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À La Une - L'Orient Littéraire

Pompidou, stoïque capitaine

Gravement atteint d'une maladie rare, contraint de gérer un lourd héritage politique, Georges Pompidou fut, jusqu'au bout, maître de son destin et de celui de la France.

Georges Pompidou. D.R.

Secrétaire général de la présidence de la République sous Pompidou, Balladur lui consacre son dernier ouvrage. Un ouvrage qui se présente sous la forme d'un journal de bord quotidien des premiers mois de l'année 1974 qui furent aussi les derniers de la vie de Pompidou. Un journal entrecoupé de lettres et de télégrammes mais surtout de dialogues inédits et confidentiels.

L'auteur nous révèle une période très méconnue de l'Histoire de France et notamment le rôle décisif du tandem de l'ombre que formèrent Pierre Juillet et Marie-France Garaud. Il passe, en revanche, beaucoup trop vite sur l'ascension politique de Jacques Chirac que Juillet et Garaud préparaient déjà à succéder à Pompidou. Ce jeune loup lui « resta constamment fidèle après sa mort, cultivant son souvenir avec une dévotion filiale ».

Il est bon de relever ici que la question de la succession de Pompidou fut posée de son vivant. La gravité de la maladie dont il était atteint, « le doute entretenu sur sa capacité à poursuivre sa tâche, son refus de s'en expliquer » firent naturellement naître toutes sortes de rumeurs abondamment alimentées par les journalistes dont l'indécente insistance est dénoncée.

Balladur décrit la dégradation progressive de la santé du président : embonpoint, essoufflement, fatigue rapide, grippes à rechutes, hémorragies nasales, chevilles enflées, hématomes à l'œil... les doses massives de cortisone étaient son lot quotidien. Pompidou souffrait en réalité d'une rare maladie du sang (la maladie de Waldenström) qui avait été longtemps bien tolérée mais qui avait fini par se compliquer d'accidents infectieux. Même Balladur qui était pourtant le fidèle second du président n'apprit la nature exacte de ce mal qu'après sa mort, survenue le 2 avril 1974.

Il assure cependant que, malgré son état, Pompidou « avait joué son rôle, tout son rôle, et jusqu'à la fin » ; et qu'il fut jusqu'au bout « remarquable de clarté et d'autorité ». Témoin privilégié des activités du président, Balladur affirme également que durant les derniers mois de sa vie, « ses qualités et ses capacités étaient restées ce qu'elles étaient ; l'État fut dirigé sans défaillance ». Les voyages officiels furent maintenus en dépit d'atroces souffrances, ces voyages durant lesquels la moindre hémorragie aurait pu être fatale. Pompidou a évidemment dû renoncer à bien des diners et des mondanités mais « il accomplissait les devoirs de sa fonction en réservant son temps à l'essentiel ».

Étant donc encore capable d'assumer ses fonctions, il ne fut pas contraint d'y renoncer. Même s'il n'en avait qu'une connaissance fragmentaire, Georges Pompidou n'a pas été laissé dans l'ignorance de son état par ses médecins. Mais les médecins eux-mêmes n'en savaient pas assez... Le déroulement et l'issue de cette maladie, alors peu connue, étaient difficiles à prévoir et n'appelaient pas, selon les médecins, une « décision précipitée ». Le président avait trop de scrupules et de rigueur morale pour ne pas s'être interrogé sur son aptitude à conserver le pouvoir. « S'il s'y est maintenu, c'est qu'il s'en sentait capable, mais aussi parce que ses médecins, qui se sont posé la question (...) ne le lui ont pas déconseillé ».

Par ailleurs, son sens du devoir et la situation difficile dans laquelle se trouvait la France lui dictaient de refuser le choix de la facilité. Situation d'autant plus difficile que Pompidou a dû gérer le lourd héritage de mai 1968. Au point que Mitterrand dira que Pompidou avait hérité de « murs de sable » qui n'avaient que l'apparence du granit et parlera de « l'attelage fantôme » du gouvernement de la Ve République.

Balladur revient sur l'épineux article 7 de la Constitution, un article elliptique s'il en est : « En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d'empêchement constaté par le Conseil constitutionnel (...) les fonctions de président de la République (...) sont provisoirement exercées par le président du Sénat ». Le problème est que ce texte ne définit pas ce que peut être un « empêchement ».

Dans un dernier hommage au président défunt, Balladur prononça ces mots : « À nous tous qui avions l'honneur de travailler à ses côtés, il a donné l'exemple des plus hautes vertus : l'amour de la patrie et la volonté, le courage, l'oubli de soi poussés jusqu'aux plus extrêmes limites (...) »

Un ouvrage tantôt lassant en raison de certains détails et tantôt poignant. Un récit qui force l'admiration. Balladur affirme l'avoir écrit pour répondre aux questions qui continuent d'être posées, de manière plus ou moins insidieuse, mettant en cause le silence de Pompidou et de ses proches sur sa maladie. Certes, l'auteur y répond. Certes, il fait état du stoïcisme et des capacités toujours intactes du président, mais il n'en demeure pas moins que le personnage principal de cet ouvrage n'est pas Pompidou mais bien Balladur lui-même !

 

BIBLIOGRAPHIE
La tragédie du pouvoir : Le courage de Georges Pompidou de Édouard Balladur, Fayard, 2013, 340 p.

 

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Secrétaire général de la présidence de la République sous Pompidou, Balladur lui consacre son dernier ouvrage. Un ouvrage qui se présente sous la forme d'un journal de bord quotidien des premiers mois de l'année 1974 qui furent aussi les derniers de la vie de Pompidou. Un journal entrecoupé de lettres et de télégrammes mais surtout de dialogues inédits et confidentiels.
L'auteur nous...

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