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Économie - Liban - Grille des salaires

Les fonctionnaires lancent leur intifada – mais contre qui?

Une nouvelle réunion des commissions parlementaires mixtes consacrée à l'examen du financement de la nouvelle grille des salaires s'est achevée hier sans nouvelle décision. Aucune date n'a été fixée pour une prochaine réunion. Face à ces atermoiements, la fonction publique et les enseignants observeront aujourd'hui un jour de débrayage et menacent d'une grève ouverte.

Aux manifestations ces deux derniers jours des locataires, les propriétaires de logements soumis aux anciens loyers ont répondu par un sit-in hier place Riad el-Solh, exhortant le chef de l’État à signer la loi. Photo Hassan Assal

Le vice-président de la Chambre, Farid Makari, qui préside les commissions, a déclaré dans une entrevue accordée à L'OLJ à l'issue de la réunion du Parlement que les députés ont convenu de poursuivre l'étude du dossier. Il a précisé que les commissions ont fini de débattre de quatre articles, mais que la discussion sur la TVA est toujours en suspens. « Tous les partis politiques ont une volonté réelle de faire approuver la grille des salaires, mais nous devons encore aboutir à des choix sages quant à son financement », a-t-il ajouté en mettant l'accent sur l'importance de ne pas faire en sorte que l'approbation de la grille ne joue contre l'ensemble des citoyens. Il a également indiqué qu'il fallait s'entendre sur des moyens de financement qui ne mèneraient pas à une inflation galopante. « Il faut faire des choix », a-t-il asséné.

Hausse de la TVA ? Échelonnement de la grille ? Effet rétroactif ? Stopper les transferts à EDL ? Autant de points sur lesquels les responsables n'arrivent toujours pas à s'entendre. « De toute manière si les financements sont assurés pour l'année en cours, nous ferons face au même problème les années suivantes », a ajouté le vice-président de la Chambre qui rappelle qu'en 1991, la révision de la grille des salaires avait mené à une grève « organisée par ceux-là mêmes qui demandaient une hausse de leurs salaires et qui ont fini par demander la démission du gouvernement ».

 

(Lire aussi: Sleiman met en garde contre une approbation impulsive de la grille des salaires)


Lundi, la troisième séance des commissions s'était tenue en présence du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Ce dernier a mis en garde contre les conséquences négatives d'une adoption par le Parlement de la nouvelle grille des salaires. Le gouverneur de la BDL a notamment mis l'accent sur les risques d'inflation, sur les taxes et sur la notation souveraine du Liban. Il a ainsi proposé d'échelonner la hausse sur cinq ans.

Le député Ahmad Fatfat a indiqué que le courant du Futur a proposé une hausse de la TVA de deux points tout en augmentant la liste des biens de consommation qui seront exemptés de cette hausse « afin de protéger le pouvoir d'achat des plus démunis ». Il a en outre indiqué qu'aucune date n'avait été fixée pour permettre au vice-président de la Chambre de se réunir avec Nabih Berry afin de se mettre d'accord sur les points discordants.

De son côté, le député du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, Alain Aoun, a affirmé que la grille des salaires est un droit pour tous les employés du secteur public et ne peut être sujette à des compromis. À la suite de la réunion hebdomadaire de son bloc, M. Aoun a indiqué qu'il revient à l'État libanais de trouver les moyens de financement de cette grille. Il a ajouté qu'une augmentation générale de la TVA serait injuste puisqu'elle toucherait tous les citoyens. « Nous avons proposé une augmentation de la TVA uniquement sur les produits secondaires et non ceux de première nécessité », a précisé Alain Aoun. Les commissions parlementaires ont mis la balle dans le camp du président de la Chambre afin que ce dernier tranche sur la question de la hausse de la TVA, un des points épineux de ce débat qui s'enlise depuis des mois.

L'ensemble du secteur public attend, depuis plus de deux ans, l'adoption du projet de loi sur la nouvelle grille des salaires. Mais les discussions concernant les moyens de la financer tournent en rond depuis des mois, et les députés doivent jongler entre les pressions des organismes économiques, qui mettent en garde contre les « conséquences dramatiques d'une hausse des taxes », et celles des syndicats qui menacent d'une escalade si la loi n'est pas rapidement votée.

