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À La Une - L'Orient Littéraire

Vivre ensemble et en paix

La notion de « vivre-ensemble » qui est aujourd'hui au centre d'une nouvelle réflexion au Liban et dans la région à la lumière des changements provoqués par le Printemps arabe fait désormais l'objet de recherches en Europe et aux États-Unis. Plusieurs ouvrages parus récemment portent sur cette question.

Yann Arthus Bertrand

Un appel avec pour titre « Vivre-ensemble en Europe au XXIe siècle » avait déjà été lancé en 2011, par plusieurs responsables européens, parmi lesquels Joschka Fischer, Emma Bonino, Javier Solana et d'autres, qui avaient estimé que la diversité culturelle est « une constante de l'histoire européenne » et qu'elle pouvait contribuer à relancer la créativité dont l'Europe a plus que jamais besoin et apporter une solution au déclin démographique.

Les signataires de ce manifeste avaient mis en garde contre les dangers que présente le refus de prendre en considération cette diversité à laquelle le destin de l'Europe est lié, faisant notamment état de la montée de l'intolérance, du soutien croissant aux partis populistes et xénophobes de l'existence de communautés « parallèles » dont les membres ont très peu de contacts avec le reste de la société, etc.

Parmi les ouvrages parus récemment, celui du sociologue américain, Richard Sennett, Ensemble pour une éthique de la coopération, revêt une grande importance, car il lie l'accélération et l'approfondissement de la grande crise que le capitalisme a connue à la dissolution du lien social. Tout en notant que l'éthique de la coopération qu'il prône ne peut pas exister dans un univers où continue de prédominer le « nous-contre-eux » et où se développent de ce fait tribalisme, repli communautaire et ségrégation entre les différentes couches sociales.

Sennett se fait le défenseur de l'empathie qui « consiste à accueillir le nouveau et à essayer de l'appréhender sans nécessairement se l'approprier, ou le ramener à un événement de sa propre histoire ».

Plaidoyer pour l'altruisme de Mathieu Ricard avait déjà, d'une certaine manière, annoncé la couleur. Pour ce moine bouddhiste, docteur en génétique cellulaire, l'altruisme, concept très proche de l'empathie, serait la pensée du XXIe siècle. « C'est le fil d'Ariane qui relie le court terme de l'économie, le moyen terme de la qualité de vie et le long terme de l'environnement. Sans l'altruisme, il n'y a aucun système intellectuel capable de prendre en compte les trois ».

Dans son dernier ouvrage, Je n'ai plus peur, Jean-Claude Guillebaud, qui a beaucoup écrit sur le vivre-ensemble, introduit une nouvelle dimension en appelant à « partager l'espérance », et cela dans une société où selon Le panorama des idées 2014, « l'abandon est l'idée maitresse » qui a marqué l'année écoulée et où « l'utopie n'est plus au goût du jour dans la vie des idées ». Seule utopie répertoriée dans l'année qui a passé, les « convivialistes », un mouvement lancé par le sociologue Alain Caillé.

Guillebaud cite d'ailleurs dans son ouvrage un extrait du Manifeste convivialiste qui relève que « l'humanité a su accomplir des progrès (...) foudroyants, mais qu'elle reste toujours aussi impuissante à résoudre son problème essentiel : comment gérer la rivalité et la violence entre les êtres humains ? Comment les inciter à coopérer tout en leur permettant de s'opposer sans se massacrer ? Comment faire obstacle à l'accumulation de la puissance, désormais illimitée et potentiellement autodestructrice, sur les hommes et sur la nature ? Si elle ne sait pas répondre rapidement à cette question, l'humanité disparaîtra ».

Ce qui rend, dit Guillebaud, la cohésion possible, c'est d'abord la volonté de vivre et de lutter ensemble, de partager certains choix, options, représentations collectives. Ces accords a minima n'empêchent pas un riche « polythéisme des valeurs ». Mais ils apportent ce qu'il faut de ciment et de détermination agissante pour que le « "nous" rassemblé demeure capable de transcender tous les "je" antagonistes. » Il nous faut, ajoute-t-il, reconnaître que « nous avons tous partie liée avec la violence et le mal. Nul ne peut donc prétendre les combattre, et encore moins les éliminer, sans commencer par soi-même ».

