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Liban - Diaspora

À Berlin, des Libanais commencent à se plaindre de leur propre mafia

La capitale allemande compte environ 60 000 Libanais. Arrivés en Allemagne à la fin des années 70 et durant les années 80, ils n'ont pas bonne réputation. Une mafia originaire du Liban tient la drogue, la prostitution et les boîtes de nuit de la capitale allemande.

Certaines rues de la capitale allemande rappellent parfois celles du Liban-Sud. Ce restaurant vend aussi bien des plats libanais qu’iraniens.

«J'aime l'Allemagne, c'est un pays qui respecte les droits de l'homme, où l'on vit dignement si on n'enfreint pas la loi. Si les Allemands nous regardent d´un mauvais œil, c'est bien à cause de nous, à cause de tout ce que les Libanais ont fait depuis qu'ils sont arrivés en Allemagne. » Hajjé Fatima a un peu plus de 70 ans. Elle tient une pâtisserie orientale avec sa fille, à Huttenstrasse, dans le quartier de Moabit. Cette rue est un mini-Liban-Sud en plein Berlin. Elle abrite divers fonds de commerce, notamment des restaurants, des pâtisseries, des coiffeurs, des bouchers halal et des call-shops aux enseignes écrites en arabe. La majorité de ceux qui s'y rendent ou de ceux qui y ont élu domicile parle arabe avec un accent propre aux habitants du Liban-Sud.


Les cheveux voilés et la peau brune ridée, hajjé Fatima, originaire de Sarafand, ne fait pas facilement confiance à son interlocuteur. Elle répond par phrases courtes, choisit prudemment ses mots avant de décider de livrer son secret. «J'ai fui le Liban en 1989, c'était en pleine guerre. J'avais de la famille ici. Le gouvernement allemand nous a aidés à nous installer. J'avais trois enfants, une fille et deux garçons. L'un d'eux est décédé », raconte-t-elle. Durant la guerre du Liban ? « Non, c'était ici, à Berlin, en 2002. Il y avait une rixe entre la police et des Kurdes originaires du Liban. Mon fils se trouvait dans la rue. La police l'a arrêté. Il faisait chaud ce jour-là. Les policiers l'ont mis à terre pour l'immobiliser... Et, vous savez, un Allemand, c'est baraqué comme une armoire à glace. Mon fils est mort asphyxié. Il n'avait rien à voir, la police a cru à tort qu'il faisait partie du gang kurde », assure-t-elle.


Le fils de hajjé Fatima a probablement été victime d'une crise cardiaque lors de son arrestation. Il était marié à une Allemande, convertie à l'islam et qui a décidé d'arborer le voile. Elle est mariée actuellement à un autre Libanais originaire de Khiam,
Selon les archives de la police berlinoise, le fils de hajjé Fatima était caché derrière une voiture et avait résisté à l'arrestation. Il avait été blessé légèrement à l'estomac et au visage, et l'autopsie avait montré que ses blessures n'étaient pas mortelles.


Nombre d'émigrés originaires du Liban sont liés à deux mafias :
– la mafia kurde du Liban qui regroupe entre autres le clan Miri, opérant entre Berlin et Brême. Au Liban, ces Kurdes de Beyrouth étaient considérés comme des apatrides et ne disposaient pas de la nationalité libanaise jusqu'en 1994 ;
– il y a aussi à Berlin une mafia tenue par des Palestiniens du Liban, notamment le clan Abou Chaker, impliqué actuellement à Berlin dans une grosse affaire relative au showbiz local.
Ces deux clans du crime organisé opèrent de la même manière. Ils tiennent notamment la drogue, la prostitution et la vie de nuit dans la capitale allemande.
À cela s'ajoute, également à Berlin, une autre forme de société libanaise organisée, celle du Hezbollah, impliquée notamment dans un trafic de voitures d'occasion et de pièces détachées vers le Liban et les pays d'Afrique. Ces Libanais proches du Hezbollah font la loi à leur manière, en se montrant menaçants à l'égard des Syriens habitant ou réfugiés à Berlin qui affichent leur soutien à l'opposition syrienne.