Vendredi dernier, sept articles du projet de loi avaient été avalisés par les commissions, mais les divergences restent profondes concernant les articles 1 et 5, relatifs respectivement à la TVA et aux permis de construire. Hier, à l'issue des réunions des commissions parlementaires mixtes, le président de la commission des Finances, le député Ibrahim Kanaan, a indiqué que l'article 5 a été avalisé mais que les commissions poursuivront leurs discussions autour des moyens de financement.

Le chef du législatif, Nabih Berry, a assuré lundi au quotidien as-Safir que si le projet de loi est approuvé par les commissions, il sera placé à l'ordre du jour de la prochaine session parlementaire prévue aujourd'hui et demain afin qu'il soit adopté.

 

Les syndicats déterminés
Le président du Comité de coordination syndicale (CCS), Hanna Gharib, a de son côté fait savoir que « les enseignants ne renonceront pas à leurs droits », refusant un échelonnement du paiement qui est, selon lui, anticonstitutionnel. M. Gharib avait auparavant averti que « tout nouvel ajournement serait fatal » et il avait fait planer « la menace du boycott des examens officiels ».

Ainsi, dans une conférence de presse tenue hier, M. Gharib a rappelé que l'inflation avait atteint 121 % tandis que la grille des salaires est plafonnée depuis bientôt 18 ans. Il a en outre accusé les responsables « d'utiliser la grille pour imposer de nouvelles taxes aux couches les plus défavorisées de la population ». Il a réitéré catégoriquement, au nom des fonctionnaires et des enseignants du privé, son refus d'une hausse de la TVA et des prix des biens de consommation courante ainsi que la hausse de la facture électrique. « Les responsables utilisent le dossier de la grille des salaires pour régler le problème de la dette publique et pour escamoter les pratiques de corruption et de gaspillage au sein des administrations publiques », a ajouté le responsable syndical.

M. Gharib s'en est pris violemment au gouverneur de la BDL, Riad Salamé : « Vous voulez échelonner la hausse sur cinq ans alors que l'inflation a atteint 121 % et que nos salaires n'ont pas été revus à la hausse depuis 18 ans », a-t-il asséné en ajoutant : « Avez-vous même fait l'exercice de comparer la grille des salaires aux revenus des directeurs de la BDL ? Ou même les retraites de ces derniers à celles d'un fonctionnaire lambda ? Le coût de la grille ne représente qu'un faible pourcentage de ce que la BDL paie à ses salariés. »

S'adressant aux responsables, M. Gharib a comparé le pays à « une ferme où les membres du gouvernement se penchent sur les moyens de protéger les acquis des plus nantis ». Accusant ces derniers d'avoir causé la faillite de l'État en accumulant une dette de 60 milliards de dollars, il a fait porter aux organismes économiques les causes qui ont mené au cumul de tous les problèmes socio-économiques structurels.
Il a enfin appelé tous les fonctionnaires, les enseignants du privé et les citoyens dans l'absolu à respecter l'ordre de grève « afin que les droits et acquis de tous les travailleurs, les journaliers, les contractuels, les chômeurs, les laissés-pour-compte soient respectés ». « Nous irons jusqu'à la grève générale ouverte s'il le faut et nous boycotterons les examens officiels », a-t-il conclu.
Même son de cloche du côté de la CGTL, qui a appelé le peuple libanais dans sa totalité à s'opposer à « la mascarade qu'est devenu le dossier de la grille des salaires ».


Pendant que le bras de fer se poursuit, les fonctionnaires espèrent se faire entendre grâce au recours à la rue. « Ils peuvent user des moyens qu'ils veulent », a souligné Farid Makari en précisant qu'il était du devoir des responsables de ne pas mener le pays à l'effondrement économique.

 

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Le vice-président de la Chambre, Farid Makari, qui préside les commissions, a déclaré dans une entrevue accordée à L'OLJ à l'issue de la réunion du Parlement que les députés ont convenu de poursuivre l'étude du dossier. Il a précisé que les commissions ont fini de débattre de quatre articles, mais que la discussion sur la TVA est toujours en suspens. « Tous les partis...

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Un vrai dialogue de sourds entre syndicats et responsables, et le comble pour un pays en faillite .

Sabbagha Antoine

07 h 52, le 09 avril 2014

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Commentaires (1)

  • Un vrai dialogue de sourds entre syndicats et responsables, et le comble pour un pays en faillite .

    Sabbagha Antoine

    07 h 52, le 09 avril 2014

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