Jean-Louis Sanchez appelle, de son côté, dans La promesse de l'autre, à définir une « politique ambitieuse de lien social », « car, dit-il, quand ce dernier régresse, l'indifférence subie ou revendiquée, devient vite enfermement. L'utilité des valeurs communes s'efface et l'intérêt de leur promotion n'est plus d'actualité. (...) Comme si l'on avait cessé de croire que c'est précisément de l'attachement à des repères communs que dépend la qualité du vivre-ensemble. (...) Ce qui réunit, ce n'est plus le futur, mais le passé, ce n'est plus un projet, mais l'appartenance à une communauté religieuse ou ethnique. »

Ce spécialiste en sciences politiques et sociales, fondateur de l'Observatoire national de l'action sociale, fait le constat d'une France pétrie de contradictions « où les liens se délitent, où le vivre-ensemble décline, où les communautaristes gagnent du terrain, où la peur de l'autre fait florès (...) ».

Cette nouvelle réflexion sur le vivre-ensemble devrait inciter les Libanais, les seuls dans ce vaste monde à avoir inscrit le vivre-ensemble dans leur constitution et en avoir fait le fondement de la légitimité de l'État, à jeter les bases d'une nouvelle culture, une culture du vivre-ensemble et de la paix, appelée à remplacer la culture de la violence qui demeure toujours dominante.

 

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Un appel avec pour titre « Vivre-ensemble en Europe au XXIe siècle » avait déjà été lancé en 2011, par plusieurs responsables européens, parmi lesquels Joschka Fischer, Emma Bonino, Javier Solana et d'autres, qui avaient estimé que la diversité culturelle est « une constante de l'histoire européenne » et qu'elle pouvait contribuer à relancer la créativité dont l'Europe a...

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CHER MONSIEUR SAMIR FRANGIÉ : CONCUBINAGE... N'EST PAS MARIAGE !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 38, le 09 mars 2014

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Commentaires (4)

  • CHER MONSIEUR SAMIR FRANGIÉ : CONCUBINAGE... N'EST PAS MARIAGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 38, le 09 mars 2014

  • Comment, en ce temps de ce Printemps en Mars 05 au Liban, ne pas prendre les désirs Sains pour des réalités ? Ne pas exiger que ce soit l'imagination, et elle seule, qui prenne le pouvoir ? Et comment imaginer les Sains Libanais ne pas prendre leurs jambes à leurs cous, et courir pour distancer ce vieux monde Malsain derrière eux à jamais ? Certes, ce ne fut jamais qu'un moment de grâce ! Mais on ne l'arrachera pas aux Sains qui l'ont vécu ensemble. En revanche ; il faut s'en accommoder ; ceux qui, symboliquement mais presque machinalement, ont repris le tempo archaïque ces jours-ci ne peuvent pas avoir en tête la même folle idée de la liberté du vivre ensemble ! Et moins encore cette sorte d'allégresse ravageuse qui faisait sauter sans complexe les verrous d'un Liban aux rétrogrades parapets. Car les temps ne sont plus libertaires et donc déraisonnables du vivre ensemble ; ils sont anxiogènes ! Le mot-clef, c'est précaire ; ce qui donc ne s'exerce que grâce à une autorisation révocable. C'est tellement vrai qu’on dit maintenant un précaire pour désigner cet individu simple et moyen qui n'est plus "qu'autorisé" à vivre recroquevillé dans ce pays. Et de façon irrévocablement révocable ! Comment ne pas craindre que, depuis la fin de ce temps Printanier éhhh libanais, les générations montantes Saines vivront moins bien ensemble que celles qui les ont précédées ? Yâ hasséréhhh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    16 h 12, le 08 mars 2014

  • VIVRE ENSEMBLE ET EN PAIX DOIT SE RÉSUMER EN : CHACUN CHEZ SOI ET TOUS ENSEMBLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 11, le 08 mars 2014

  • Le vivre-ensemble un beau mot! mais je ne sais pas si un barbu kamikaze va accepter de vivre-ensemble avec un intellectuel

    Bahijeh Akoury

    12 h 30, le 08 mars 2014

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