 

Vols dès la tendre enfance
À Sonnenallee, une avenue de Neukölln, un commerçant d'origine libanaise ayant requis l'anonymat se plaint : « Très souvent, une rixe se produit dans la rue. L'année dernière, des tirs se sont produits dans le restaurant d'en face du fait d'un règlement de comptes entre clans de Kurdes libanais. Encore heureux qu'il n'y ait pas eu de morts. »
« Je sais comment ces clans opèrent, souligne-t-il. Les qualifier de mafia, c'est leur donner trop d´importance. Ce sont des voyous, des caïds de quartier. Ils font travailler leurs propres enfants, leur apprenant dès l´âge de dix ans à casser des serrures de magasin. Ils les font participer ensuite, quand ils atteignent l'âge de douze ans, à de gros braquages, notamment des vols de bijouteries. Ces gens-là ont six, dix, douze enfants... Ils les jettent dans la rue, les poussant au banditisme. Si l´un de leurs enfants est arrêté, ils ne s'en soucient guère. Il sera vite remplacé par un autre dans la rue. »
«Ces clans exercent du chantage sur les faibles, prennent de l'argent aux petits commerçants, et si quelqu'un, qu'il soit allemand ou libanais, décide de se plaindre auprès de la police, ils le soudoient, lui versant 10 000 ou 15 000 euros pour se taire. Ils viennent dans mon magasin. Ils sont libanais. Je ne peux pas les chasser, et pourtant je n'aime pas leur présence. Je fais un métier de services, je dois entretenir de bonnes relations avec tout le monde », dit-il encore, niant qu'il ait peur de la mafia.


Toujours sous couvert d'anonymat, un autre commerçant indique : « Les dealers de Hermannplatz et des lignes U8 et U7 (du métro berlinois) ne sont que de petits pions de la mafia libanaise. Les gros patrons ont beaucoup d'argent et travaillent dans tout ce que l'islam considère comme haram : prostitution, drogue et alcool. »

 

Donner l'exemple d'un bon Libanais
Retour à Sonnenallee, le restaurant al-Andalous. Habib, le propriétaire, a 28 ans. Il est né de père libanais et de mère allemande. Ici, les clients, allemands et arabes, attendent leurs plats en sirotant du thé sucré, offert par le restaurant. C'est que Habib, élevé par sa grand-mère au Liban avant de revenir en Allemagne, veut montrer les belles traditions libanaises de générosité aux étrangers.
Son père, qui était joueur de foot, était venu en Allemagne dans le cadre d'un stage et il a décidé de ne plus rentrer au Liban, demandant l'asile. Aujourd'hui, Habib tient le restaurant avec son père. Marié à une Turque, il a trois enfants. « Les deux aînés vont à l'école et ils ont de très bons résultats. En week-end, ils vont, deux heures durant, dans une école pour apprendre l'arabe », raconte-t-il.
Jeune, grand et brun, Habib rêve de pouvoir, à travers son comportement de sportif et de travailleur, donner l'exemple d'un bon Libanais auprès des Allemands, que ce soit les hommes avec lesquels il fait de la boxe française ou ses clients au restaurant.


Layal est coiffeuse. Elle est originaire de Chiyah. Âgée de 42 ans, c'est une femme rousse aux yeux miel. Elle déborde de vie et rit aux éclats. Layal travaille dans un salon de Sonnenallee tenu par Toufic, un réfugié palestinien né à Karak, dans le caza de Zahlé. Âgée d'une quarantaine d'années, elle est arrivée à Berlin il y a six ans, suivant son mari établi en Allemagne depuis treize ans. « Mon mari est actuellement au chômage, indique-t-elle. Je me rappelle du jour où il avait décidé de partir en Allemagne. Nous n'avons pas de parents ici. Mais nous ne voulions plus vivre dans la pauvreté au Liban, avec des coupures du courant électrique, payant des sommes exorbitantes pour nous chauffer et risquant de mourir devant les portes des hôpitaux parce que nous n'avons pas les moyens de payer les services d'un médecin », raconte-t-elle.
« Mon mari est donc venu à Berlin, il a travaillé dans un restaurant et il a commencé à effectuer les démarches auprès du gouvernement allemand pour que je puisse le rejoindre avec les enfants », dit-elle. Elle se sent bien dans la capitale allemande : « Les Allemands sont gentils et accueillants, et j'ai envie de vieillir ici », note-t-elle.
Layal ne parle pourtant pas l'allemand. « Cela fait six ans que j'essaie d'apprendre. Mais vous savez, je viens d'un milieu pauvre au Liban. J'avais quitté l'école à l'âge de 12 ans et l'allemand est une langue difficile », indique-t-elle, comme pour s'excuser.
« Ce salon de coiffure est un peu comme ma famille », poursuit-elle. Mais se sent-elle en famille avec tous les Libanais de Berlin ? Layal se tait, réfléchit avant de répondre : « Je ne sais pas vraiment. Vous savez, le métro et ses alentours ici (Hermannplatz U8) sont dangereux. C'est bondé de dealers. Parmi eux, il y a beaucoup de jeunes Libanais, soit des Libanais de pure souche, soit des Libanais d'origine kurde. Certains viennent en Allemagne en rêvant de réussir et finissent par faire ce genre de petits boulots pour la mafia en disant à leurs parents au Liban qu'ils ont trouvé un vrai métier. »


