Tout commence par un tweet, celui du ministre de la Culture Rony Araiji, pour la commémoration du 13 avril, début de la guerre du Liban. Il s'agit de la photo d'une magnifique mosaïque brisée sur le côté gauche. Rien de plus anodin pour une œuvre plusieurs fois centenaire, si ce n'est que l'auteur n'est pas le temps qui passe, mais un franc-tireur l'utilisant comme bouclier place du Musée. Qui est ce franc-tireur ? De quel côté était-il ? Peu importe. À part les vies brisées par ses balles, c'est l'histoire d'un peuple que retrace cette mosaïque. Elle était bien cachée, dans les caves du Musée national, comme pour ne pas la voir, comme pour ne pas penser. Ne dit-on pas que le Liban est une mosaïque de religions ? Cette mosaïque est aujourd'hui fragilisée. Elle ne supporterait pas une autre cassure. Un autre 13 avril serait fatal pour le Liban, pour son patrimoine, pour sa culture, pour tout ce que représente cette mosaïque.
Avec les années, si on a enterré les morts, notre histoire, elle, est encore là, écrite dans la pierre. Des pierres saccagées, au Liban, il y en a beaucoup. Celles commémorant les armées de passage à Nahr el-Kalb, mais aussi celles des vestiges de Byblos, Baalbeck, Tyr, et j'en passe, qui sont aujourd'hui un vrai dépotoir à ciel ouvert.
Continuez, Monsieur le Ministre, à déterrer de nos caves cet héritage défiguré, car je suis sûre qu'il en existe beaucoup. C'est peut-être le seul moyen d'arrêter les affamés d'une nouvelle guerre, de plus en plus nombreux.
Jocelyne MAALOUF