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Culture - Scène

« Michel W Samir », ou la psychanalyse non aboutie des frères ennemis...

Deux mois à peine après avoir mis en scène « Rima », Joe Kodeih présente, toujours au Théâtre Gemmayzé*, son dernier spectacle « Michel W Samir ». Deux prénoms qui, associés, riment dangereusement aux oreilles libanaises. Toute ressemblance avec des personnes réelles serait-elle purement fortuite ?

Hicham Haddad (alias Michel) et Rodrigue Sleiman (en Samir) incarnent parfaitement la violence et la folie... de la lutte pour le pouvoir ?

«Les personnages de cette pièce sont purement imaginaires. Ils n'ont rien à voir avec la réalité », prévient, d'un ton entendu, Joe Kodeih. Avant de la dédier à « tous les Libanais qui ont longuement patienté à la sortie du tunnel de Nahr el-Kalb, devant les stations d'essence et les boulangeries...Et qui continuent de le faire ». Voilà qui promet !


Michel W Samir, ou l'histoire de deux pensionnaires d'un asile de fous. Le premier, immatriculé « numéro 89 », est un belliqueux au crâne rond, atteint du syndrome de Gilles de la Tourette. Lequel se manifeste par des grimaces, des gestes incontrôlés, des bruits étranges, des insultes et autres grossièretés... Le second, désigné par le « numéro 2 005 », manifeste une piété bizarre – « pour peu, il se mettrait à suinter de l'huile sainte » – ainsi qu'une forte propension à cueillir des fleurs et à répéter ses propos trois fois de suite. Chacun d'eux se prend pour une personnalité autre, mais partage le même délire : celui de s'imaginer en idole des foules. Autre point commun : leur constante rivalité...Notamment pour s'attirer les faveurs de l'infirmière (Maguy Badaoui). Qui représente pour eux tout à la fois un objet sexuel et la figure maternelle. « Attachement à la mère, relation au père non aboutie, angoisse de castration, complexe d'Œdipe », diagnostique, à chacun d'eux, le psychiatre (interprété par Antoine Balabane). En somme, ces deux-là souffrent du même mal ! Ces deux-là se ressemblent terriblement! Et ils ne font, au final, que jouer – ou rejouer – les frères ennemis, à la manière d'Étéocle et Polynice, fils d'Œdipe et de Jocaste, petits-fils de Cadmos...le Phénicien, qui se sont entre-tués pour la possession du royaume de Thèbes !


Entre asile de fous et tragédie « greco-phénicienne » éternellement renouvelée, le propos de Joe Kodeih, qui a signé le texte et la mise en scène de cette pièce, se voudrait subtilement corrosif. Malheureusement, le message sous-jacent s'égare dans un texte qui, en dépit de quelques pointes et jeux de mots amusants, souffre de passages à vide. Il y a une sorte de manque de cohérence entre la finesse de l'idée initiale et son traitement plutôt rudimentaire. Dommage. En prenant davantage son temps, Joe Kodeih aurait pu sortir de ce thème une pépite théâtrale. Et il en a largement le talent ! D'autant qu'il a, sous la main, deux comédiens principaux : Hicham Haddad en Michel et Rodrigue Sleiman en Samir, au jeu impeccable !

*École des Frères. Du jeudi au dimanche, à 20h30. Réservation au 76/409109. Billets en vente au Virgin Ticketing.

 

«Les personnages de cette pièce sont purement imaginaires. Ils n'ont rien à voir avec la réalité », prévient, d'un ton entendu, Joe Kodeih. Avant de la dédier à « tous les Libanais qui ont longuement patienté à la sortie du tunnel de Nahr el-Kalb, devant les stations d'essence et les boulangeries...Et qui continuent de le faire ». Voilà qui promet !
Michel W Samir, ou...

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