Toufic, le propriétaire du salon de coiffure, renchérit : « J'ai trois enfants, je travaille avec ma femme toute l'année pour leur assurer une vie décente et bien les éduquer. Ils sont les meilleurs de leur classe. Tout le monde n'est pas comme cela. Il existe un certain nombre de Libanais qui sont là pour profiter du système. Ils pensent qu'en faisant des enfants, ils gagneront de l'argent grâce à toutes les aides du gouvernement allemand, et ils ne se soucient pas trop si leurs enfants finissent dans la rue ou dans les stations de métro à distribuer de la drogue. »
Que font-ils de cet argent versé par le gouvernement allemand ? « Ils l'envoient à leurs familles au Liban ou encore, quand ils rentrent pour les vacances, ils prennent des tonnes de valises, offrent des cadeaux à tout le monde, et cela pour leurrer leurs proches en leur faisant croire qu'ils ont réussi en Allemagne, alors qu'ils vivent sur le compte du gouvernement allemand », explique-t-il.

 

Ne jamais travailler et vivre grâce aux aides sociales
Retour à Moabit, à Huttenstrasse. Le salon d'un coiffeur. Ali en est le propriétaire. Il est arrivé il y a deux ans en Allemagne du Liban-Sud. C'est en épousant sa cousine, il y a deux ans, née en Allemagne de parents émigrés libanais, qu'il a pu venir légalement à Berlin. Beaucoup de mariages arrangés se font de cette manière. Les filles libanaises nées en Allemagne, bénéficiant de la nationalité, sont rapidement mariées par leurs parents à des cousins restés au pays. Les familles s'enorgueillissent du fait que les adolescentes libanaises « préservent les traditions » et qu'elles ne fréquentent pas des étrangers.


Ali n'est pas content en Allemagne. Il s'est rendu quatre fois au Liban depuis qu'il est arrivé à Berlin. Il parle à peine allemand et ne compte pas prendre des cours pour parfaire la langue. « Ici, je vis comme au Liban, souligne-t-il. Mes voisins et mes amis sont libanais et mes clients arabes. Je ne vois pas pourquoi je devrais apprendre l'allemand. D'ailleurs, je ne connais pratiquement pas d'Allemands. » Pourquoi ne rentre-t-il donc pas au Liban ? « Ici, tout est assuré par le gouvernement : un loyer et un salaire si je suis au chômage, une somme mensuelle pour chaque enfant quand j'en aurai... Avec de telles facilités, pourquoi voulez-vous que je rentre chez moi ? »
Hussein, son ami, a lui aussi épousé une cousine. Lui aussi est coiffeur et lui aussi est originaire du Liban-Sud. Dans ce salon de coiffure comme dans tous les autres fonds de commerce de la rue, on distingue une tirelire à côté de la caisse frappée d'une inscription en arabe « Aux veuves et aux orphelins ». Certaines de ces tirelires portent aussi le nom d'associations caritatives relevant du Hezbollah.
D'ailleurs, Ali et Hussein sont fiers d'afficher leur allégeance au Hezbollah « seul rempart contre les jihadistes sunnites », disent-ils. Tous les deux défendent les positions prises par le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, notamment sa décision d'envoyer des miliciens se battre en Syrie aux côtés de l'armée syrienne.
Quand ils font confiance à leur interlocuteur, Ali et Hussein évoquent les Libanais qui arrivent illégalement en Allemagne en faisant appel à des passeurs qui les amènent de Géorgie jusqu'à une frontière européenne et ensuite en Allemagne, ou en se cachant dans des camions de transport de marchandises à partir de la Turquie.


