(Lire aussi : Nadine Moussa, première femme candidate : « Tout changement commence par un rêve »)


Pour l'instant, la problématique se situe au niveau de la seconde faille du texte, qui ne dit rien sur le quorum exigé pour la tenue de la séance électorale, que ce soit au premier tour ou aux tours des scrutins suivants.
S'agissant du premier tour, la question a été tranchée par une décision du bureau de la Chambre et de la commission de l'Administration et de la Justice, réunies conjointement le 5 mai 1976, préalablement à l'élection d'Élias Sarkis. L'article 49 « présuppose la présence des deux tiers au moins des membres de la Chambre pour tenir la séance et procéder au vote » (selon la décision citée par Edmond Rabbath dans La Constitution libanaise : origines, textes et commentaires).

 

Quid du quorum exigé pour « les tours suivants » ?
Loin des lectures imprégnées des affinités politiques de leurs auteurs, il existe néanmoins des « avis scientifiques contradictoires donnés dans le passé par des juristes remarquables », sur cette question.
Edmond Rabbath propose une lecture qui défend le quorum des deux tiers des membres composant l'Assemblée. Même s'il ne précise pas si ce quorum devrait s'appliquer à tous les tours de scrutin, l'essentiel est que l'esprit de son interprétation favorise « un quorum substantiel, à savoir les deux tiers », qui consoliderait l'autorité du président élu.


En revanche, Antoine Baroud préfère se référer au quorum habituel de la majorité absolue des députés composant le Parlement, en vertu de l'article 34 de la Constitution. Cet article se présente comme suit : « La Chambre ne peut valablement se constituer que par la présence de la majorité des membres qui la composent légalement. Les votes sont acquis à la majorité des voix. En cas de partage égal, la question mise en délibération est rejetée. »


Une synthèse serait possible entre ces deux approches de prime abord divergentes, préconisée par le constitutionnaliste interviewé, quand bien même il écarte de son raisonnement l'article 34, inapplicable selon lui aux séances électorales. « L'article 34 s'applique au cas où le Parlement se réunit en tant que corps législatif. En collège électoral, il est normal d'appliquer l'article 49. »
Le fondement textuel de l'analyse se précise donc : le quorum de la majorité absolue ne saurait exister en dehors de l'article 49.

 

(Verbatim : le discours-programme de Geagea pour la présidence de la République)

 


Comment définir à partir de là les cas d'applicabilité du quorum de la majorité absolue, à savoir « les tours de scrutin suivants » prévus dans le texte ?
Celui-ci ayant occulté toute mention du quorum, lui substituant la mention de tours de scrutin, c'est dans la définition du tour de scrutin qu'il serait possible de puiser des éléments de réponse.
Selon une lecture du droit français, « le tour de scrutin est interprété comme un tour sur une nouvelle convocation, et non comme un tour de vote », relève le constitutionnaliste, qui renvoie au Traité de droit politique électoral et parlementaire d'Eugène Pierre. Il évoque notamment une période où l'histoire française a connu « le vote par assis et levé et en cas de contestation, le passage au scrutin public, avec une exception pour les scrutins secrets ».
Dès lors, « les tours de scrutin suivants » évoqués par l'article 49 seraient les tours qui ont lieu sans convocation. Or, selon l'article 73 de la Constitution, « un mois au moins et deux mois au plus avant l'expiration des pouvoirs du président de la République, la Chambre se réunit sur la convocation de son chef pour l'élection du nouveau président ».

 

(Repère: Qui, quand, comment... Le manuel de l'élection présidentielle libanaise)

 

De « l'interdiction du vide »
À défaut de convocation, cette réunion aura lieu de plein droit le dixième jour avant le terme de la magistrature présidentielle.
« Les tours de scrutin suivants » ne s'appliqueraient donc qu'au cours des dix jours qui précèdent la fin du mandat du président de la République. Dans ce cas, c'est la majorité absolue des 128 députés qui serait exigée aussi bien pour le quorum que pour le vote.
Avant cette période de dix jours, à défaut d'une convocation de plein droit, chaque nouvelle réunion de l'assemblée du collège électoral serait indépendante de l'autre et exigerait le quorum des deux tiers, à moins de scrutins successifs qui auraient lieu au cours d'une même réunion.
Quand bien même elle est contredite par un autre avis selon lequel les tours de scrutin suivants sont ceux qui font suite à la première réunion convoquée, cette lecture a pour mérite d'équilibrer l'orientation actuelle de la présidence de la Chambre : l'exigence du quorum des deux tiers à chaque séance, défendue par la Chambre, renforcerait la présidence, mais ne saurait toutefois conduire au vide. La tenue de la présidentielle est inévitable et c'est sur ce point qu'insistent les juristes.

 

(Lire aussi : Le quorum des deux tiers pour favoriser l'entente..., l'éclairage de Scarlett Haddad)


Eugène Pierre évoque « la peur et l'interdiction du vide », qui justifie par exemple de prévoir une procédure exceptionnelle, pourtant contraire à l'esprit des textes, comme celle de ramener le Parlement, dont le mandat a expiré, pour garantir l'élection du président de la République.
Or, à en croire certaines sources parlementaires, le scénario politique actuel qui se profile prévoirait la tenue d'une première séance le 23 avril sans résultats, suivie d'une série de convocations sans tenue de la séance à défaut de quorum, aboutissant en somme au vide présidentiel jusqu'à septembre, date d'expiration de la durée autoprorogée du mandat parlementaire. Il ne serait pas étonnant que les députés justifient alors une nouvelle autoprorogation de leur mandat pour mettre un terme au vide, invoquant un argument qu'ils auraient bafoué, et inversant ainsi l'esprit des textes. Quoi qu'il en soit, et en dépit des failles du texte, la Constitution oblige les députés, à partir du 15 mai, à se rendre au Parlement pour élire un nouveau président.

 

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La question du quorum requis pour la séance électorale du Parlement n'est ni récente ni résolue. Son examen s'impose toutefois pour éviter le scénario d'un vide présidentiel, scénario aussi anormal qu'il se réfugie dans les lacunes des textes, en l'occurrence l'article 49 de la Constitution, dont l'amendement aurait été d'ailleurs sciemment occulté lors des accords de Taëf, selon un...

commentaires (2)

CE N'EST NI LA LOGIQUE DU QUORUM DES DEUX TIERS NI CELLE DES TOURS SUIVANTS À LA MAJORITÉ ANSOLUE QUI RISQUENT DE GÉNÉRER LE " VIDE "... C'EST PLUTÔT LES GÉNÉRATEURS DU BOYCOTT DE L'ABRUTISSEMENT QUI EN SERAIENT RESPONSABLES...

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 43, le 18 avril 2014

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Commentaires (2)

  • CE N'EST NI LA LOGIQUE DU QUORUM DES DEUX TIERS NI CELLE DES TOURS SUIVANTS À LA MAJORITÉ ANSOLUE QUI RISQUENT DE GÉNÉRER LE " VIDE "... C'EST PLUTÔT LES GÉNÉRATEURS DU BOYCOTT DE L'ABRUTISSEMENT QUI EN SERAIENT RESPONSABLES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 43, le 18 avril 2014

  • Sauf miracle il faut attendre donc le 15 mai pour élire un nouveau president. Wait and see.

    Sabbagha Antoine

    14 h 59, le 18 avril 2014

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