Dans ce même quartier, le restaurant Reda vend des plats libanais et iraniens, et emploie une majorité de Libanais. Ici, les hommes, cuisiniers et serveurs, expliquent que si l'on ne compte pas vraiment des médecins, des ingénieurs ou des avocats parmi les Libanais de Berlin, c'est parce que l'émigration libanaise est pauvre. « En France, les émigrés libanais sont chrétiens ; à Londres, ils sont chrétiens et sunnites. Ce sont les riches et les lettrés du pays, c'est pour cela qu'ils réussissent. Ici, nous sommes chiites, nous avons toujours été des laissés-pour-compte, et ce n'est que grâce au Hezbollah que nous réussissons actuellement à nous faire respecter au Liban », indique un client du restaurant en réponse à une question.


À Moabit, comme à Neukölnn, Pankow et Wedding, quartiers de Berlin peuplés de Libanais et d'Arabes, on enregistre de plus en plus de rixes ou d'attaques au poignard entre des Libanais chiites, d'un côté, et des Libanais sunnites ou des Syriens opposés au régime de Bachar el-Assad, de l'autre.


Toujours à Moabit, un homme brun, les cheveux gominés et portant une veste en cuir, demande qu'on lui traduise vers l'arabe une adresse écrite en allemand. Pourtant, il parle couramment l'arabe avec l'accent libanais. Il explique qu'il est né à Berlin et qu'il n'a jamais appris à lire et à écrire l'arabe. Quand on lui demande de lire l'inscription en lettres latines, il hésite, commence à bégayer et l'on devine qu'il est analphabète. « Je suis un Palestinien du Liban, indique-t-il. Je suis né en Allemagne. J'ai arrêté d'aller à l'école à un très jeune âge, j'ai trente ans et je n'ai jamais travaillé... J'ai toujours vécu grâce aux aides sociales du gouvernement allemand. » Il n'en dira pas plus.


Il fait presque nuit, un jeune homme brun et mal rasé emprunte la ligne 8 du métro berlinois, la ligne qui dessert des quartiers qui vivent la nuit, qui compte un grand nombre de dealers et qui traverse des quartiers libanais et turcs. Il monte à Gesundbrunnen et prend la direction de Hermannplatz. Il a deux téléphones portables, deux vieux Nokia. Il parle en allemand dans l'un, promet qu'il arrivera dans peu de temps au rendez-vous. Son autre téléphone sonne. Il raccroche avec son interlocuteur allemand puis parle en arabe. « J'ai l'argent, je te le remettrai demain matin. T'en fais pas pour l'autre gars, il ne nous dérangera plus. Je viens de le voir. Il ne veut pas d'ennuis, il sait qu'il ne peut pas se mesurer à nous. »


Voilà encore un Libanais qui a décidé de jouer au caïd dans l'un des quartiers de Berlin...

«J'aime l'Allemagne, c'est un pays qui respecte les droits de l'homme, où l'on vit dignement si on n'enfreint pas la loi. Si les Allemands nous regardent d´un mauvais œil, c'est bien à cause de nous, à cause de tout ce que les Libanais ont fait depuis qu'ils sont arrivés en Allemagne. » Hajjé Fatima a un peu plus de 70 ans. Elle tient une pâtisserie orientale avec sa fille, à...

commentaires (3)

FOUTAISES !

FRIK-A-FRAK

18 h 25, le 13 janvier 2014

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Commentaires (3)

  • FOUTAISES !

    FRIK-A-FRAK

    18 h 25, le 13 janvier 2014

  • Triste de voir des libanais mafieux aux quatre coins de l' Europe donnant toujours au Liban une mauvaise réputation.

    Sabbagha Antoine

    14 h 00, le 13 janvier 2014

  • Meme en Allemagne, ces idiots continuent de faire ce qu'ils ont toujours fait : Foutre la merde partout ou ils vont...

    IMB a SPO

    13 h 09, le 13 janvier 2014

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